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    2. Voyage avec un âne dans les Cévennes
    3. Chapitre 5
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    est au grenier, répondit-elle. Il vous fabrique un aiguillon.

    Béni soit l’homme qui inventa les aiguillons ! Béni soit l’aubergiste du Bouchet-Saint-Nicolas qui m’en montra le maniement ! Cette simple gaule, pointue d’un huitième de pouce, était en vérité un sceptre, lorsqu’il me la remit entre les mains. À partir de ce moment-là, Modestine devint mon esclave. Une piqûre et elle passait outre aux seuils d’étable les plus engageants. Une piqûre et elle partait d’un joli petit trottinement qui dévorait les kilomètres. Ce n’était point, à tout prendre, une vitesse remarquable et il nous fallait quatre heures pour couvrir dix milles au mieux. Mais quel changement angélique depuis la veille ! Plus de manipulation du brutal gourdin ! Plus de fouettage d’un bras endolori ! Plus d’exercice de lutte, mais une escrime discrète et aristocratique ! Et qu’importait, si de temps à autre, une goutte de sang apparaissait, telle une cale, sur la croupe couleur de souris de Modestine ? J’eusse préféré autrement, certes, mais les exploits d’hier avaient purgé mon cœur de toute humanité. Le petit démon pervers, qu’on n’avait pu mater par la bonté, devait obéir quand même à la piqûre.

    Il faisait un froid amer et glacial et, à part une cavalcade de dames à califourchon et un couple de facteurs ruraux, la route fut d’une solitude mortelle sur tout le parcours jusqu’à Pradelles. Je ne me souviens à peine que d’un incident. Un fringant poulain, portant une clochette au poitrail, s’élança vers nous d’une ruée à fond de train, à travers toute l’étendue des prés, comme un être sur le point d’accomplir de grands exploits, puis, soudain, changeant d’idée dans son jeune cœur de recrue, vira de bord et s’éloigna au galop ainsi qu’il était venu, sa clochette tintinnabulant dans le vent. Pendant longtemps ensuite, je vis sa noble attitude, tandis qu’il s’était arrêté et j’entendis le son du grelot. Lorsque j’eus atteint la grand-route, la chanson des fils télégraphiques semblait continuer la même musique.

    Pradelles est situé au flanc d’un coteau dominant l’Allier, entouré d’opulentes prairies. On fauchait le regain de toutes parts, ce qui conférait au voisinage, ce matin d’automne orageux, une odeur insolite de fenaison. Sur la rive opposée de l’Allier, le site continuant de s’élever pendant des milles à l’horizon, un paysage d’arrière-saison halé et jauni, marqué des taches noires des bois de pins et des routes blanches sinuant parmi les monts au-dessus de l’ensemble, les nuages épandaient une ombre uniformément purpurine, triste et en quelque sorte menaçante, exagérant hauteurs et distances et donnant plus de relief encore aux sinuosités de la grand-route. La perspective était assez désolée mais stimulante pour un touriste. Car, je me trouvais maintenant à la lisière du Velay et tout ce que j’apercevais était situé dans une autre région – le Gévaudan sauvage, montagneux, inculte, de fraîche date déboisé par crainte des loups.

    Les loups, hélas ! comme les bandits, semblent reculer devant la marche des voyageurs. On peut trôler à travers toute notre confortable Europe et n’y point connaître une aventure digne de ce nom. Mais ici, y fut-on jamais ailleurs, on se trouvait sur les frontières de l’espoir. C’était, en effet, le pays de la toujours mémorable Bête, le Napoléon Bonaparte des loups. Quelle destinée que la sienne ! Elle vécut dix mois à quartiers libres dans le Gévaudan et le Vivarais, dévorant femmes et enfants « et bergerettes célèbres pour leur beauté ». Elle poursuivit des cavaliers en armes. On la vit, en plein midi, chassant une chaise de poste et un piqueur au long du pavé du Roy, et chaise et piqueur fuyaient devant elle au grand galop. Elle tint l’affiche comme un malfaiteur public et sa tête fut mise à prix dix mille francs. Et pourtant, lorsqu’elle fut tuée et expédiée à Versailles, hé bien ! ce n’était qu’un loup banal et pas des plus gros, « quoique je puisse aller de pôle en pôle », chantait Alexandre Pope. Le petit caporal ébranla l’Europe ; si tous les loups avaient ressemblé à ce loup-ci, ils eussent changé l’histoire de l’humanité. Élie Berthet a fait de lui le héros d’un roman que j’ai lu et que je n’ai nullement envie de relire.

    Je dépêchai mon goûter et résistai au désir de l’aubergiste qui m’incitait vivement à visiter Notre-Dame de Pradelles « qui accomplissait beaucoup de miracles, bien qu’elle fût en bois » et, moins de trois quarts d’heure après, j’aiguillonnais Modestine en bas de la descente escarpée qui mène à Langogne-sur-Allier. Des deux côtés de la route, dans de vastes champs poussiéreux, des fermiers s’activaient en vue du prochain printemps. Tous les cinquante mètres, un attelage de bœufs lourds, aux fanons pendants, tirait patiemment une charrue. Je vis un de ces puissants et placides serviteurs de la glèbe prendre un subit intérêt à Modestine et à moi-même. Le sillon qu’il creusait menait à un angle de la route. Sa tête était solidement attachée au joug comme celle des cariatides sous une pesante corniche, mais il riva sur nous ses grands yeux honnêtes et nous accompagna d’un regard pensif jusqu’au moment où son maître le contraignit à retourner la charrue et commença de remonter le champ. De tous ces socs de charrue qui ouvraient le sol, des pas de bovins, de tout laboureur qui, ici ou là, brisait à la houe les mottes de terre desséchées, le vent portait au loin une poussière légère comparable à une épaisse fumée. C’était un tableau rural vivant, affairé, délicat et, tandis que je continuais à descendre, les hautes terres du Gévaudan ne cessaient de monter devant moi dans le ciel.

    J’avais traversé la Loire le jour précédent, maintenant, j’allais traverser l’Allier, tellement sont rapprochés les deux confluents près de leur source. Juste au pont de Langogne, alors que la pluie longtemps promise se mettait à tomber, une jeune fille d’entre sept ou huit, me posa la question rituelle : « D’où est-ce que vous v’nez ? » Elle le fit d’un air si hautain que je partis de rire aux éclats, ce qui la piqua au vif. C’était évidemment une personne qui escomptait du respect et elle demeura figée à me regarder dans une colère silencieuse, tandis que je traversais le pont et pénétrais dans le Comté du Gévaudan.

    LE HAUT GÉVAUDAN

    Le chemin était fort fatigant parmi la poussière et les éclats de pierres ; il n’y avait pas dans toute la contrée une seule auberge ni une boutique de victuailles où se restaurer un peu.

    Voyage du Pèlerin.

    I – CAMPEMENT DANS L’OBSCURITÉ

    Le jour suivant (mardi 24 septembre) il était deux heures de l’après-midi, avant que j’eusse terminé mon journal et rafistolé ma musette, car j’étais résolu à porter désormais mon havresac, et à ne plus m’encombrer de paniers. Une demi-heure plus tard, je partais pour le Cheylard-l’Évêque, localité sise à l’orée de la forêt de Mercoisre. On peut, m’avait-on dit, y parvenir en une heure et demie et j’estimais à peine présomptueux de supposer qu’un homme embarrassé d’un bourriquet pouvait couvrir le même trajet en quatre heures.

    Durant tout le chemin sur la longue montée depuis Langogne, il plut et grêla alternativement. Le vent continua de fraîchir ferme, quoique peu à peu. Des nuages qui se bousculaient en abondance – certains remorquant des rideaux d’ondées à fil droit, d’autres tassés et lumineux qui semblaient annoncer de la neige – accoururent du nord et me suivirent le long de la route. Je fus bientôt hors du bassin cultivé de l’Allier et loin des bœufs au labour, et des aspects de même ordre de la région. Des landes, des fonds vaseux à bruyères, des étendues de roches et de sapins, des bois de bouleaux nuancés par l’or de l’automne, çà et là, quelques minables chaumières et des champs mornes, telles étaient les caractéristiques du pays. Coteau et vallée suivaient vallée et coteau. De petits sentiers de chèvres, herbus et pierreux, sinuaient et s’entremêlaient, se divisaient en trois ou quatre, mouraient au lointain de creuses marécageuses et recommençaient d’essaimer, sporadiques, aux flancs des collines ou aux lisières d’un bois.

    Il n’y avait pas de route directe jusqu’à Cheylard et ce n’est pas mince affaire de s’ouvrir un passage dans cette contrée rocailleuse à travers ce dédale intermittent de pistes. Il pouvait être quatre heures environ, lorsque j’atteignis Sognerousse et poursuivis mon chemin, tout heureux d’un point de départ certain. Deux heures plus tard, au soir tombant rapidement, dans une accalmie du vent, je débouchai d’un bois de sapins où j’avais longtemps erré pour trouver, non point le village que je cherchais, mais une autre creuse marécageuse entre des hauteurs escarpées et glissantes. Pendant quelque temps, tout à l’heure, j’avais entendu devant moi tinter les clochettes d’un troupeau et, maintenant, tandis que je sortais des lisières du bois, j’aperçus à proximité une douzaine de vaches et peut-être encore plus d’êtres noirs que je présumais être des enfants, quoique le brouillard eût exagéré leurs silhouettes au point de les rendre presque méconnaissables. Tous se suivaient les uns les autres en silence, tournaient en rond, tantôt se tenant les mains, tantôt brisant la chaîne et cessant les révérences. Une danse enfantine incite à des pensées fort plaisantes et pures. Toutefois, à la nuit tombante sur les marais, c’était un spectacle étrange et fantastique. Même moi, qui suis un lecteur assidu d’Herbert Spencer, je sentis comme un silence s’appesantir un moment sur mon âme. Aussitôt, j’accélérai de l’aiguillon la marche de Modestine et la guidai au large, comme un bateau sans gouvernail. Dans une sente, elle avançait résolue de son plein gré, poussée, eût-on dit, par un vent favorable, mais une fois sur l’herbe et parmi la bruyère, voilà la bête devenue folle.

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