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    2. Voyage avec un âne dans les Cévennes
    3. Chapitre 21
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    sous les étoiles que dans un cabaret bruyant et clos : « Maintenant, je vois que vous connaissez le Seigneur ! »

    En me quittant, le commerçant me demanda une de mes cartes, car il déclarait que je pourrais lui fournir à l’avenir un sujet de conversation. Il désirait me voir prendre note de sa requête et des raisons qu’il en donnait. Et voilà son souhait ainsi accompli.

    Un peu après deux heures, je traversai la Mimente et pris, vers le Sud, une sente raboteuse qui grimpait au flanc d’une montagne couverte d’un éboulis de pierres et de touffes de bruyères. Au faîte, selon la coutume du pays, la sente disparaissait. Je laissai mon ânesse brouter la bruyère et partis seul à la recherche d’une route.

    Je me trouvais maintenant à la séparation de deux vastes versants : derrière moi toutes les rivières coulaient vers la Garonne et l’océan Atlantique, devant moi s’étendait le bassin du Rhône. D’ici, comme des monts Lozère, on pouvait voir, par temps clair, miroiter le golfe du Lion. Et peut-être que d’ici les soldats de Salomon avaient guetté les huniers de Sir Cloudesley Shovel et le secours longtemps promis de l’Angleterre. On pouvait considérer cette crête comme située au cœur du pays des Camisards. Quatre de leurs cinq légions étaient cantonnées aux alentours, visibles les unes aux autres : Salomon et Joani au Nord, Castanet et Roland au Sud et lorsque Julien eut achevé sa mémorable campagne, la dévastation des Hautes Cévennes, qui dura pendant octobre et novembre 1703 – quatre cent soixante villages et hameaux furent par le feu et le fer complètement anéantis – quelqu’un debout sur ce point culminant aurait contemplé une terre silencieuse, sans foyers et sans habitants. Les années et l’activité de l’homme ont maintenant relevé ces ruines. Cassagnas une fois de plus a réparé ses toits et envoie vers le ciel ses fumées domestiques. Et dans les châtaigneraies, dans les combes basses et touffues, les fermiers, à l’aise, s’en retournent, après le travail quotidien, vers leurs enfants et vers leur âtre flambant. C’était néanmoins le site sans doute le plus sauvage de toute mon excursion. Pic sur pic, chaîne sur chaîne, surgissaient vers le sud pénétrés et comme sculptés par les torrents de l’hiver et revêtus, de la base au sommet, d’une épaisseur feuillue de châtaigniers d’où émergeait, çà et là, une couronne abrupte de roches. Le soleil, qui était encore loin de son déclin, environnait d’une brume dorée le faîte des monts, cependant que la vallée était déjà plongée dans une ombre immobile et profonde.

    Un très vieux berger clopinant entre une paire de cannes et portant une casquette noire de soie « liberty », comme en deuil, eût-on dit, de sa mort prochaine – m’indiqua le chemin de Saint-Germain-de-Calberte. Il y avait quelque chose de solennel dans l’isolement de cet être infirme et caduc. Où il habitait, comment il s’était hissé sur cette cime haute ou comment il se proposait d’en descendre, c’était là plus que je ne pouvais imaginer. Non loin de cet endroit, sur ma droite, se dressait le fameux Plan de Font Morte où Poul, avec son cimeterre arménien, trucidait les Camisards de Séguier. Celui-ci me semblait être une manière de Rip Van Winkle de cette guerre qui avait perdu ses Camisards fuyant devant Poul et qui errait depuis lors dans les montagnes. Ce pourrait lui être grande nouvelle d’apprendre que Cavalier s’était rendu sans condition ou que Roland avait succombé en combattant, adossé à un olivier. Et tandis que mon imagination vagabondait de la sorte, j’entendis le vieillard me héler d’une voix chevrotante, et je le vis me faire signe, en agitant une de ses cannes, de rebrousser chemin. J’étais déjà à bonne distance de lui, mais abandonnant Modestine une fois de plus, je revins sur mes pas. Hélas ! il s’agissait d’une affaire bien banale. Le vieux Monsieur avait omis de demander au colporteur ce qu’il vendait et il souhaitait réparer cet oubli.

    Je lui répondis sèchement : Rien !

    – Rien ? s’écria-t-il.

    Je répétai : Rien, et tournai les talons. Il est bizarre de penser que peut-être suis-je ainsi devenu aussi mystérieux pour ce bonhomme qu’il l’avait été lui-même pour moi.

    La route passait sous les châtaigniers et, bien que j’aperçusse quelques hameaux au-dessous de mes pieds dans la vallée et plusieurs habitations isolées de fermiers, la marche fut très solitaire tout l’après-midi et le soir s’amena promptement sous les arbres. Tout soudain j’entendis une voix de femme chanter non loin de là une vieille ballade mélancolique et interminable.

    Il semblait s’agir d’amour et d’un bel amoureux, son aimable galant. Et je souhaitai pouvoir reprendre le refrain et lui faire écho, tout en poursuivant, invisible, ma route sous bois, unissant, comme la Pippa du poème, mes pensées aux siennes. Qu’aurais-je eu à lui dire ? Peu de choses ; tout ce que le cœur requiert pourtant ; comment le monde donne et reprend, comment il ne rapproche les cœurs qui s’aiment que pour les séparer de nouveau par de lointains pays étrangers ! Mais l’amour est le suprême talisman qui fait de l’univers un jardin et « l’espérance commune à tous les hommes » annule les contingences de la vie, atteint de sa main tremblante par delà le tombeau et la mort. Aisé à dire, certes. Puis aussi, grâce à Dieu, doux et réconfortant à croire.

    Nous parvînmes enfin sur une large chaussée blanche au silencieux tapis de poussière. La nuit était venue. La lune s’était réverbérée pendant un bon moment sur la montagne d’en face, lorsque, à un tournant, mon baudet et moi nous trouvâmes dans sa pleine clarté. J’avais vidé mon eau-de-vie à Florac, car cette potion m’était devenue insupportable. Je l’avais remplacée par un volnay généreux au bouquet parfumé. Et maintenant, sur la route je bus à la majesté sacrée de la lune. Ce ne fut qu’une couple de gorgées ; pourtant, dès cet instant, je devins inconscient de mes membres et mon sang circula avec une volupté insolite. Modestine elle-même, inspirée par ce rayonnement d’astre nocturne, remuait ses menus sabots comme à plus vive cadence.

    La route montait et descendait rapidement parmi les masses de châtaigniers. Nos pas soulevaient une poussière chaude qui flottait au loin. Nos deux ombres, – la mienne déformée par le havresac, la sienne comiquement chevauchée par le paquetage – tantôt s’étalaient nettement dessinées devant nous, tantôt, à un tournant, s’éloignaient à une distance fantomatique et couraient comme des nuages le long des montagnes. De temps en temps, un vent tiède bruissait dans le vallon et faisait sur tous les arbres se balancer les bouquets de feuillages et de fruits. L’oreille s’emplissait d’une musique murmurante et les ombres valsaient en mesure.

    Le moment d’après, la brise avait cessé d’errer et, dans la vallée entière, rien ne remuait plus que nos pieds voyageurs ; sur le versant opposé, l’ossature monstrueuse et les ravins de la montagne se devinaient vaguement au clair de lune. Et là-bas, très haut, dans quelque maison perdue, brillait une fenêtre éclairée, unique tache carrée, rougeâtre dans l’immense champ d’ombre morne de la nuit.

    À un certain point, comme je marchais en contrebas par des détours rapides, la lune disparut derrière les monts et je poursuivis mon chemin dans une totale obscurité jusqu’à ce qu’un autre tournant me fît déboucher, à l’improviste, dans Saint-Germain-de-Calberte. Le village était endormi et silencieux et enseveli dans la nuit opaque. Seule, par une unique porte ouverte, une lueur de lampe s’évadait jusqu’à la route afin de me montrer que j’étais arrivé parmi les habitations des hommes. Les deux dernières commères de la soirée, bavardant encore près du mur d’un jardin, m’indiquèrent l’auberge. L’hôtelière mettait coucher ses poussins, le feu déjà était éteint qu’il fallut, non sans grommelage, rallumer. Une demi-heure plus tard, l’âne et moi aurions dû aller, sans souper, au perchoir.

    VII – LA DERNIÈRE JOURNÉE

    Quand je m’éveillai (jeudi 2 octobre), entendant grande fanfare de coqs et caquetage de poules satisfaites, je me mis à la fenêtre de la chambre propre où j’avais passé la nuit. Je contemplai une matinée ensoleillée dans une vallée profonde aux plantations de châtaigniers. Il était encore de bonne heure et le chant des coqs et les lumières obliques et les ombres allongées m’incitèrent à sortir explorer les alentours.

    Saint-Germain-de-Calberte est une grande paroisse d’environ neuf lieues de circonférence. À l’époque des guerres de religion et juste avant la dévastation, elle était habitée par deux cent soixante-quinze familles dont neuf seulement étaient catholiques. Il fallut au curé dix-sept journées du mois de septembre pour aller à cheval, de maison en maison, faire un recensement. Mais la localité elle-même, quoique chef-lieu de canton, est à peine plus importante qu’un hameau. Elle s’étage en terrasses sur une pente escarpée au milieu de vigoureux châtaigniers. La chapelle protestante s’élève un peu plus bas, sur un éperon. Il y a, au centre du village, une vieille et curieuse église catholique.

    C’est en ce lieu que le pauvre du Chayla, martyr du Christ, avait sa bibliothèque et tenait école de missionnaires. Ici, il avait édifié son tombeau, pensant reposer au sein d’une population reconnaissante d’avoir été rachetée de l’erreur et c’est ici qu’au lendemain de sa mort on apporta, pour l’inhumer, le corps percé de cinquante-deux blessures. Revêtu de ses habits sacerdotaux, il fut exposé en grand apparat dans l’église. Le curé, empruntant son texte au livre second de Samuel, chapitre vingtième, verset douzième, « Et Amasias baignait dans son sang sur le grand chemin » prêcha un sermon pathétique. Il exhorta ses frères à mourir, chacun à son poste comme leur infortuné pasteur. Au mitan de cette éloquence, le bruit court qu’Esprit Séguier approche et voilà que toute

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