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    2. Voyage avec un âne dans les Cévennes
    3. Chapitre 15
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    aborder un chapitre romantique – ou plus justement une note romantique en bas de page – de l’histoire universelle. Que restait-il de toute cette poussière et de tous ces héroïsmes surannés ? On m’avait assuré que le Protestantisme survivait toujours dans ce quartier général de la résistance huguenote. Bien mieux, même un prêtre me l’avait affirmé dans le parloir d’un couvent. Il me restait toutefois à connaître s’il s’agissait d’une survivance ou d’une tradition féconde et vivace. En outre, si dans les Cévennes septentrionales, les gens étaient stricts en opinions religieuses et plus remplis de zèle que de charité, qu’avais-je à attendre de ces champs de persécutions et de représailles ? – dans cette contrée où la tyrannie de l’Église avait provoqué la révolte des Camisards et la terreur des Camisards jeté la paysannerie catholique dans une rébellion légale du côté opposé, en sorte que Camisards et Florentins se tenaient cachés dans les montagnes pour sauver leur vie, les uns et les autres.

    Juste au faîte du mont où j’avais fait halte pour inspecter l’horizon devant moi, la série de bornes en pierre cessa brusquement et seulement un peu en dessous, une sorte de piste apparut qui dévalait en spirale une pente à se rompre le cou, tournant comme tire-bouchon. Elle conduisait dans une vallée entre des collines déclives, aux éteules de roc comme un champ de blé moissonné et, vers la base, recouvertes d’un tapis de prés verdoyants. Je me hâtais de suivre la sente : la nature escarpée du versant, les continuels et brusques lacets de la ligne de descente et le vieil espoir invincible de trouver quelque chose de nouveau dans une région nouvelle, tout conspirait à me donner des ailes. Encore un peu plus bas et un ruisseau commença, réunissant lui-même plusieurs sources et menant bientôt joyeux tapage parmi les montagnes. Parfois, il voulait traverser la piste dans un semblant de cascade, avec un radier, où Modestine se rafraîchissait les sabots.

    La descente entière fut pour moi comme un rêve, tant elle s’accomplit rapidement. J’avais à peine quitté le sommet que déjà la vallée s’était refermée autour de ma sente et le soleil tombait d’aplomb sur moi, qui marchais dans une atmosphère stagnante de bas-fonds. Le sentier devint une route. Elle descendit et remonta en molles ondulations. Je dépassai une cabane, puis une autre cabane, mais tout semblait à l’abandon. Je n’aperçus pas une créature humaine ni n’entendis aucun bruit, sauf celui du ruisselet. Je me trouvais pourtant, depuis la veille, dans une autre région. Le squelette pierreux du monde était ici vigoureusement en relief exposé au soleil et aux intempéries. Les pentes étaient escarpées et variables. Des chênes s’accrochaient aux montagnes, solides, feuillus et touchés par l’automne de couleurs vives et lumineuses. Ici ou là, quelque ruisseau cascadait à droite ou à gauche jusqu’au bas d’un ravin aux roches rondes, blanches comme neige et chaotiques. Au fond, la rivière (car c’était vite devenue une rivière collectant les eaux de tous côtés, tandis qu’elle suivait son cours) ici un moment écumant dans des rapides désespérés, là formant des étangs du vert marin le plus délicieux taché de brun liquide. Aussi loin que j’étais allé, je n’avais jamais vu une rivière d’une nuance à ce point délicate et changeante. Le cristal n’était pas plus transparent ; les prairies n’étaient pas à demi aussi vertes et, à chaque étang rencontré, je sentais une envie frémissante de me débarrasser de ces vêtements aux tissus chauds et poussiéreux et de baigner mon corps nu dans l’air et l’eau de la montagne. Tout le temps que je vivrai, je n’oublierai jamais que c’était un dimanche. La quiétude était un perpétuel « souvenez-vous » et j’entendais en imagination les cloches des églises sonner à toutes volées sur l’Europe entière et la psalmodie de milliers d’églises.

    À la fin, un bruit humain frappa mon oreille – un cri bizarrement modulé, entre l’émotion et la moquerie, et mon regard traversant la vallée aperçut un gamin assis dans un pré, les mains encerclant les genoux, rapetissé par l’éloignement jusqu’à une infimité comique. Le petit drôle m’avait repéré alors que je descendais la route, de bois de chênes à bois de chênes remorquant Modestine et il m’adressait les compliments de la nouvelle région par ce trémulant bonjour à l’aigu. Et comme tous bruits sont agréables et naturels à distance suffisante, celui-ci également qui me parvenait à travers l’air très pur de la montagne et franchissait toute la verte vallée, retentissait délicieux à mon oreille et semblait un être rustique comme les chênes et la rivière.

    Peu après le ruisseau que je longeais se jeta dans le Tarn, à Pont-de-Montvert, de sanglante mémoire.

    II – PONT-DE-MONTVERT

    Une des premières choses rencontrées à Pont-de-Montvert, si je me souviens bien, fut le temple protestant. Mais ce n’était que le présage d’autres nouveautés. Une subtile atmosphère distingue une ville d’Angleterre d’une ville de France ou même d’Écosse. À Carlisle, vous pouvez vous apercevoir que vous êtes dans une certaine région. À Dumfries, à trente milles plus loin, vous êtes non moins certain d’être dans une autre encore. Il me serait difficile d’exprimer par quelles particularités Pont-de-Montvert se distingue du Monastier ou de Langogne, voire de Bleymard. Mais la différence existait et parlait éloquemment aux yeux. La localité, avec ses maisons, ses sentiers, son lit de rivière éblouissant porte un cachet méridional indéfinissable.

    Tout était agitation dominicale dans les rues et dans les cafés comme tout avait été paix dominicale dans la montagne. Il devait y avoir au moins une vingtaine de personnes pour déjeuner vers onze heures avant midi. Quand je me fus restauré et assis pour mettre à jour mon journal, je suppose que plusieurs encore survinrent, l’un après l’autre, ou par groupes de deux ou trois. En traversant les monts Lozère, non seulement j’étais arrivé parmi des visages bien entendu nouveaux, mais j’évoluais sur le territoire d’une race différente. Ces gens, tandis qu’ils dépêchaient en vitesse leurs viandes dans un inextricable jeu d’épée de leurs couteaux, me questionnaient et me répondaient avec un degré d’intelligence qui dépassait tout ce que j’avais jusqu’alors rencontré, excepté parmi les ouvriers de la voie ferrée à Chasseradès. Ils avaient des visages disant la franchise. Ils étaient vifs ensemble de propos et de manières. Ils n’entraient pas seulement dans l’esprit total de mon excursion, mais plus d’un l’assura, s’il avait été assez fortuné, il eût aimé partir pour entreprendre pareil tour.

    Même physiquement la transformation était plaisante. Je n’avais plus vu une jolie femme depuis que j’avais quitté le Monastier, et là, une seulement. Maintenant, des trois qui étaient assises en ma compagnie au dîner, une n’était certes point belle, – une pauvre créature timide d’une quarantaine d’années, tout à fait troublée par ce brouhaha de table d’hôte et dont je fus le chevalier servant et que je servis jusqu’au vin y compris et que je poussais à boire, m’efforçant généralement de l’encourager. Avec un résultat d’ailleurs exactement contraire. Mais les deux autres, toutes deux mariées, étaient toutes deux plus distinguées que la moyenne des femmes. Et Clarisse ? Que dire de Clarisse ? Elle servait à table avec une lourdeur impassible et nonchalante qui avait quelque chose de bovin. Ses immenses yeux grisâtres étaient noyés de langueur amoureuse. Ses traits, quoique un peu empâtés, étaient d’un dessin original et fin. Ses lèvres avaient une courbe de dédain. Ses narines dénonçaient une fierté cérémonieuse. Ses joues descendaient en contours bizarres et typiques. Elle avait une physionomie capable de profonde émotion et, avec de l’entraînement, offrait la promesse de sentiments délicats. Il semblait déplorable de voir un aussi excellent modèle abandonné aux admirations locales et à des façons de penser locales. La beauté devrait au moins impressionner belle audience, alors, en un instant, elle se dégage du poids qui l’accable, elle prend conscience d’elle-même, elle adopte une élégance, apprend un maintien et un port de tête et, en rien de temps, patet dea. Avant de partir, j’assurai Clarisse de mon admiration sincère. Elle but mes paroles comme du lait, sans gêne ni surprise, en me regardant tout bonnement et fixement de ses yeux immenses. Et je confesse que le résultat en fut pour moi un peu de confusion. Si Clarisse savait lire l’anglais, je n’oserais ajouter que son corps ne valait point son visage. Question secondaire que cela ! Mais sans doute serait-il mieux encore, à mesure qu’elle avancerait en âge.

    Pont-de-Montvert ou Greenhill Bridge, comme nous dirions chez nous, est une localité fameuse dans l’histoire des Camisards. C’est ici que commença la guerre ; ici que ces Covenantaires du Midi égorgèrent leur archevêque Sharp. La persécution, d’une part, le fébrile enthousiasme, d’autre part, sont presque aussi difficiles à comprendre en nos tranquilles temps modernes et selon nos croyances et nos incrédulités modernes. En outre, les protestants étaient individuellement et collectivement des esprits sincères, dans le zèle ou la douleur. Tous étaient prophètes et prophétesses. Des enfants à la mamelle auraient exhorté leurs parents aux bonnes œuvres. « Un gosse de quinze mois à Quissac, parla à haute et intelligible voix, des bras maternels, secoué de frissons et de sanglots. » Le maréchal de Villars avait vu une ville où toutes les femmes semblaient « possédées du diable », avaient des crises d’épilepsie et rendaient des oracles en public, dans les rues. Une prophétesse du Vivarais avait été pendue à Montpellier, parce que du sang lui coulait des yeux et du nez et qu’elle déclara qu’elle versait des larmes de sang sur les malheurs des protestants. Et il n’y avait pas que des femmes et des enfants. De dangereux sectateurs de Stalwart, accoutumés à brandir la faucille et à manier la cognée, étaient

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