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    2. Voyage avec un âne dans les Cévennes
    3. Chapitre 14
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    la cornemuse. J’ai écouté le grincement d’un chariot ou d’une voiture s’élever tout à coup après des heures de silence et passer durant quelques minutes, dans le domaine restreint de mon ouïe, alors que j’étais couché. Du romanesque gît autour de ce qui est loin durant les heures de ténèbres et nous essayons, dans une sorte de fièvre, d’en deviner la signification. Ici le romanesque était double : d’une part, ce gai passant, allumé intérieurement par le vin, qui lançait, au ciel, sa voix et son refrain dans la nuit ; puis, d’autre part, moi-même sanglé dans mon sac et solitaire sous le couvert des pins, qui envoyait ma fumée entre quatre et cinq mille pieds aux étoiles.

    Quand je m’éveillai de nouveau (dimanche 29 septembre) beaucoup d’étoiles avaient disparu. Seules les plus éclatantes compagnes de la nuit brûlaient toujours visibles au-dessus de ma tête. Au loin, vers l’est, j’aperçus une mince brume lumineuse sur l’horizon, comme il en avait été pour la voie lactée, lorsque je m’étais éveillé la fois d’avant. Le jour était proche. J’allumai ma lanterne et, à sa lueur larvée, je me chaussai et boutonnai mes houseaux, puis je cassai un peu de pain pour Modestine, emplis ma gourde à la fontaine et allumai ma lampe à alcool pour me faire bouillir un peu de chocolat. Le brouillard bleuâtre s’étendait dans le vallon où j’avais si agréablement dormi. Bientôt, une large bande orange, nuancée d’or, enveloppa le faîte des monts du Vivarais. Une grave joie posséda mon âme devant cette graduelle et aimable venue du jour. J’entendis le ruisselet avec plaisir. Je cherchai autour de moi quelque chose de beau et d’imprévu. Mais les pins sombres immobiles, la clairière déserte, l’ânesse qui broutait restèrent sans métamorphose. Rien n’était changé sinon la lumière et, en vérité, elle épandait tout un flot de vie et de paix animée et me plongeait dans une étrange jubilation.

    Je bus mon chocolat à l’eau. S’il n’était pas onctueux, il était chaud et je vaguai, çà et là, en haut et en bas, autour de la clairière. Tandis que je lambinais ainsi, une brusque saute de vent, aussi prolongée qu’un gros soupir, se rua directement du poste du matin. Elle était glaciale et me fit éternuer. Les arbres proches agitaient leurs panaches obscurs à son passage et je pouvais discerner les minces aiguilles lointaines au long de l’arête de la montagne se balancer longuement çà et là contre l’est doré. Dix minutes après la lumière du soleil inondait au galop le flanc des collines, éparpillant ombres et lumières. Le jour était tout à fait venu.

    Je me hâtai de préparer mon paquetage et d’aborder la roide montée qui s’étendait devant moi ; mais une idée me trottait par la tête. Ce n’était pas uniquement une fantaisie, pourtant une fantaisie est quelquefois importune. J’avais été très hospitalièrement reçu et ponctuellement servi dans mon vert caravansérail. La chambre était aérée, l’eau excellente et l’aurore m’avait appelé à l’heure voulue. Je ne parle pas de la décoration de l’inimitable plafond, non plus que de la vue que j’avais de mes fenêtres. Mais j’avais le sentiment d’être en quelque manière le débiteur de quelqu’un pour toute cette généreuse réception. Aussi me plut-il, en façon de demi-plaisanterie, d’abandonner en partant quelques pièces de monnaie sur le sol, jusqu’à ce qu’il y en eût de quoi payer mon logement de la nuit. J’espère que cet argent n’est point tombé entre les mains de quelque vulgaire et riche roulier.

    LE PAYS DES CAMISARDS

    Nous marchions dans le sillage des guerriers d’autrefois,

    Pourtant la contrée entière était verdoyante ;

    Et trouvions amour et paix

    Où avaient sévi fer et feu.

    Ils passent et sourient les fils de l’épée.

    Ils ne brandissent plus le glaive.

    Oh ! qu’il a de profondes racines le blé

    Qui pousse sur un champ de bataille !

    W. P. BANNATYNE.

    I – À TRAVERS LA LOZÈRE

    La piste que j’avais suivie dans la soirée disparut bientôt et je continuai, au-delà d’une montée de gazon pelé, de me diriger d’après une suite de bornes de pierres pareilles à celles qui m’avaient guidé à travers le Goulet. Il faisait chaud déjà. J’accrochai ma veste au ballot et marchai en gilet de tricot. Modestine, elle-même tout excitée, partit dans un trottinement cahotant qui faisait valser l’avoine dans les poches de mon paletot. C’était bien la première fois que cela arrivait. La perspective à l’arrière sur le Gévaudan septentrional s’élargissait à chaque pas. À peine un arbre, à peine une maison apparaissaient-ils dans les landes d’un plateau sauvage qui s’étendait au nord, à l’est, à l’ouest, bleu et or dans l’atmosphère lumineuse du matin. Une multitude de petits oiseaux voletaient et gazouillaient autour de la sente. Ils se perchaient sur les fûts de pierre ; ils picoraient et se pavanaient dans le gazon et je les vis virevolter par bandes dans l’air bleu et montrer, de temps à autre, des ailes qui brillaient avec éclat, translucides, entre le soleil et moi.

    Presque du premier instant de mon ascension, un ample bruit atténué comme une houle lointaine avait empli mes oreilles. Parfois, j’étais tenté de croire au voisinage d’une cascade et parfois à l’impression toute subjective de la profonde quiétude du plateau. Mais, comme je continuais d’avancer le bruit s’accrut et devint semblable au sifflement d’une énorme fontaine à thé. Au même instant des souffles d’air glacial, partis directement du sommet, commencèrent de m’atteindre. À la fin, je compris. Il ventait fort sur l’autre versant de la Lozère et chaque pas que je faisais me rapprochait de l’ouragan.

    Quoiqu’il eût été longuement désiré, ce fut tout à fait incidemment enfin que mes yeux aperçurent l’horizon par-delà le sommet. Un pas qui ne semblait d’aucune façon plus décisif que d’autres pas qui l’avaient précédé et « comme le rude Cortez lorsque, de son regard d’aigle, il contemplait le Pacifique », je pris possession en mon nom propre d’une nouvelle partie du monde. Car voilà qu’au lieu du rude contrefort herbeux que j’avais si longtemps escaladé, une perspective s’ouvrait dans l’étendue brumeuse du ciel et un pays d’inextricables montagnes bleues s’étendait à mes pieds.

    Les monts de Lozère se développent quasiment à l’est et à l’ouest coupant le Gévaudan en deux parties inégales. Son point le plus culminant, ce pic de Finiels sur lequel j’étais debout, dépasse de cinq mille six cents pieds le niveau des eaux de la mer, et, par temps clair, commande une vue sur tout le bas Languedoc jusqu’à la Méditerranée. J’ai parlé à des gens qui, ou prétendaient ou croyaient avoir aperçu, du Pic de Finiels, de blanches voiles appareillant vers Montpellier et Cette. Derrière s’étendait la région septentrionale des hauts-plateaux que ma route m’avait fait traverser, peuplés par une race triste et sans bois, sans beaucoup de noblesse dans les contours des monts, simplement célèbres dans le passé par de petits loups féroces. Mais, devant moi, à demi voilé par une brume ensoleillée, s’étalait un nouveau Gévaudan, plantureux, pittoresque, illustré par des événements pathétiques. Pour m’exprimer d’une façon plus compréhensive, j’étais dans les Cévennes au Monastier et au cours de tout mon voyage, mais il y a un sens strict et local de cette appellation auquel seulement cette région hérissée et âpre à mes pieds a quelque droit et les paysans emploient le terme dans ce sens-là. Ce sont les Cévennes par excellence : les Cévennes des Cévennes.

    Dans ce labyrinthe inextricable de montagnes, une guerre de bandits, une guerre de bêtes féroces, fit rage pendant deux années entre le Grand Roi avec toutes ses troupes et ses maréchaux, d’une part, et quelques milliers de montagnards protestants, d’autre part. Il y a cent quatre-vingts ans, les Camisards tenaient un poste là même, sur les monts Lozère où je suis. Ils avaient une organisation, des arsenaux, une hiérarchie militaire et religieuse. Leurs affaires faisaient « le sujet de toutes les conversations des cafés » de Londres. L’Angleterre envoyait des flottes les soutenir. Leurs meneurs prophétisaient et massacraient. Derrière des bannières et des tambours, au chant de vieux psaumes français, leurs bandes affrontaient parfois la lumière du jour, marchaient à l’assaut de cités ceintes de remparts et mettaient en fuite les généraux du roi. Et parfois, de nuit, ou masquées, elles occupaient des châteaux-forts et tiraient vengeance de la trahison de leurs alliés ou exerçaient de cruelles représailles sur leurs ennemis. Là était établi, il y a cent quatre-vingts ans, le chevaleresque Roland, « le comte et seigneur Roland, généralissime des protestants de France », sévère, taciturne, autoritaire, ex-dragon, troué de petite vérole, qu’une femme suivait par amour dans ses allées et venues vagabondes. Il y avait Cavalier, un garçon boulanger doué du génie de la guerre, nommé brigadier des Camisards à seize ans, pour mourir, à cinquante-cinq, gouverneur anglais de Jersey. Il y avait encore Castanet, un chef partisan, sous sa volumineuse perruque et passionné de controverse théologique. Étranges généraux qui se retiraient à l’écart pour tenir conseil avec le Dieu des armées et refuser ou accepter le combat, posaient des sentinelles ou dormaient dans un bivouac sans gardiens, selon que l’Esprit inspirait leur cœur. Et il y avait pour les suivre, ainsi que d’autres meneurs, des ribambelles et des kyrielles de prophètes et de disciples, hardis, patients, infatigables, braves à courir dans les montagnes, charmant leur rude existence avec des psaumes, prompts au combat, prompts à la prière, écoutant pieusement les oracles d’enfants à demi fous et qui déposaient mystiquement un grain de blé parmi les balles d’étain avec lesquelles ils chargeaient leurs mousquets.

    J’avais voyagé jusqu’à ce moment dans une morne région et dans un sillage où il n’y avait rien de plus remarquable que la Bête du Gévaudan, Bonaparte des loups, dévoratrice d’enfants. Maintenant, j’allais

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