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    2. Voyage avec un âne dans les Cévennes
    3. Chapitre 12
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    honteux et effrayé de ma position. Ils me pressaient uniquement sur la question d’opportunité. « Maintenant, disaient-ils, maintenant que Dieu m’avait conduit à Notre-Dame des Neiges, – c’était l’heure prédestinée. »

    – Ne soyez pas retenu par l’amour-propre, observa le prêtre afin de m’encourager.

    Pour quelqu’un qui professe des sentiments de tous points égaux à l’endroit de tous les genres de religion, et qui n’a jamais été capable, même une minute, de peser sérieusement le mérite de cette croyance-ci ou de celle-là sur le plan éternel des êtres, bien qu’il puisse y avoir beaucoup à louer ou à blâmer sur le plan temporel et séculier, la situation ainsi créée était tout ensemble déplaisante et pénible. Je commis une seconde faute de tact en m’efforçant de plaider que tout revenant, en fin de compte, à la même chose, nous tendions tous à nous rapprocher, par des voies différentes, du même Ami et Père – sans le préciser. Cela comme il semble à des esprits laïques, serait l’unique Évangile qui méritât ce nom. Mais des hommes divers pensent de manière différente. Cet élan révolutionnaire fit brandir au prêtre toutes les terreurs de la loi. Il se lança dans des détails bouleversants sur l’enfer. Les damnés, dit-il – sur la foi d’un petit livre qu’il avait lu il n’y avait pas une semaine et que pour ajouter conviction à sa conviction il avait eu tout à fait l’intention d’emporter avec lui dans sa poche – les damnés se trouvaient conserver la même attitude durant toute l’éternité au milieu d’épouvantables tortures. Et, tandis qu’il discourait ainsi, sa physionomie croissait en noblesse en même temps qu’en enthousiasme.

    Comme décision, tous deux concluaient que je devais chercher à voir le Prieur, puisque le père Abbé était absent, et exposer mon cas devant lui sans tarder.

    – C’est mon conseil comme ancien militaire, observa le commandant et celui de monsieur, comme prêtre.

    – Oui, ajouta le curé en faisant un signe de tête sentencieux, comme ancien militaire et comme prêtre.

    À ce moment, tandis que je n’étais pas sans embarras comment répondre, entra un des moines : un petit type brun aussi vif qu’une anguille, avec un accent italien, qui se mêla aussitôt à la discussion, mais avec une humeur plus conciliante et plus persuasive, ainsi qu’il convenait à l’un de ces aimables religieux. On n’avait qu’à le regarder, dit-il. La règle était très dure. Il aurait joliment aimé demeurer dans son pays, l’Italie – on savait combien ce pays était beau, la belle Italie ; mais alors, il n’y avait point de Trappistes en Italie et il avait une âme à sauver et il était ici.

    J’ai peur qu’il y ait, au fond de tous ces sentiments ce dont un critique de l’Inde m’avait gratifié : « Un hédonisme qui se meurt. » Car cette explication des motifs d’agir du frère me choquait un peu. J’eusse préféré penser qu’il avait choisi cette existence pour l’intérêt qu’elle offrait et non point en vue de desseins ultérieurs. Cela montre combien j’étais loin de sympathiser avec ces bons Trappistes, même lorsque je faisais de mon mieux pour y parvenir. Mais au curé l’argument parut décisif.

    – Écoutez ça ! s’écria-t-il. Et j’ai vu un marquis ici, un marquis, un marquis – il répéta le mot sacré trois fois de suite – et d’autres personnages haut placés dans la société. Et des généraux ! Et ici, à votre côté, est ce monsieur qui a été tant d’années sous les armes – décoré, un ancien guerrier. Et le voici, prêt à se vouer à Dieu.

    J’étais, pendant cette harangue, si complètement embarrassé que je prétextai avoir froid aux pieds et m’évadai de la salle. C’était par une matinée de vent farouche avec un ciel nettoyé et de longues et puissantes soleillées. J’errai jusqu’au dîner dans une région sauvage en direction de l’est, cruellement frappé et mordu par l’ouragan, mais récompensé par des points de vue pittoresques.

    Au dîner, l’Œuvre de la Propagation de la Foi recommença et, à cette occasion, encore plus déplaisante pour moi. Le prêtre me posa plusieurs questions sur la méprisable croyance de mes ancêtres et reçut mes répliques avec une sorte de ricanement ecclésiastique.

    – Votre secte, dit-il, une fois, car je pense que vous voudrez bien admettre que ce serait lui faire trop d’honneur que de l’appeler une religion…

    – Comme il vous plaira, Monsieur, répondis-je. Vous avez la parole.

    À la fin, il se fâcha de ma résistance et quoiqu’il fut sur son propre terrain et qui plus est, à ce sujet, un vieillard et ainsi avait droit à l’indulgence, je ne pus m’empêcher de protester contre son manque de courtoisie. Il fut tristement décontenancé.

    – Je vous assure, fit-il, que je n’ai nulle envie de rire au fond du cœur. Aucun autre sentiment ne me pousse que l’intérêt que je porte à votre âme.

    Et là finit ma conversion. Le brave homme ! Ce n’était pas un phraseur dangereux mais un curé de campagne, plein de zèle et de foi. Puisse-t-il parcourir longtemps le Gévaudan, sa soutane retroussée – un homme solide à la marche et solide au réconfort de ses paroissiens, à l’heure de la mort ! J’oserai dire qu’il traverserait vaillamment une tourmente de neige pour aller où son ministère l’appellerait. Ce n’est pas toujours le croyant le plus débordant de foi qui fait l’apôtre le plus habile !

    ENCORE LE HAUT GÉVAUDAN

    Le lit était fait, la chambre prête.

    Pour leur veillée ponctuelle, les étoiles étaient allumées,

    L’air était calme, l’eau coulait ;

    Il n’était besoin de servante ni de domestique

    Quand nous nous levâmes, baudet et moi,

    Au vert caravansérail du bon Dieu.

    Pièce ancienne.

    I – À TRAVERS LE GOULET

    Le vent tomba pendant le dîner et le ciel resta clair. Aussi, fût-ce sous les meilleurs auspices que je chargeai Modestine devant la porte du couvent. Mon ami Irlandais m’accompagna assez loin sur la route. Tandis que nous traversions le bois, on rencontra le Père Apollinaire poussant sa brouette. Et il planta là son bêchage pour m’escorter peut-être une centaine de mètres, retenant ma main entre les siennes. Je quittai d’abord l’un puis l’autre, avec un regret nullement feint, pourtant avec la joie du voyageur qui secoue la poussière d’une étape avant de s’élancer vers une autre. Puis Modestine et moi remontâmes le cours de l’Allier (ce qui nous ramena dans le Gévaudan) vers sa source dans la forêt de Mercoire. Ce n’était plus qu’un ruisseau sans importance bien avant de cesser de le suivre. De là, une colline franchie, notre route nous fit traverser un plateau dénudé jusqu’au moment d’atteindre Chasseradès, au soleil couchant.

    La compagnie réunie, ce soir-là, dans la cuisine de l’auberge se composait de tous les ouvriers employés aux études topographiques pour l’une des voies ferrées projetées. Ils étaient intelligents et de conversation agréable et nous décidâmes de l’avenir de la France au-dessus d’un vin chaud jusqu’à ce que l’heure tardive marquée par l’horloge nous chassa coucher. Il y avait quatre lits dans la petite chambre à l’étage et nous étions six à y dormir. Mais j’eus un lit pour moi seul et je persuadai mes compagnons de laisser la fenêtre ouverte.

    – Hé, bourgeois, il est cinq heures ! Tel fut le cri qui m’éveilla au matin (samedi 28 septembre). La chambre était remplie d’une buée transparente qui me laissa obscurément entrevoir les trois autres lits et les cinq bonnets de nuit différents sur les oreillers. Mais par-delà la fenêtre l’aurore empourprait d’une large bande rouge le sommet des montagnes et le jour allait inonder le plateau. L’heure était suggestive et il y avait là promesse de temps calme qui fut parfaitement tenue. J’étais bientôt en chemin avec Modestine. La route continua pendant un moment sur le plateau et descendit ensuite à travers un village abrupt dans la vallée du Chassezac. Son cours glissait parmi de verdoyantes prairies, dérobé au monde par ses berges escarpées. Le genêt était en fleur et, de çà de là, un hameau envoyait au ciel sa fumée.

    À la fin, la sente traversa le Chassezac sur un pont et abandonnant ce ravin profond se dirigea vers la crête du Goulet.

    Elle s’ouvrait passage à travers Lestampes par des plateaux, des bois de hêtres et de bouleaux et, à chaque détour, me découvrait des spectacles d’un nouvel agrément. Même dans le ravin de Chassezac, mon oreille avait été frappée par un bruit semblable à celui d’un gros bourdon sonnant à la distance de plusieurs milles, mais à mesure que je continuai de monter et de me rapprocher, il paraissait changer de ton. Je constatai enfin qu’il était provoqué par un berger qui menait paître son troupeau au son d’une trompe. L’étroite rue de Lestampes, d’un bout à l’autre, débordait de moutons – des moutons noirs et blancs, bêlant avec ensemble comme chantent les oiseaux au printemps, et chacun s’accompagnant de la clochette pastorale suspendue à son cou. Cela faisait un impressionnant concert tout à l’aigu. Un peu plus haut, je passai près de deux hommes perchés dans un arbre, armés d’une serpe à émonder. L’un d’eux fredonnait une chanson de bourrée. Un peu plus loin encore et tandis que je pénétrais déjà sous les bouleaux, le chant des coqs me parvint joyeusement et, en même temps, se prolongea la voix d’une flûte qui modulait un air discret et plaintif dans l’un des villages des hauteurs. Je me représentai un maître d’école rustique, aux joues de pomme d’api, grisonnant, qui jouait du chalumeau dans son bout de jardin au soleil du clair automne. Ces diverses musiques d’un charme singulier m’emplissaient le cœur d’une expectative insolite. Il me semblait qu’une fois franchi le contrefort que j’escaladais, j’allais descendre dans le paradis terrestre. Et je ne fus point déçu, puisque j’étais désormais

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