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    2. Voyage avec un âne dans les Cévennes
    3. Chapitre 11
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    constance spirituelle et de vigueur physique sont requis avant qu’on soit agréé dans l’ordre. Mais je ne vois pas que beaucoup de postulants s’en trouvent découragés. Dans le studio photographique qui figure si bizarrement parmi les bâtiments hors de la clôture, mon regard fut accroché par le portrait d’un jeune homme en uniforme de fantassin de deuxième classe. C’était un des moines qui avait effectué son temps de service, fait des marches et des exercices et monté la garde pendant les années exigées dans une garnison algérienne. Voilà un homme qui avait considéré assurément les deux aspects de la vie avant de prendre une décision. Pourtant, aussitôt libéré du service militaire, il était revenu achever son noviciat.

    Cette règle austère inscrit un homme pour les cieux comme de droit. Lorsque le Trappiste est malade, il ne quitte pas son habit. Il repose au lit mortuaire comme il a prié et travaillé dans son existence de frugalité et de silence. Et lorsque la Libératrice arrive, au même moment, voire avant qu’on l’ait emporté dans sa robe pour coucher le peu qu’il reste de lui dans la chapelle parmi le plain-chant sans fin, les carillons de cloches joyeuses, comme s’il s’agissait d’épousailles, s’envolent de la tour aux ardoises et publient dans le voisinage qu’une âme est retournée à Dieu.

    À la nuit, sous la conduite de mon brave Irlandais, je pris place dans la tribune pour entendre complies et le Salve Regina par quoi les Cisterciens terminent chacune de leurs journées. Il n’y avait là aucun de ces éléments qui frappent le protestant comme puérils ou spectaculaires dans la liturgie du catholicisme romain. Une rigoureuse simplicité, sublimisée par le romanesque environnant parlait directement au cœur. Je me remémore la chapelle blanchie au lait de chaux, les silhouettes encapuchonnées dans le chœur, les lumières alternativement cachées ou révélées, le rude chant viril, le silence qui s’ensuivait, le spectacle des cagoules inclinées par la prière et puis le battement au déclic tranchant de la cloche qui cessait afin de montrer que le dernier office était terminé et que l’heure de dormir était venue. Et lorsque je m’en souviens, je ne suis pas surpris de m’être évadé dans le cortile intérieur, en quelque sorte comme saisi de vertige et d’être demeuré là, debout, pareil à un insensé, sous le vent de la nuit stellaire.

    Mais j’étais fatigué et lorsque j’eus reposé mes esprits avec les mémoires d’Élisabeth Seton – un morne ouvrage ! – le froid et le croassement du vent parmi les pins (car ma chambre se trouvait de ce côté du couvent qui jouxte au bois) me disposèrent promptement au sommeil. Je fus réveillé au minuit ténébreux, à ce qu’il semblait, bien qu’il fût réellement deux heures du matin, par les premiers coups de la cloche. Tous les frères alors se précipitaient à la chapelle. Les morts vivants, à cette minute insolite, commençaient déjà les travaux sans consolation de leur journée. Les morts-vivants ! Quelle image à vous glacer ! Et les paroles d’une chanson de France me revinrent en mémoire qui disaient le meilleur de notre vie paradoxale :

    Que t’as de belles filles,

    Giroflée,

    Girofla !

    Que t’as de belles filles,

    L’Amour les comptera !

    Et je rendis grâces à Dieu d’être libre d’errer, libre d’espérer, libre d’aimer !

    III – LES PENSIONNAIRES

    Mais il y eut un autre aspect de mon séjour à Notre-Dame des Neiges. À cette saison tardive, les pensionnaires y étaient peu nombreux. Pourtant, je n’étais pas seul dans la partie publique du monastère. Elle est située près de la porte d’entrée et comprend une petite salle à manger au rez-de-chaussée et, à l’étage, un couloir entier de cellules pareilles à la mienne. J’ai sottement oublié le prix de pension pour un retraitant régulier ; c’était entre trois et cinq francs par jour environ et, il me semble bien, plus près du premier prix. Des visiteurs de raccroc comme moi pouvaient donner ce qu’ils voulaient en offrande spontanée ; toutefois on ne leur réclamait rien. Je dois mentionner que, lorsque je fus sur le point de partir, Père Michel refusa vingt francs comme une somme excessive. Je lui exposai la raison qui me poussait à lui offrir autant, même alors, par un curieux point d’honneur, il ne prétendit pas recevoir lui-même cet argent.

    – Je n’ai pas le droit de refuser pour le couvent, expliqua-t-il, mais je préférerais que vous le remettiez à l’un des frères.

    J’avais dîné seul, parce que tard arrivé, toutefois, au souper, je trouvai deux autres hôtes. L’un était un desservant d’une paroisse rurale qui avait marché la matinée entière depuis sa cure sise près de Mende pour goûter quatre jours de retraite et de prière. C’était un véritable grenadier avec le teint fleuri et les rides circulaires d’un paysan. Et, tandis qu’il se lamentait d’avoir été entravé dans sa marche par sa robe, j’avais de lui un portrait imaginaire plein de vie, faisant de larges enjambées, bien d’aplomb, de forte structure, la soutane retroussée, à travers les mornes collines du Gévaudan. L’autre était un type court, grisonnant, trapu, de quarante-cinq à cinquante ans, vêtu de tweed et d’un chandail et le ruban rouge d’une décoration à la boutonnière. Ce dernier était un personnage difficile à classer. C’était un vieux militaire qui avait fait sa carrière dans l’armée et s’était élevé au grade de commandant. Il gardait quelque chose des façons de décision brusque des camps. D’autre part, aussitôt que sa démission avait été agréée, il était venu à Notre-Dame des Neiges comme pensionnaire et, après une brève expérience de la règle du couvent, avait résolu d’y rester comme novice. Déjà la vie nouvelle commençait de modifier sa physionomie. Déjà il avait acquis un peu de l’air souriant et paisible des frères. Cependant ce n’était ni un officier, ni un Trappiste : il participait de l’un et de l’autre état. Et certes, c’était là un homme à un tournant intéressant de l’existence. Hors du tumulte des canons et des clairons, il était en train de passer dans ce calme pays limitrophe à la tombe où des hommes dorment chaque nuit dans leurs habits de cimetière et, comme des fantômes, communiquent par signes.

    Au souper, nous parlâmes politique. Je me fais un devoir lorsque je suis en France, de prêcher la bonne volonté et la tolérance politiques et d’insister sur l’exemple de la Pologne, à peu près comme certains alarmistes en Angleterre citent l’exemple de Carthage. Le prêtre et le commandant m’assurèrent de leur sympathie au sujet de tout ce que je disais et poussèrent un profond soupir sur l’âpreté des mœurs politiques contemporaines.

    – Il est vrai, dis-je, qu’on peut difficilement discuter avec quelqu’un qui ne professe pas absolument les mêmes opinions, sans qu’il se mette immédiatement en colère contre vous.

    Tous deux déclarèrent qu’un tel état d’esprit était anti-chrétien.

    Tandis que nous devisions de la sorte, comment ma langue fourcha-t-elle sur un unique mot à la louange du modérantisme de Gambetta. Le visage du vieux militaire s’empourpra aussitôt d’un afflux sanguin. Des paumes de ses deux mains, il heurta la table comme un gamin rageur.

    – Comment, monsieur ! s’écria-t-il. Comment ? Gambetta modéré ! Oseriez-vous justifier ces mots ?

    Mais le prêtre n’avait pas oublié l’esprit général de notre conversation. Et soudain, à la pointe de sa colère, le vieux soldat rencontra un regard d’avertissement arrêté sur sa figure. L’absurdité de sa conduite lui apparut dans un éclair et la tempête prit fin, sans qu’il ajoutât un mot de plus.

    Ce ne fut qu’au matin, après notre café (vendredi 27 septembre) que le couple découvrit que j’étais un hérétique. Je suppose que je l’avais induit en erreur par quelques phrases admiratives sur la vie monastique autour de nous. Ce ne fut que par une question à bout portant que la vérité se fit jour. J’avais été accueilli avec tolérance à la fois par le candide Père Apollinaire et l’astucieux Père Michel, et le bon Irlandais, lorsqu’il avait appris ma débilité religieuse, m’avait simplement frappé sur l’épaule, en disant : « Vous devez devenir un catholique et aller au ciel ! » Mais je me trouvais maintenant au milieu d’une secte d’orthodoxes différente. Ces deux hommes étaient amers, intransigeants et étroits comme les pires Écossais. Et au vrai, j’en jurerais, ils étaient plus puritains.

    Le prêtre renâcla tout haut comme un cheval de combat.

    – Et vous prétendez mourir dans cette espèce de croyance ? interrogea-t-il. Il n’est point de caractères assez gras employés par les imprimeurs mortels pour traduire son accent.

    Humblement, j’observai que je n’avais point dessein d’en changer.

    Mais il ne pouvait se contenter d’une aussi monstrueuse attitude.

    – Non ! non ! s’écria-t-il, vous devez vous convertir. Vous êtes venu ici. Dieu vous a conduit ici et vous devez profiter de l’occasion.

    Je fis une dérobade polie. J’en appelai à mes affections familiales, quoique je m’adressasse à un prêtre et à un soldat, deux classes de citoyens par hasard dégagés de ces aimables liens de la vie du foyer.

    – Vos père et mère ? s’exclama le prêtre, vous les convertirez à leur tour, lorsque vous rentrerez chez vous !

    Il me semble voir la tête de mon père ! Je préférerais plutôt m’emparer du lion de Gétulie dans son antre que de m’embarquer dans pareille entreprise contre la théologie des miens.

    Désormais la chasse était ouverte. Prêtre et soldat formaient une meute acharnée à ma conversion. Et l’œuvre de la Propagation de la Foi, pour laquelle les gens de Cheylard avaient souscrit quarante-sept francs dix centimes pendant l’année 1877, continuait vaillamment contre moi son offensive. C’était un prosélytisme baroque, mais des plus impressionnants. Ils ne pensèrent jamais à me convaincre par une argumentation où j’eusse pu tenter quelque défense. Ils tenaient pour certain que j’étais ensemble

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