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    2. Une apologie des oisifs
    3. Chapitre 8
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    l’ancien temps, tel un vieil écolier en vacances. Mais ce dont je me souviens surtout, c’est qu’il avoua n’avoir jamais lu Othello jusqu’au bout. Shakespeare était pour lui un objet d’étude permanent. Il n’aimait rien tant que de montrer l’étendue de ses connaissances et de sa mémoire en citant des passages parallèles de Shakespeare, c’est-à-dire des passages où le même mot est employé, ou la même idée traitée de manière différente. Mais Othello le dépassait. “Ce monsieur et cette dame nobles – h’m – c’est trop douloureux pour moi.” Le même soir, les panneaux étaient couverts d’affiches annonçant “Parodie burlesque d’Othello” et le contraste jaillit dans mon esprit comme un feu de joie. Cela me donna un aperçu inoubliable de l’âme de cet excellent homme. Sa compagnie était en effet riche d’enseignements en matière de générosité et de piété. Toutes les humanités se trouvaient enseignées dans cette salle à manger dépouillée, près du tabouret où il posait son pied goutteux. C’était une mine de bons conseils ; il était lui-même l’exemple qui servait de ligne directrice et d’ornement à sa conversation variée. Et un jeune homme n’aurait pu trouver ailleurs un lieu aussi éloigné de l’envie, de la peur, du mécontentement, ou de toutes les passions avilissantes ; une vie aussi honnête et tranquille ; une âme qui, comme un violon ancien, sensible à l’harmonie, répond au moindre effleurement par de la musique – que dans cette salle à manger, avec M. Hunter bavardant à sa dernière heure, à l’ombre de l’éternité, doux et sans crainte.

    Les gens âgés de la deuxième catégorie ne sont pas des conteurs d’anecdotes ; ils écoutent davantage qu’ils ne parlent, et ils écoutent les jeunes avec une attention critique et amusée. Pour trouver l’exemple parfait de ce genre de rapports, il nous faut je crois chercher parmi les dames âgées. Tout d’abord, les femmes sont meilleures que les hommes lorsqu’il s’agit d’écouter ; elles apprennent, dans les affres je le crains, à supporter la vanité ennuyeuse et puérile du sexe opposé ; et nous accepterons plus facilement un commentaire mordant de la part d’une femme que de celle de homme, fût-il le plus âgé. Et, dans la question qui nous occupe, le commentaire mordant est la pièce maîtresse, qu’il s’agisse d’instruction ou de divertissement. La vieille dame que j’ai en tête est extrêmement caustique, et, après des années d’entraînement, maîtrise parfaitement sa langue, prête au silence comme à l’attaque. Si d’aventure vous lui déplaisez, vous aurez de quoi maudire la médisance de l’âge mûr. Mais si vous avez l’heur de lui plaire, si peu que ce soit, elle vous écoutera avec une bienveillance particulièrement aimable et souriante, et vous corrigera de temps en temps, comme par jeu, à l’aide d’une ombrelle aussi lourde qu’une hallebarde. Infliger ces corrections étonnantes aux jeunes vaniteux exige un art singulier, ainsi que la supériorité de l’âge. L’esprit rend la pilule moins amère ; elle est administrée comme un compliment – si vous n’étiez pas dans ses bonnes grâces, vous n’auriez pas été censuré ; c’est une relation personnelle – un trait d’union entre vous et votre censeur ; l’âge se fait séducteur, pour son plaisir et votre édification. Incontestablement, le jeune homme se sent bien gauche ; mais il faudrait qu’il soit un parfait Malvolio, malade d’amour-propre, pour ne pas encaisser en souriant cette rebuffade ouverte. Ce qui tue, c’est la correction silencieuse ; lorsque vous êtes conscient d’avoir passé les bornes, et que votre amie ne dit rien et évite votre regard. Si l’homme était fait de caoutchouc, le cœur lui manquerait dans un tel moment. Mais lorsque le mot est lâché, le plus dur est fait ; et un garçon doté d’un tant soit peu d’humour peut essuyer une véritable grêle de boutades cinglantes, qui frappent au vif, et atteignent chaque endroit vulnérable de son âme d’un projectile habile, pour reparaître, comme après un plongeon, électrisé par une saine réaction morale, et prêt, non sans une certaine réticence et une bonne dose de répugnance, à s’exposer de nouveau à une correction du même acabit.

    Rares sont les femmes, lorsqu’elles ne sont pas bien mûries au soleil et peut-être endurcies, qui peuvent ainsi être indépendantes des hommes et leur dire leurs quatre vérités avec une sorte de cruauté affectueuse. Toujours est-il qu’elles existent, et je doute qu’aucun homme puisse leur retourner le compliment. Le genre d’hommes dont le Vernon Whitford de The Egoist est l’exemple type, disent bien la vérité, mais ils la disent sottement. Vernon est une âme généreuse, qui offre, au passage, un contraste généreux et instructif avec Daniel Deronda ; sa conduite est celle d’un homme d’honneur ; mais nous ne pouvons que le suivre, quoi qu’en dise notre conscience, lorsqu’il considère avec remords “sa stupéfiante sécheresse”. Il est le meilleur des hommes, mais la meilleure des femmes parvient toujours à combiner tout cela, et plus. Jusqu’à leurs défauts les servent ; elles tirent profit même de la fausseté de leur position sociale. Elles ont la possibilité de se retirer dans la forteresse de la bienséance. Elles peuvent aborder un sujet et l’anéantir. Les plus habiles utilisent une réserve assez élaborée en guise de franchise, tout comme elles portent des gants pour donner une poignée de main. Un homme, au contraire, doit pleinement assumer sa liberté ; il ne peut éluder une question, il lui est difficile de garder le silence sans être impoli, il doit répondre de ses propos sur-le-champ, et il n’est pas rare qu’on l’abandonne à son triste sort en le laissant choisir entre Charybde et Scylla, entre les tergiversations plus ou moins honorables de Daniel Deronda et la rigidité flagrante deVernon Whitford.

    Mais la supériorité des femmes est perpétuellement menacée ; elles ne trônent pas du haut de leurs infirmités comme les gens âgés ; elles sont prétendantes au trône autant que souveraines ; leur vanité est en jeu, et leurs sentiments n’ont que trop tendance à suivre ; voilà pourquoi bien des conversations entre les deux sexes dégénèrent jusqu’à n’être plus dignes de ce nom. Le désir de plaire, de briller d’un certain éclat tamisé, et de donner de soi une image fascinante bannit de la conversation tout ce qui est authentique et une bonne partie de ce qui est amusant. Dès qu’un puissant courant d’admiration réciproque se fait jour, l’humain prend le pas sur l’intellect, et le commerce des mots, consciemment ou non, se trouve subordonné à celui des yeux. Mais même lorsque ce danger ridicule est écarté, et qu’un homme et une femme conversent honnêtement sur un pied d’égalité, quelque chose dans leur nature ou leur éducation vient fausser le ton. D’instinct, ils se mettent d’accord ; et lorsque c’est impossible, ils s’accordent pour n’être pas d’accord. S’ils négligent cet avertissement, au premier soupçon de dispute, les voilà aux antipodes l’un de l’autre. Que survienne une question d’affaires ou de conduite à tenir, un problème pressant à régler, et la femme parlera ou écoutera, prêtera l’oreille et répondra aux arguments, non seulement avec une sagesse naturelle, mais avec franchise, logique et honnêteté. Mais si le sujet du débat est une idée en l’air ou une abstraction, un prétexte à conversation, un jeu de massacre logique, l’interlocuteur masculin peut alors abandonner tout espoir ; il aura beau faire appel à la raison, accumuler les faits, se montrer conciliant, souriant, ou au contraire furieux, rien n’y fera ; ce que la femme a dit au début, elle le répétera à la fin (à moins qu’elle ne l’ait oublié). Par conséquent, au moment même où une conversation entre hommes devient plus vive et passionnante, et qu’elle s’annonce fructueuse, la conversation entre les sexes est menacée d’extinction. Le point de désaccord, le point d’intérêt, une femme intelligente s’y dérobe dans un feu d’artifice de bavardage sans queue ni tête ; une femme discrète le franchit dans un frou-frou de soie, en gagnant sans heurt le plus proche lieu sûr. Et cette sorte de prestidigitation où, en jonglant, on escamote le sujet épineux jusqu’à ce qu’il puisse être réintroduit en toute sécurité sous une forme différente, est une tactique très prisée parmi les véritables reines des salons.

    Le salon est en effet un lieu d’artifice ; c’est nous qui l’avons voulu, et nous en sommes bien punis. La sujétion des femmes ; l’idéal qui leur est imposé dès le berceau, et qu’elles portent, ainsi qu’un cilice, avec tant de constance ; leur tendresse maternelle et condescendante vis-à-vis de la vanité et de la fatuité des hommes ; leur art de la manipulation – l’art de l’esclave civilisé parmi les barbares bon enfant – sont autant d’ingrédients pénibles qui contribuent à fausser les liens entre les êtres. Ce n’est que lorsque nous abandonnons ce lieu de distraction et d’artifice que s’établissent de véritables relations, ou que les idées peuvent se mesurer en toute honnêteté. Au jardin, sur la route ou la colline, ou bien en tête-à-tête et à l’abri de toute interruption, se présentent des occasions où nous avons beaucoup à apprendre de chaque femme ; il n’en est pas de meilleur exemple que la vie conjugale. Le mariage est une longue conversation, entrecoupée de disputes. Les disputes importent peu ; elles ne font que souligner la différence ; le cœur héroïque de la femme la poussant tout de suite à hisser haut ses couleurs.

    Mais dans les intervalles, presque inconsciemment et sans désir de briller, c’est la matière même de la vie qui est tournée et retournée, les idées sont débattues et partagées, les deux personnes adaptent de plus en plus leurs opinions pour accommoder l’autre, et au fil du temps, sans aucun son de trompe, tous

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