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    2. Une apologie des oisifs
    3. Chapitre 6
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    en effet plus mélodieux dans les notes les plus élevées. Mais même quand il fredonne le chant des sirènes, il prête encore l’oreille à l’aboiement du sphinx. Des notes byroniennes discordantes interrompent le flux de ses humeurs horaciennes. Sa gaieté a toujours en arrière-plan quelque chose de la tragédie humaine ; et il festoie comme Don Juan au son d’un double orchestre, l’un jouant un air léger de danse, l’autre, un peu plus loin, faisant tonner du Beethoven. Il n’est vraiment en paix ni avec le monde ni avec lui-même ; et cette guerre permanente qui l’agite divise parfois son attention. Il ne s’abandonne pas toujours, peut-être pas souvent, dans la conversation. Il amène dans la discussion des pensées différentes de celles qu’il exprime ; on sent que son attention est ailleurs, qu’il ne se libère pas du monde ni ne s’oublie vraiment. D’où quelques déceptions, de temps en temps ; et même, parfois, une situation assez injuste pour ses compagnons qui un jour donnent trop, un autre font preuve d’une circonspection déplacée et ne donnent peut-être pas assez. Purcel fait partie d’une toute autre catégorie que celles dont j’ai déjà parlé. Il n’est pas maître dans l’art de la discussion, mais apparaît dans la conversation, à l’occasion, sous deux aspects différents, l’un que j’admire et que je crains, le second que j’aime. Dans le premier, il est délicieusement poli et plutôt taciturne, siège sur une colline élevée et imposante, et de sa position stratégique vous lâche ses remarques comme si c’étaient des grâces. Il donne l’impression de ne pas partager nos démêlés prosaïques. Il ne manifeste pas le moindre intérêt ; quand, tout d’un coup, voilà qu’il lâche un joyau d’esprit, si transparent que les lourdauds ne le voient pas, mais si juste que les sensibles sont mouchés. Une vraie conversation doit avoir plus de corps et de sang, doit être plus bruyante, plus futile et plus révélatrice de l’homme ; le véritable causeur ne devrait pas posséder un avantage aussi solide sur son interlocuteur ; et voilà une raison parmi tant d’autres pour laquelle je préfère le second aspect de mon Purcel, quand il se détend et enfile gracieusement commérage sur commérage, mélodieux comme la bouilloire au coin du feu. Dans ces dispositions d’esprit, il a la simplicité élégante de la reine Anne. Je connais quelqu’un d’autre qui atteint, dans ses meilleurs moments, à l’insolence d’une comédie de la Restauration, parlant, je vous l’assure, dans le style de Congreve ; mais c’est une bizarrerie de la nature, et qui ne rentre pas dans la catégorie des causeurs, car il n’y a personne, hélas, pour lui donner la réplique.

    Une dernière remarque : le signe d’une véritable conversation, c’est que les bons mots peuvent difficilement être rapportés dans tout leur éclat hors du cercle des intimes. Pour garder tout leur poids, ils doivent apparaître dans une biographie, avec le portrait de celui qui les raconte. Une bonne conversation est théâtrale ; c’est comme une représentation improvisée où chacun doit se présenter sous son meilleur jour ; et le meilleur genre de conversation est celui où chaque participant est le plus complètement et le plus sincèrement lui-même, et où, si vous intervertissiez les répliques, on en perdrait complètement le sens et la clarté. C’est la raison pour laquelle la conversation dépend à ce point de notre auditoire. Nous aimerions présenter Falstaff à Mercutio, ou Falstaff à Sir Toby, mais l’idée d’une conversation entre Falstaff et Cordelia a quelque chose de rebutant. La plupart d’entre nous, tant il est vrai que l’être humain est protéiforme, peuvent parler avec tout le monde jusqu’à un certain point ; mais la véritable conversation, qui ranime la meilleure part de nous-mêmes, trop souvent éteinte, ne survient qu’avec nos âmes sœurs ; elle est ancrée aussi profondément que l’amour dans la constitution de notre être, et il faut la savourer avec toute notre énergie, tant que nous en avons, et en être à jamais reconnaissants.

    Causerie et Causeurs II[8]

    mon dernier essai a peut-être fait la part trop belle au débat proprement dit, négligeant ces conversations paisibles et lumineuses qui sont une forme supérieure de silence, dans la tranquillité du soir partagée par des amis plongés dans leurs réflexions. Il y a à cet oubli une bonne raison, en dehors de mes préférences personnelles. Ceux qui n’apprécient pas de rester au coin du feu, qui n’aiment rien tant que la tempête sociale, ont, pour justifier leur goût, de solides raisons. Ils jouissent certes de bien peu de repos ; mais le repos, c’est bon pour le bétail ; les vertus résident toutes dans l’action, la vie est mouvement, et c’est par l’oisiveté que les hommes se préparent au mal. D’un autre côté, ils tirent des coups qu’ils reçoivent leur connaissance d’eux-mêmes et des autres ; ils éprouvent au plus haut point le plaisir que prend un escrimeur à afficher et prouver sa dextérité ; ce qu’ils obtiennent, ils l’obtiennent au prix fixé par la vie, en payant comptant ; une fois que la conversation est lancée, ils sont assurés d’un traitement équitable de la part d’un adversaire aussi enthousiaste qu’eux. L’aborigène en nous, l’homme des cavernes, toujours aussi plein d’entrain que lorsqu’il se battait bec et ongles pour des racines et des baies, flaire de loin les honnêtes batailles de ce genre ; cela ressemble aux bons vieux temps primitifs qu’il passait sur les rochers ; il abandonne les confortables illusions de la vie civilisée pour retrouver la sincérité de la vie sauvage. Et si cela réjouit l’Homme Ancien, cela n’est pas moins profitable à son petit frère, le gentleman consciencieux. Je ne me fie guère à vos coteries mondaines et souriantes ; et je crains qu’elles n’acceptent sans mot dire les vanités d’un homme, qu’elles ne le laissent se répandre à tort et à travers, et ne l’encouragent à se ridiculiser que pour mieux le renvoyer ensuite, non seulement accablé de mépris à cette occasion, mais nettement plus méprisable qu’à son entrée. Si au contraire j’ai en face de moi un fanfaron exalté, acharné à l’emporter, ma vanité est sûre de se voir rabrouer une fois au moins pendant le débat. Il ne m’épargnera pas lors de nos différends ; il ne craindra pas de prouver devant moi ma propre folie.

    Bien des natures ne trouvent aucun charme dans la société tranquille des salons, dans le cercle des airs impassibles, le silence de la digestion, les remarques qui font mouche, le frémissement d’approbation. Il leur faut plus d’atmosphère et d’exercice ; “une tempête spirituelle”, selon l’expression de nos pieux ancêtres ; leurs esprits réclament l’air purificateur d’un tumultueux Valhalla. Et je soupçonne que ce choix, compte tenu de leur personnalité et leurs défauts, peut se défendre. Ceux qui ne sont que sagesse sont réduits au silence par les faits ; ils parlent dans une atmosphère limpide, les problèmes disposés autour d’eux comme un paysage naturel ; si on leur démontre qu’ils se sont peu ou prou trompés, ils digèrent le reproche comme une volée de coups, et leur santé intellectuelle n’en est que meilleure. Un murmure suffit à les corriger ; un mot ou un regard leur rappelle la grande loi éternelle. Mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. D’autres cherchent, dans la conversation, le contact humain plutôt qu’un surcroît de connaissance ou une plus grande clarté de pensée. C’est l’action, et non la philosophie qui constitue la sphère de leur activité intellectuelle. Même lorsqu’ils cherchent la vérité, il leur faut, tout au long du chemin, autant de “paysage humain” (pour ainsi dire) que possible. Ils sont au cœur de la vie ; le sang leur bat aux tempes, leurs yeux s’emparent de ce qui les réjouit avec une avidité brutale qui les rend aveugles à tout le reste, leur intérêt est rivé aux gens, ces gens tangibles qui vivent, aiment et parlent. Aux yeux d’un homme de cette trempe, la sphère de l’argument semble fort pâle et fantomatique. Par une expression frappante, un air troublé, des flots de larmes ou une insulte que sa conscience l’oblige à digérer, il acquiert une connaissance qu’aucun syllogisme n’aurait pu lui apporter.

    Sa propre expérience est si vive, il est à tel point conscient de lui-même que si, jour après jour, on l’autorise à dicter ses quatre volontés sans entendre autre chose que des échos approbateurs, il perdra tout sens de la mesure, et croira pour tout de bon être un dieu. La conversation peut-être pour un tel homme le chemin même de la perdition morale ; l’école où il apprendrait à être à la fois insupportable et ridicule.

    Ce type de personnalité est peut-être plus courant que ne le supposent les philosophes. Et si des personnes de cette catégorie veulent tirer grand profit de la conversation, il faut qu’elles parlent avec des gens qui leur soient supérieurs non par l’intellect, car c’est une supériorité qui doit se prouver, mais par le rang social. S’ils ne peuvent trouver d’ami qui les rudoie pour leur bien, il faut qu’ils trouvent un homme ou une femme âgés, ou bien quelqu’un qui leur soit tellement inférieur dans l’ordre artificiel de la société qu’ils doivent faire preuve d’une courtoisie particulière.

    Les meilleurs maîtres sont les gens âgés. Leur compagnie rabat toujours plus ou moins notre caquet ; nous devons ravaler nos réponses faciles et écouter. Ils siègent au-dessus de nos têtes, sur l’estrade de la vie, et suscitent à la fois notre respect et notre pitié. Un parfum de la vieille école, une différence infime dans leur attitude – plus dégagée et plus conciliante s’ils viennent de ce qu’on appelle une bonne famille, et souvent plus

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    Tags:
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