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    2. Une apologie des oisifs
    3. Chapitre 2
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    et qui possèdent à fond telle ou telle branche du savoir traditionnel ont, dès qu’ils quittent leur cabinet de travail, l’allure d’une vieille chouette, et se révèlent tout rêveux et rassotés dans les domaines plus intéressants et plus agréables de la vie. Beaucoup amassent une fortune considérable tout en restant jusqu’au bout mal éduqués et bêtes à pleurer. Et pendant ce temps, voyez l’oisif, qui est entré dans la vie en même temps qu’eux. Permettez-moi de vous dire que le tableau est bien différent. Notre oisif a eu le temps de prendre soin de sa santé et de son cœur ; il a passé beaucoup de temps en plein air, et l’on ne saurait rien imaginer de plus salutaire tant pour le corps que pour l’esprit. Et s’il n’a jamais lu les passages les plus obscurs de la Bible, il l’a feuilletée et parcourue avec grand profit. L’étudiant ne ferait-il pas bien d’échanger quelques racines hébraïques, et l’homme d’affaires quelques demi-couronnes, contre une partie de la connaissance de l’oisif dans le domaine de la vie en général et de l’Art de Vivre ? Qui plus est, l’oisif possède une autre qualité, plus importante que toutes celles dont je viens de parler, à savoir sa sagesse. Celui qui a contemplé à loisir la satisfaction puérile avec laquelle les autres vaquent à leurs menues activités aura pour les siennes propres une indulgence nettement ironique. Il ne rejoindra pas le chœur des dogmatiques. Il fera preuve de la plus grande tolérance envers toutes sortes de gens et d’opinions. S’il ne découvre pas de vérités exceptionnelles, il ne s’associera à aucun mensonge grossier. Sa voie le mène le long d’un chemin de traverse, peu fréquenté, mais régulier et agréable, qui s’appelle Sentier du Lieu Commun et mène au Belvédère du Bon Sens. Il découvrira de là un point de vue qui, pour manquer de noblesse, n’en sera pas moins appréciable. Et pendant que d’autres contemplent l’Orient et l’Occident, le Diable et le Lever du Soleil, il regardera avec satisfaction une sorte d’aube se lever sur le monde sublunaire, avec une armée d’ombres courant en tous sens jusqu’au grand soleil de l’éternité. Les ombres et les générations, les docteurs criards et les guerres assourdissantes se perdent dans le vide et le silence éternels. Mais sous cette surface on distingue, depuis les fenêtres du Belvédère, une vaste étendue verte et paisible ; bien des salons où brûle une joyeuse flambée, bien des gens qui rient, boivent et courtisent les dames comme ils le faisaient avant le Déluge ou la Révolution française, et le vieux berger contant son histoire sous l’aubépine.

    Une activité intense, que ce soit à l’école ou à l’université, à l’église ou au marché, est le symptôme d’un manque d’énergie alors que la faculté d’être oisif est la marque d’un large appétit et d’une conscience aiguë de sa propre identité. Il existe une catégorie de morts-vivants dépourvus d’originalité qui ont à peine conscience de vivre s’ils n’exercent pas quelque activité conventionnelle. Emmenez ces gens à la campagne, ou en bateau, et vous verrez comme ils se languissent de leur cabinet de travail. Ils ne sont curieux de rien ; ils ne se laissent jamais frapper par ce que le hasard met sur leur chemin ; ils ne prennent aucun plaisir à exercer leurs facultés gratuitement ; et à moins que la Nécessité ne les pousse à coups de trique, ils ne bougeront pas d’un pouce. Rien ne sert de parler à des gens de cette espèce : ils ne savent pas rester oisifs, leur nature n’est pas assez généreuse. Ils passent dans un état comateux les heures où ils ne peinent pas à la tâche pour s’enrichir. Lorsqu’ils n’ont pas besoin d’aller au bureau, lorsqu’ils n’ont ni faim ni soif, l’ensemble du monde vivant cesse d’exister autour d’eux. S’il leur faut attendre un train pendant une heure ou deux, ils tombent, les yeux ouverts, dans une sorte d’hébétude. À les voir, on jurerait qu’il n’y a rien à regarder, ni personne avec qui converser. On les croirait paralysés ou pestiférés. Pourtant il est probable que ce sont, dans leur domaine, des travailleurs assidus, qu’ils peuvent repérer au premier coup d’œil un contrat douteux ou la moindre fluctuation du marché. Ils ont été à l’école et à l’université, mais durant tout ce temps, ils ne pensaient qu’au prix d’excellence. Ils ont parcouru le monde et rencontré des gens brillants, mais durant tout ce temps, ils ne pensaient qu’à leurs propres affaires. Comme si l’âme humaine n’était déjà pas assez limitée par nature, ils ont rendu la leur plus petite et plus étriquée encore par une vie de travail dépourvue de toute distraction. Et voilà soudain qu’ils se retrouvent à quarante ans, apathiques, incapables d’imaginer la moindre façon de s’amuser, et sans deux pensées à frotter l’une contre l’autre en attendant le train. S’il avait eu trois ans, notre homme aurait escaladé les caisses. S’il en avait eu vingt, il aurait regardé les filles. Mais maintenant, la pipe est fumée, la tabatière est vide, et le voilà assis sur un banc, raide comme un piquet, avec des yeux de chien battu. Ce n’est pas vraiment ce que j’appelle réussir sa vie.

    Il n’y a pas que la personne elle-même pour souffrir de cette activité excessive ; sa femme, ses enfants, ses amis, sa famille, et jusqu’à ses voisins dans le train ou l’omnibus sont également touchés. L’intérêt exclusif pour ce qu’elle nomme ses affaires ne peut-être maintenu qu’au prix d’une négligence perpétuelle des autres domaines. Et il n’est en rien certain que les affaires soient la chose la plus importante dont un homme ait à s’occuper. Un juge impartial estimera sans doute qu’à l’évidence, la plupart des rôles les plus sages et les plus vertueux du Théâtre de la Vie sont remplis par des amateurs, et passent aux yeux du monde pour des périodes d’oisiveté. Car au Théâtre, il n’y a pas que les figurants, les soubrettes chantantes et les violonistes appliqués de l’orchestre qui jouent un vrai rôle et contribuent largement au résultat final, mais aussi les spectateurs, qui suivent et applaudissent depuis les bancs. Vous devez certainement beaucoup aux soins de votre avocat ou de votre agent de change, aux aiguilleurs qui vous permettent de voyager rapidement d’un lieu à l’autre et aux policiers qui patrouillent les rues pour assurer votre protection. Mais n’aurez-vous pas un instant de reconnaissance pour d’autres bienfaiteurs qui vous font sourire lorsqu’ils croisent votre chemin, ou dont la conversation est le meilleur assaisonnement de votre dîner ? Le colonel Newcome a aidé son ami à se ruiner ; Fred Bayham a la détestable habitude d’emprunter des chemises ; et pourtant ils étaient de bien meilleure compagnie que M. Barnes. [4]

    Et même si Falstaff n’était ni sobre ni très honnête, je connais bien des Barabbas à la triste mine dont le monde aurait pu se passer. Hazlitt souligne qu’il se sentait davantage l’obligé de Northcote, qui ne lui avait jamais rendu l’ombre d’un service, que de tout son cercle d’amis prétentieux, car, affirmait-il avec véhémence, un bon compagnon est le plus grand des bienfaiteurs. Je sais qu’il y a dans le monde des gens qui ne sauraient éprouver de la reconnaissance si le service n’a coûté ni peine ni effort à celui qui l’a rendu. Mais c’est là un tempérament grossier. Un homme peut vous envoyer une lettre de six pages, pleine des commérages les plus divertissants, ou bien l’un de ses articles vous fera passer un agréable quart d’heure. Pensez-vous que le service serait plus grand s’il en avait écrit le manuscrit avec son propre sang, comme pour un pacte avec le diable ? Croyez-vous vraiment que vous seriez plus redevable à votre correspondant s’il vous avait maudit tout le temps de l’importuner ainsi ? Les plaisirs sont source de plus de bienfaits que les devoirs car, comme la faculté de compassion, ils ne sont pas contraints, et représentent donc une double bénédiction. Il faut être deux pour s’embrasser, et plus de vingt personnes peuvent prendre part à une plaisanterie ; mais dès qu’il entre un élément de sacrifice, la faveur est accordée à contrecœur et, entre personnes généreuses, reçue avec embarras. Aucun devoir n’est plus sous-estimé que le bonheur. En étant heureux, nous répandons des bienfaits anonymes sur le monde, qui nous restent souvent inconnus ou, lorsqu’ils sont révélés, ne surprennent personne autant que leurs auteurs. L’autre jour, un gamin, pieds nus et en haillons, dévalait la rue en courant derrière une bille, avec un air si guilleret qu’il mettait tous les passants de bonne humeur. L’une de ces personnes, qu’il avait délivrée de pensées particulièrement noires, arrêta le petit, et lui donna quelques sous en ajoutant ceci : “Vois ce qu’on gagne parfois à avoir l’air heureux. ” S’il avait semblé heureux auparavant, il avait maintenant l’air à la fois heureux et perplexe. Pour ma part, je soutiens ceux qui encouragent les enfants à être souriants plutôt que pleurnichards. Je n’ai pas l’intention de payer pour voir des larmes, si ce n’est au théâtre, mais je suis prêt à récompenser largement la bonne humeur. Je préfère trouver un homme ou une femme heureux qu’un billet de cinq livres. Leur côté rayonnant attire la bonne volonté, et leur entrée dans une pièce donne l’impression qu’on vient d’allumer une nouvelle bougie. Peu importe qu’ils puissent démontrer ou pas la quarante-septième proposition, ils font mieux, ils démontrent par la pratique le grand Théorème de la Viabilité de la Vie. Par conséquent, si l’on ne peut-être heureux qu’en étant oisif, restons oisifs. C’est là un précepte révolutionnaire, mais dont on ne doit abuser,

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