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    2. Une apologie des oisifs
    3. Chapitre 1
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    ROBERT LOUIS STEVENSON

    Une apologie des oisifs

    suivi de

    Causerie et causeurs

    Traduit de l’anglais par

    laili dor &

    mélisande fitzsimons

    éditions allia 16, rue charlemagne, paris ive

    2009

    titre original

    An Apology for Idlers

    Une apologie des oisifs a paru pour la première fois dans le Cornhill Magazine en 1877. Il fut repris dans le volume Virginibus Puerisque and other papers, Londres, Chatto and Windus, 1888.

    Les deux parties de Causerie et causeurs (Talk and Talkers) ont également été d’abord publiées dans le Cornhill Magazine, en avril et août 1882, puis reprises dans Memories and Portraits (Chatto and Windus, 1887). © Éditions Allia, Paris, 1999,2001,2009 pour la traduction française.

    Une Apologie des Oisifs

    Boswell : l’oisiveté engendre l’ennui.

    Johnson : Si fait, Monsieur, parce que les autres sont occupés, de sorte que nous manquons de compagnie. Si au contraire nous étions tous oisifs, nous n’éprouverions nulle lassitude ; nous nous divertirions les uns les autres [1].

    aujourd’hui, chacun est contraint, sous peine d’être condamné par contumace pour lèse-respectabilité, d’exercer une profession lucrative, et d’y faire preuve d’un zèle proche de l’enthousiasme. La partie adverse se contente de vivre modestement, et préfère profiter du temps ainsi gagné pour observer les autres et prendre du bon temps, mais leurs protestations ont des accents de bravade et de gasconnade. Il ne devrait pourtant pas en être ainsi. Cette prétendue oisiveté, qui ne consiste pas à ne rien faire, mais à faire beaucoup de choses qui échappent aux dogmes de la classe dominante, a tout autant voix au chapitre que le travail. De l’avis général, la présence d’individus qui refusent de participer au grand handicap pour gagner quelques pièces est à la fois une insulte et un désenchantement pour ceux qui y participent. Un jeune homme (comme on en voit tant), prend son courage à deux mains, parie sur les six sous, et, pour employer un américanisme énergique, “se lance”. On comprend l’irritation de notre homme qui, pendant qu’il grimpe à grand peine la route, aperçoit d’autres gens, frais et dispos, allongés dans les champs au bord du chemin, un mouchoir sur les yeux et un verre à portée de main. Alexandre est piqué au vif par le dédain de Diogène. Quelle gloire retirèrent ces barbares tonitruants de la prise de Rome, lorsqu’ils envahirent le Sénat, et trouvèrent les pères conscrits assis, silencieux et impavides devant leur succès ? C’est chose amère que d’avoir peiné à gravir des pentes ardues, pour découvrir en définitive que l’humanité est indifférente à votre réussite. Voilà pourquoi les physiciens condamnent tout ce qui ne relève pas de leur domaine ; les financiers tolèrent à peine ceux qui ne s’entendent pas en valeurs boursières ; les gens de lettres méprisent les illettrés ; et les experts en tous genres s’accordent à condamner ceux qui n’en cultivent aucun.

    Et bien que ce soit là l’une des difficultés du sujet, ce n’est toutefois pas la plus grande. Personne ne vous mettra en prison pour vous être opposé au travail, mais on vous mettra au ban de la société pour avoir parlé comme un sot. La plus grande difficulté, dans maints domaines, c’est de faire les choses dans les règles ; aussi vous voudrez bien vous souvenir que ceci est une apologie. Il est certain qu’il existe beaucoup d’arguments judicieux en faveur du zèle, mais il y en a aussi beaucoup contre, et c’est précisément ceux-là que je compte présenter ici. Exposer un argument ne signifie pas se montrer sourd à tous les autres, et le fait qu’un homme ait publié le récit de ses voyages dans le Monténégro n’exclut pas qu’il ait pu visiter Richmond.

    Il ne fait aucun doute que l’on devrait être le plus oisif possible pendant sa jeunesse. Car, pour un Lord Macaulay[2] qui moissonne tous les honneurs scolaires sans rien perdre de son intelligence, on compte une foule de garçons qui paient si cher leurs prix d’excellence qu’ils n’ont plus un sou vaillant et qui, à leur entrée dans la vie active, sont déjà faillis. Et cela vaut aussi pour la période où un garçon s’instruit -ou accepte de se laisser instruire. Ce devait être un bien grand sot que ce vieil homme qui, à Oxford, s’adressa un jour à Johnson en ces termes : “Jeune homme, plongez-vous dans vos livres maintenant, et faites-vous une solide culture, car avec l’âge, vous verrez que l’étude vous pèsera. ” Il ne semble pas être venu à l’idée de ce vieil homme que bien d’autres choses deviennent pesantes avec l’âge, et que plus d’une devient impossible lorsqu’on en arrive à porter des lunettes et à marcher avec une canne. Les livres sont certes utiles, à leur manière, mais ils sont un substitut bien insipide de la vie. Il semble dommage de rester assis, comme la Dame de Shalott[3], à regarder dans un miroir et de tourner le dos au mouvement fascinant de la vie. Et si l’on passe son temps à lire, comme nous le rappelle une vieille anecdote, il en reste bien peu pour penser.

    Si vous vous repenchez sur votre propre instruction, je suis sûr que ce que vous regrettez, ce ne sont pas les heures passées à faire l’école buissonnière, car elles auront été exaltantes, instructives et bien remplies. Vous préféreriez effacer le souvenir des heures monotones perdues à somnoler en classe. Pour ma part, j’ai suivi bien des leçons en mon temps. Je n’ai pas oublié que le mouvement d’une toupie offre un exemple de stabilité cinétique. Je n’ai pas oublié que l’emphytéose n’est pas une maladie, ni le stillicide un crime. Certes, je n’abandonnerais qu’avec répugnance ces bribes de savoir, mais elles n’ont pas à mes yeux la même importance que les connaissances hétéroclites que j’ai acquises dans la rue quand je faisais l’école buissonnière. Je n’ai pas le temps de m’étendre sur ce formidable lieu d’instruction, qui fut l’école préférée de Dickens comme de Balzac, et d’où sortent chaque année bien des maîtres obscurs dans la Science des Aspects de la Vie. Je me bornerai à remarquer que si un garçon n’apprend pas dans la rue, c’est qu’il n’a aucune faculté d’apprentissage. L’élève qui fait l’école buissonnière n’est d’ailleurs pas toujours dans la rue, car s’il le préfère, il peut s’échapper, à travers les faubourgs verdoyants, vers la campagne. Il peut tomber sur un bouquet de lilas au bord de la rivière, et fumer d’innombrables pipes en écoutant le murmure de l’eau sur les pierres. Il entend un oiseau chanter dans les halliers. Et là il se laisse aller à des pensées généreuses, et voit les choses sous un jour nouveau. Qu’est-ce donc si ce n’est de l’instruction ? Imaginons que M. Je-Sais-Tout aborde ce garçon. La conversation qui s’ensuivrait ressemblerait sans doute à cela :

    — Eh bien, mon jeune ami, que faites-vous là ?

    — À vrai dire, Monsieur, je prends du bon temps.

    — Ne devriez-vous point être en classe ? Et ne devriez-vous point être en train d’étudier assidûment, afin d’acquérir quelque connaissance ?

    — Certes, mais ici aussi je suis la voie du Savoir, avec votre permission.

    — Le savoir, sacrebleu ! Et de quelle sorte, je vous prie ? Les mathématiques ?

    — Non, pour sûr.

    — La métaphysique, alors ?

    — Non plus.

    — Est-ce une langue ?

    — Non, ce n’est pas une langue.

    — Un métier ?

    — Nenni, vous n’y êtes point.

    — Eh bien, qu’est-ce donc ?

    — Voyez-vous, Monsieur, il se peut fort que je doive un jour prochain partir en Pèlerinage. Aussi m’efforcé-je de découvrir ce que font les autres dans mon cas, où se trouvent les Bourbiers et les Fourrés les plus périlleux sur la Route ; et, pareillement, quel est le meilleur type de Bâton. Si je reste allongé près de ce cours d’eau c’est aussi pour retenir par cœur une leçon qui, selon mon maître, a pour nom Paix ou Contentement.

    À ces mots, M. Je-Sais-Tout s’emporte violemment et, agitant sa canne d’une façon très menaçante, s’exclame : “Le Savoir, sacrebleu ! J’aimerais voir tous les coquins de ton espèce châtiés par le Bourreau ! ”

    Il passe alors son chemin, chiffonnant son jabot dans un froissement d’amidon, tel un dindon qui gonfle ses plumes.

    Or M. Je-Sais-Tout est ici la voix de l’opinion générale. Un fait n’est pas un fait, mais un commérage, s’il n’appartient pas à l’une de vos catégories scolastiques. Toute recherche doit se faire selon une direction donnée, et répondre à un nom bien précis, faute de quoi vous ne cherchez pas, vous ne faites que flâner, et l’hospice est encore trop bon pour vous. Toute connaissance est censée se trouver au fond du puits ou au bout du télescope. Sainte-Beuve, en vieillissant, en vint à considérer l’ensemble de notre expérience comme un seul grand livre, dans lequel nous étudions pendant quelques années avant de quitter cette vie. Peu lui importait qu’on lise le chapitre xx, qui traite du calcul différentiel, ou le chapitre xxxIX, consacré à l’orchestre que l’on entend jouer dans le parc. En fait, une personne intelligente, qui ouvre l’œil et tend l’oreille en gardant le sourire, sera bien plus instruite que bien d’autres qui auront passé leur vie en veilles héroïques. Il existe certainement une connaissance glaciale et aride sur les sommets de la science officielle et laborieuse. Mais c’est autour de vous, et au prix d’un simple regard, que vous apprendrez la chaleur palpitante de la vie. Pendant que d’autres s’encombrent la mémoire d’un fatras de mots, dont ils auront oublié la moitié d’ici la fin de la semaine, celui qui fait l’école buissonnière peut apprendre un art vraiment utile, comme celui de jouer du violon, de choisir un bon cigare, ou de parler avec aisance et pertinence à des hommes de tous horizons. Bien des gens qui se sont “plongés dans les livres”,

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