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    2. Ulysses
    3. Chapitre 5
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    tout son poids, et l’hospitalité tout son sens, avec l’anonymat qui préside au premier contact. L’étranger ainsi accueilli n’est pas le membre d’une famille, d’un clan, d’une tribu désignable. Ce n’est qu’au bout d’un laps de temps qu’il décline son identité, et d’ailleurs, selon les cultures, cet accueil est limité à un certain nombre de jours. L’Odyssée ne fait pas exception à la règle, à cela près qu’Ulysse se fait remarquer en tardant beaucoup, beaucoup trop selon ses commensaux, à le faire. La question est d’importance, et on le voit bien lorsqu’il se présente au Cyclope comme Outis, « Personne », pour sauver sa vie. L’arrière-fond symbolique est là encore essentiel : sur fond d’absence, c’est-à-dire aussi bien de mort, l’appellation, l’appel, dans toutes les acceptions du terme, touche bien à l’être du sujet. On comprend mieux que dans la récriture en cours du manuscrit de Stephen le Héros, le personnage de Stephen, à défaut de patronyme, a perdu sa consistance héroïque et paradigmatique. Se réalise ainsi le mouvement préfiguré à la fin des « Morts » : dès le Portrait de l’artiste en jeune homme, Stephen est progressivement « raffiné jusqu’à l’inexistence », refined out of existence, conformément au statut envisagé pour l’artiste, dont il cesse d’être la métaphore ultime, pour n’exister plus qu’au sein du mouvement métonymique du texte. Le dispositif est en place, qui verra, dans Ulysse, se déplacer la focalisation de Stephen vers Bloom.

    Incomplétudes

    Avec Giacomo Joyce, en dépit de son titre, Joyce commence à disparaître de la scène. C’est, en un sens, une contrepartie de la correspondance privée avec Nora. Ici, il semble hésiter entre une exploration fantasmatique de ses rapports avec une jeune élève (juive, notons-le), et la fidélité à une écriture du fragment inspirée par cette expérience même. Dans le manuscrit soigneusement préparé par lui, les blancs tiennent une place essentielle, suspens du sens dans l’écriture, comme si celle-ci mimait la question posée par l’intrigue, de l’impossible rapport sexuel, explicitement souligné : « Jeunesse a une fin : cette fin, la voici. Jamais elle n’aura lieu. Cela, tu le sais. Et après ? Écris-le, bon sang, écris-le ! De quoi d’autre es-tu capable35 ? » Tout se passe comme si le héros avait en tête la Femme déjà évoquée dans le premier « Portrait de l’artiste » de 1904.

    Cette Femme est également présente entre les lignes, ou plus exactement dans les marges d’Exils. C’est d’elle que parle Joyce à travers son personnage, avec éloquence, dans une page dont la vérité lui a paru trop insoutenable pour être conservée, et dans laquelle il en vient à formuler, avant de le développer, son étrange fantasme : avoir porté sa femme dans son propre ventre. Le pathétique et l’éloquence de cette évocation, où l’on voit la métaphore amoureuse se muer en une saisissante métonymie, mérite d’être citée au long : « Ses livres, sa musique, le feu de la pensée, volé là-haut, dont les flammes ont été la source de tout bien-être et de toute culture, la grâce avec laquelle elle veille sur le corps que nous désirons… de quoi donc est-ce l’œuvre ? J’ai le sentiment que c’est de moi. C’est mon œuvre et l’œuvre d’autres hommes semblables à moi, aujourd’hui ou en d’autres temps. C’est nous qui l’avons conçue et mise au monde. Nos esprits, confondant leurs flots, sont la matrice dans laquelle nous l’avons portée36 »

    Exils n’aura donc pas, pour finir, le même caractère de scénario poétique que Giacomo Joyce, mais, en même temps qu’il constitue un salut rétrospectif à une vieille admiration, Ibsen, il développe une autre variation sur le thème de l’absence de rapport, au sens logique du terme, entre les sexes. Il choisit, cette fois-ci, de mettre cette absence à l’enseigne du doute37, dont on voit qu’il fait une mystique de La Femme. C’est ce qui peut le mieux unir les êtres, disait Joyce, « la vie est suspendue dans le doute comme le monde dans le vide. Vous trouverez cela en un sens traité dans Exils ».

    Dans sa comédie à quatre, Joyce met en scène une intrigue liant au doute hospitalité et don38, et c’est là probablement qu’il explorait une question très personnelle. Richard, pas plus que Joyce, n’est à Dublin un étranger, sa problématique est celle du retour aux lieux de son origine, la ville et son université, où l’on envisage de lui donner un poste, ce qui constituerait une revanche. On sent, à l’arrière-plan de cette affaire, la thématique de Monte Cristo, présente dans le Portrait comme dans Ulysse, celle du vengeur qui finira par se poser la question de ce que doit être son acte ultime. L’homme digne de ce nom doit renoncer à se venger, et partir sans retour : ce non-retour est fondateur de toute symbolique, de toute culture, qu’il s’agisse du statut du prophète biblique ou plus généralement de la prohibition de l’inceste. Un non-retour associé au changement de nom : le héros d’Ulysse était voué à porter un nom n’évoquant pas l’Irlande39.

    On peut avancer qu’en en restant à Exils, Joyce se serait mis, sinon dans une impasse, du moins dans une équivoque. En se fabriquant un récit autobiographique imaginaire, que, selon certains, il tenta parfois de réaliser dans sa propre vie, au grand dam de Nora, il donnait en apparence une cohérence symbolique et éthique à sa position. C’est ainsi que Richard explique à son fils que le don est le meilleur moyen de posséder, car dès lors aucun voleur ne peut vous le prendre.

    On observera cependant qu’une autre position était possible, et c’est bien celle que toute sa démarche visait, sans qu’il en ait toujours eu conscience. Celle qui partait de la reconnaissance, au-delà de l’inexistence du rapport sexuel, celle de l’inadéquation totale de tout système symbolique, toujours marqué d’une incomplétude fondatrice : un exil, disons métaphysique, et non plus choisi dans une modeste histoire individuelle. Il ne pouvait se satisfaire d’une protection imaginaire contre le vol, il lui fallait, et précisément au titre de sa pratique de l’écriture, prendre en compte non seulement la perte subie par tout sujet avec sa chute dans le langage, mais encore la défaillance du rempart imaginaire, cause de sa vocation d’écrivain. C’est cette dimension de la perte, sous ses multiples formes, qu’il va découvrir, puis explorer, au fil de la composition du livre, qui explique les aléas de son histoire, la variété de ses formes, les mécanismes de son fonctionnement textuel, tel qu’il a joué pour lui, avant d’être proposé, ou plutôt imposé, au lecteur.

    Voix

    Ce n’est pas un hasard si le Portrait de l’artiste en jeune homme débutera par une voix paternelle se lançant dans un conte, ni si Ulysse s’ouvre également sur une voix anonyme entamant parodiquement la liturgie de la Messe. Car cette première page est interrompue par une voix venue d’on ne sait où, qui fait entendre « Chrysostome ». Mais fait-elle vraiment entendre ce vocable ? Rien ne donne à penser qu’elle a pu avoir un auditeur, et elle reste d’ailleurs sans écho. Et quel pourrait être l’écho d’une voix aussi aphone ? Son rôle semble tenir à ce qu’elle est, du moins, bonne à lire, ou plutôt à déchiffrer, car elle n’est pas moins équivoque quant au sens que dans l’ordre linguistique proprement dit. Elle fait en effet surgir les figures opposées de saint Jean Chrysostome et de Dion Chrysostome, pour simplifier : l’apôtre de la Parole et le rhéteur, le jongleur de mots. En définitive, au lecteur de décider, à la lumière de ce qui suivra – une lumière bien incertaine. Car ici le nom est devenu surnom, sobriquet de l’imposteur Mulligan à la riche denture, et introduit une équivoque par le truchement de la métaphore homérique (la parole franchissant la barrière des dents) : son or, chrysos, est ce qui fait coupure, tomos, avec l’Autre.

    Ces voix inaugurent une aventure du et dans le texte. Elles interrogent plutôt qu’elles ne désignent ou ne décrivent : tel l’oracle de Delphes selon Héraclite, elles ne disent ni ne dissimulent, elles font signe. Elles le font de manière hermétique. Souvenons-nous qu’au chant premier de l’Odyssée, c’est Athéna qui se penche avec sollicitude sur le sort d’Ulysse, elle qui, heureusement pour lui, ressemble assez à Hermès, « préside aux mêmes arts, aux mêmes ruses, aux mêmes tromperies […]. Elle partage avec lui un autre don : celui de la métamorphose […]. La voici qui devient Mentès, Télémaque, Mentor, un oiseau, comme si se transformer sans cesse était son plus grand plaisir40. » Le lecteur a compris que c’est elle qui est à l’œuvre dans les trois premiers épisodes d’Ulysse, la Télémachie. Et qu’avec le troisième, « Protée », elle a bel et bien envahi l’écriture. C’est peut-être dans cette perspective que l’on peut entendre l’énigmatique notation du schéma Linati en marge de « Télémaque », « Télémaque ne souffre pas encore de son corps » : un schéma qui déroule une incroyable litanie de personnages, illustration de cette métempsycose propre à Ulysse, qui fait énigme pour Molly dans sa lecture d’un certain roman.

    Très vite, tristement, la voix est une bouche d’ombre, celle de la mère de Stephen, venue de l’outre-tombe, entre poème et musique, parler du « mot connu de tous les hommes » et de l’« amer mystère de l’amour ». Et puis, avec le troisième épisode, « Protée », apparaît la voix de la mer se brisant, entre sable et rochers. Et mille autres voix : par exemple, dans « Éole », les intertitres du journal, qui se révèlent, plus souvent qu’à leur tour, la fabrication des badauds et parasites de la salle de rédaction. Et puis, dans « Le Cyclope

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    Tags:
    Classique, Fiction, Littérature, Roman
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