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    2. Ulysses
    3. Chapitre 40
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    Crawford, toute cette foutue histoire.

    Cauchemar dont tu ne te réveilleras jamais83.

    — J’ai vu ça, dit fièrement le rédacchef. J’étais présent, Dick Adams84, le meilleur des foutus cœurd’or de Cork à qui le Seigneur a jamais insufflé la vie, et moi-même.

    Lenehan s’inclina devant une forme aérienne, annonçant.

    — Né de l’Éden. Et s’il est Abel, le bât se lis85…

    — L’histoire ! s’écria Myles Crawford. La Vieille Femme de Prince’s street86 était là la première. Il y a eu des pleurs et des grincements de dents à ce sujet. À partir d’une publicité. Gregor Grey87 l’a dessinée. Ça lui a mis le pied à l’étrier. Et puis Paddy Hooper a travaillé Tay Pay88 qui l’a embauché au Star. Maintenant il est avec Blumenfeld89. Ça c’est de la presse. Ça c’est du talent. Pyatt90 ! Il était leur papa à tous.

    — Le père du journalisme catastrophe, confirma Lenehan, et le beau-frère de Chris Callinan91.

    — Allô ?… Vous êtes là ?… Oui, il est toujours ici. Venez donc vous-même.

    — Où peut-on trouver aujourd’hui un journaliste comme lui, hein ? s’écria le rédacchef.

    Il lâcha brutalement les pages.

    — Satrément ascucieux, dit Lenehan à M. O’Madden Burke.

    — Très malin, dit M. O’Madden Burke.

    Le professeur MacHugh arriva du bureau.

    — À propos des invincibles, dit-il, avez-vous vu que quelques vendeurs ambulants s’étaient retrouvés devant le président du tribunal correctionnel…

    — Oh oui, dit J.J. O’Molloy avec empressement. Lady Dudley92 traversait le parc à pied pour voir tous les arbres qui avaient été abattus par ce cyclone l’année dernière93 et elle s’est dit qu’elle allait acheter une vue de Dublin. Et il s’est trouvé que c’était une carte postale commémorative de Joe Brady ou du Numéro Un ou de Écorchèvre. Juste devant le pavillon du vice-roi, imaginez un peu !

    — Ils ne s’occupent que d’agrafes et d’œillets, dit Myles Crawford. Pfui ! La presse et le barreau ! Où trouverait-on aujourd’hui à la barre un homme comme ces types-là, comme Whiteside94, comme Isaac Butt95, comme O’Hagan langued’argent96 ? Hein ? Ah, rien que des bêtises ! Des statures d’à peine trois sous !

    Ses lèvres continuèrent à frémir sans parler en un nerveux rictus de mépris.

    Y aurait-il quelqu’un pour vouloir embrasser cette bouche ? Comment le sais-tu ? Pourquoi l’as-tu écrit alors ?

    RIMES ET RAISONS

    Lèvres, fièvres. Les lèvres peuvent-elles avoir la fièvre ? La fièvre a-t-elle des lèvres ? Ça doit l’être un peu. Fièvre, fier, hier, lierre, lièvre. Rimes : deux hommes vêtus pareil, aspect pareil, deux par deux97.

    …………… la tua pace

    ………. che parlar ti piace

    .. mentre che il vento, comefa, si tace.

    Il les vit trois par trois, des jeunes filles s’approchant, en vert, en rose, en feuillemorte, s’entrelaçant, per l’aer perso en mauve, en pourpre98, quella pacifica oriafiamma en or des oriflammes, di rimirar fè più ardenti99. Mais moi vieillards, pénitents, piedsplombés, ensombredessous la nuit : lèvres fièvres : de profundis matrice100.

    — À vous de jouer, dit M. O’Madden Burke.

    À CHAQUE JOUR SUFFIT…

    J.J. O’Molloy, souriant avec pâleur, releva le gant.

    — Mon cher Myles, dit-il, se débarrassant de sa cigarette, vous interprétez mal mes paroles. Pour autant que je le sache à présent, je ne suis pas chargé de plaider pour la troisième profession101 en tant que profession mais vos jambes de Cork102 vous entraînent trop loin. Pourquoi ne pas invoquer Henry Grattan et Flood et Démosthène et Edmund Burke103 ? Ignatius Gallaher nous est à tous fort connu de même que son patron de Chapelizod, Harmworth104 et ses canards à un sou, et que la presse de caniveau de son cousin américain du Bowery105 sans parler de Paddy Kelly’s Budget106, de Pue’s Occurrences107 et de notre ami vigilant The Skibbereen Eagle108. Pourquoi invoquer un maître de l’éloquence judiciaire tel que Whiteside ? À chaque jour suffit son journal.

    LIENS

    AVEC LES JOURS PASSÉS

    D’ANTAN

    — Grattan et Flood écrivaient pour ce journal-ci, lui cria au visage le rédacchef. Volontaires irlandais109. Où êtes-vous à présent ? Fondé en 1763. Le Dr Lucas110. Qui avez-vous aujourd’hui qui soit à la hauteur de John Philpot Curran111 ? Pfui !

    — Eh bien, dit J.J. O’Molloy, Bushe K.C., par exemple.

    — Bushe ? dit le rédacchef. Bon, c’est vrai. Bushe, c’est vrai. Il en a un peu les accents dans le sang. Kendal Bushe ou je veux dire Seymour Bushe112.

    — Il aurait pris place sur le banc des magistrats depuis longtemps, dit le professeur, si seulement… Mais peu importe.

    J.J. O’Molloy se tourna vers Stephen et lui dit doucement et lentement :

    — Une des périodes les plus élégantes que j’aie jamais entendues de ma vie est tombée des lèvres de Seymour Bushe. C’était dans cette affaire de fratricide, Childs accusé du meurtre. Bushe était avocat de la défense.

    Et dans les porches de mienne oreille versa113.

    À propos comment a-t-il trouvé ça ? Il est mort dans son sommeil. Ou l’autre histoire, la bête à deux dos114 ?

    — C’est-à-dire ? demanda le professeur.

    ITALIA, MAGISTRA ARTIUM

    — Il parlait de la théorie des preuves115, dit J.J. O’Molloy, de la justice romaine qu’il opposait au code mosaïque plus ancien, à la lex talionis. Et il mentionna le Moïse de Michel-Ange au Vatican116.

    — Ha.

    — Quelques mots bien sentis, préfaça Lenehan. Silence !

    Pause. J.J. O’Molloy sortit son étui à cigarettes.

    Fausse accalmie. Quelque chose de très ordinaire.

    Le messager sortit pensivement sa boîte d’allumettes et alluma son cigare.

    J’ai souvent pensé depuis en me remémorant cette époque étrange que c’est ce petit geste, trivial en soi, le frottement de cette allumette, qui a déterminé toute la suite de nos deux vies117.

    UNE PÉRIODE ÉLÉGANTE

    J.J. O’Molloy reprit, sculptant ses mots :

    — Il a dit à ce sujet : cette effigie marmoréenne de musique figée118, cornue et terrible, de la divine forme humaine, cet éternel symbole de sagesse et de prophétie qui, pour autant que l’imagination ou la main du sculpteur ayant gravé l’âmetransfigurée et l’âmetransfigurant dans le marbre mérite de vivre, mérite de vivre.

    D’un geste sa main déliée honora l’écho et la chute.

    — Très beau ! dit immédiatement Myles Crawford.

    — Le souffle divin, dit M. O’Madden Burke.

    — Vous avez aimé ? demanda J.J. O’Molloy à Stephen.

    Stephen, son sang charmé par la grâce du langage et du geste, rougit. Il prit une cigarette dans l’étui. J.J. O’Molloy tendit son étui à Myles Crawford. Lenehan alluma leurs cigarettes comme précédemment et prit son trophée, disant :

    — Millibus mercibus.

    UN HOMME

    D’UNE HAUTE

    VERTU MORALE

    — Le professeur Magennis119 me parlait de vous, dit J.J. O’Molloy à Stephen. Que pensez-vous vraiment de cette confrérie d’hermétiques120, les poètes du silence opale121 : A.E. le maître mystique ? C’est cette femme, Blavatsky122, qui a tout commencé. C’était un sacré vieux sac à malice. A.E. a raconté à un interviewer yankee123 que vous étiez allé le voir au petit matin pour lui poser des questions sur les plans de conscience. Magennis pense que vous vous payiez la tête d’A.E. C’est un homme d’une très haute vertu morale, Magennis.

    Parlé de moi. Qu’a-t-il dit ? Qu’a-t-il dit ? Qu’a-t-il dit à mon sujet ? Ne demande pas.

    — Non, merci, dit le professeur MacHugh, écartant d’un geste l’étui à cigarettes. Attendez un instant. Laissez-moi vous dire une chose. Le plus bel exemple d’éloquence qu’il m’ait jamais été donné d’entendre fut un discours prononcé par John F. Taylor à la société d’histoire de l’université124. M. Justice Fitzgibbon, l’actuel président de la cour d’appel, avait pris la parole et l’article dont nous débattions était un essai (une nouveauté à cette époque-là) exhortant au renouveau de la langue irlandaise.

    Il se tourna vers Myles Crawford et dit :

    — Vous connaissez Gerald Fitzgibbon. Vous pouvez donc imaginer le style de son discours125.

    — D’après la rumeur, dit J.J. O’Molloy, il siège avec Tim Healy126 à la commission des domaines de Trinity college127.

    — Il siège avec une petite mignonne en robe d’enfant, dit Myles Crawford. Continuez. Eh bien ?

    — C’était, remarquez bien, dit le professeur, le discours d’un orateur achevé, plein de morgue courtoise et déversant dans une diction châtiée je ne dirais pas les coupes de sa colère128 mais déversant le mépris du superbe129 sur le nouveau mouvement. C’était alors un nouveau mouvement. Nous étions faibles, donc sans valeur130.

    Il referma un instant ses longues lèvres minces mais, pressé de poursuivre, porta une main grandouverte à ses lunettes et, touchant légèrement d’un pouce et d’un annulaire tremblants leur monture noire, les installa pour mieux voir.

    IMPROMPTU

    Il s’adressa à J.J. O’Molloy sur un ton férial :

    — Taylor, vous devez le savoir, était venu là directement de son lit de malade. Qu’il eût préparé son discours je ne le crois pas car il n’y avait pas un seul sténographe dans la salle. Son mince visage sombre était encadré d’un peu de barbe broussailleuse. Il portait un foulard lâchement noué autour du cou et il avait tout à fait l’air d’un mourant (ce qu’il n’était pas).

    Tout d’un coup mais avec lenteur son regard alla du visage de J.J. O’Molloy à celui de Stephen avant de se baisser de nouveau vers le sol, cherchant. Son col en tissu non amidonné apparaissait derrière sa tête penchée, sali par ses cheveux clairsemés. Cherchant toujours, il dit :

    — Quand Fitzgibbon eut terminé son discours John F. Taylor se leva pour répondre. En résumé, aussi fidèlement que je puisse m’en souvenir, ses mots furent ceux-ci131.

    Il releva la tête bien droit. Ses yeux rentrèrent une fois de plus en eux-mêmes. D’innocents mollusques nageaient dans les grosses lentilles de droite à gauche, cherchant une issue.

    Il débuta :

    — Monsieur le président, mesdames et messieurs : Grande fut mon admiration en écoutant les remarques adressées à la jeunesse d’Irlande il y a quelques instants par mon érudit ami. Il me semblait avoir été transporté dans un pays très éloigné de ce pays-ci, à une époque distante de cette époque-ci, me trouver dans l’ancienne Égypte et écouter le

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