curieuse rencontre à Joyce.
129. Le juge Dodgson Hamilton Madden (1840-1928) avait publié The Diary of Master William Shakespeare. A Study of Shakespeare and Elizabethan Sport en 1897.
130. Vie de la vie, tes lèvres embrasent : citation du Prométhée délivré de Shelley (1820), II, v. 48.
131. Ses pâles yeux galiléens : citation de Swinburne, « Hymne à Proserpine » (1866), v. 35. Dans ce poème, Jésus est présenté comme un « pâle Galiléen » dont la victoire a rendu le monde terne et sans saveur.
132. Le dieu poursuivant la virginité cachée : citation du chœur d’ouverture de la pièce de Swinburne Atalanta in Calydon (1865).
133. Une Grisilde est une femme vertueuse typique soit chez Boccace, soit chez Chaucer (The Clerk’s Taie).
134. Il gagna autant d’argent que le lord chancelier d’Irlande : détail prélevé dans Lee et Harris qui calculent que lorsqu’il vivait à Londres, Shakespeare gagnait environ 600 livres par an.
135. Sa vie fut riche… : dans un article de 1886, « A Thought on Shakespeare », Whitman notait que les caractéristiques principales de l’art de Shakespeare étaient l’excès des richesses, donc le superflu ou la surabondance.
136. Lady Penelope Rich (1562-107) passait pour être la dark lady des sonnets de Shakespeare.
137. Et la mère de Sir William Davenant, d’Oxford… : écho de La Nuit des rois, I, III, v. 85. Harris accorde une certaine confiance à la légende selon laquelle Shakespeare aurait été le géniteur de Sir William Davenant.
138. Bienheureuse Marguerite Marie Àlaqueue : jeu de mots sur sainte Marguerite Marie Alacoque (1647-1690), objet de dévotion populaire en Irlande, qui devient dans la bouche de Mulligan Blessed Margaret Mary Anycock.
139. Et la fille d’Henry aux six femmes sans compter… : citation de The Princess. A Medley (1847) de Tennyson
140. Agir, agir écho de Macbeth, I, III, v. 10.
141. John Gérard (1543-1612), intendant des jardins de la reine Élisabeth.
142. Une campanule azur comme ses veines à elles : citation de Cymbeline, IV, n, v. 222.
143. Les paupières de Junon : citation du Conte d’hiver, IV, IV, v. 121.
144. Proverbe anglais : An Englishman loves a lord.
145. Matrices en friche, uneared wombs : écho du vers 5 du sonnet III de Shakespeare.
146. Écho d’Hamlet, III, II, v. 90. Stephen passe en revue la famille de Shakespeare : Mary Shakespeare, sa mère, mourut en 1608 ; John, le père, en 1601 ; Joan Hart, la sœur, en 1646. Les frères de Shakespeare étaient Edmund (1569-1607), Richard (1584-1613) et Gilbert (dates inconnues). La plus jeune des filles de Shakespeare, Judith, sœur jumelle de Hamlet qui mourut à onze ans, mourut en 1649. Elizabeth était la fille unique de Judith. Après la mort de son premier mari, Judith épousa John Bernard qui était veuf lui-même.
147. Tout le passage qui suit commente le testament de Shakespeare, rédigé en janvier 1616 et modifié en mars 1616. Joyce utilise ici le livre du juge Barton, Links between Shakespeare and the law (1919), qui montrait que Shakespeare connaissait bien le droit. Vers 1613, le barde aurait tenté d’empêcher sa femme de toucher son douaire de veuve. Dans le dernière version du testament, Shakespeare avait ajouté qu’il léguait à Anne son « moins bon lit » (second best bed), ce qui va produire toute une série de jeux de mots sur best et Monsieur Best.
148. Separatio a mensa et a thalamo : variation sur l’expression separatio a mensa et thoro par laquelle la loi anglaise reconnaissait une séparation de fait équivalente d’un divorce jusque vers 1857.
149. Ce malicieux écolier stagirite et sage païen chauve : on aura reconnu Aristote qui à sa mort laissa un testament qui libérait ses esclaves, commandait une statue pour sa mère et laissait à sa concubine la jouissance de sa maison. Sa maîtresse, qui s’appelait Herpyllis, est mêlée au nom de Nell Gwyn, la célèbre maîtresse de Charles II. Lorsque Charles II mourut en 1685, il veilla à ce qu’on ne la laissât pas dans le besoin.
150. Il est mort ivre mort : une tradition rapportée par Harris, Lee et Brandes veut que Shakespeare, Ben Jonson et Michael Drayton se fussent enivrés de concert, ce qui aurait causé la mort de Shakespeare.
151. Edward Dowden (1843-1913), professeur de littérature anglaise à Trinity College. Il habitait Highfield House, à Rathgar, dans la banlieue de Dublin.
152. Shylock : le prêteur sur gages vindicatif du Marchand de Venise, un juif qui exige sa « livre de chair (I, m, v. 146-152.) Stephen examine les détails de la vie de Shakespeare qui pourraient faire de lui un usurier. Pendant la famine de 1598, Shakespeare aurait accaparé du grain pour le vendre plus cher, selon Lee et Brandes, et il était connu pour exiger le paiement des dettes.
153. Henry Chettle (1560-1607), imprimeur londonien qui avait publié l’attaque de Greene contre Shakespeare en 1592. Brandes et Harris pensent qu’il avait servi de modèle pour Falstaff.
154. Dans ses Vies brèves, Aubrey présentait Shakespeare comme un garçon boucher.
155. En février 1594, Roderigo Lopez, médecin juif de la reine Élisabeth, fut condamné à être pendu, écartelé et découpé en morceaux car il avait été accusé faussement d’avoir voulu empoisonner la reine. Son supplice fut l’occasion de persécutions contre les juifs en Angleterre.
156. Du philosophâtre écossais amateur de sorcières grillées : il s’agit de James Ier ou Jacques Ier (1566-1623), roi d’Angleterre de 1603 à sa mort. Il monta sur le trône d’Écosse en 1567. Passionné par la sorcellerie, il écrivit un traité de Démonologie en 1597, mais persécuta les sorcières en Écosse.
157. L’« invincible » armada des Espagnols fut détruite par une tempête en 1588. Le nom de don Adriano de Armado, personnage de Peines d’amour perdues, l’évoque.
158. Sur une marée d’enthousiasme à la Mafeking : victoire des Britanniques contre les Bœrs le 17 mai 1900.
159. Le portier de Macbeth mentionne la doctrine jésuite de la restriction mentale (II, m, v. 8-12). Elle avait été utilisée par Henry Gardner, un jésuite du Warwickshire, pour justifier le fait qu’il avait menti sous serment en 1605, car c’était « pour la plus grande gloire de Dieu ». Gardner participait à la conjuration des catholiques qui voulaient faire sauter le Parlement anglais.
160. Le Sea Venture s’était perdu dans les Bermudes en 1609, et ses marins réussirent à survivre dix mois dans des îles jusqu’alors inconnues avant de regagner l’Angleterre en passant par la Virginie. Cet événement a pu influencer Shakespeare et lui donner l’idée de La Tempête. Stephen fait de Caliban un Irlandais exilé aux États-Unis (Patsy est un diminutif de Patrick).
161. Sir Philip Sidney (1554-1586) avait composé Astrophel and Stella, une série de sonnets, en 1581. L’expression de sugared sonnets avait été donnée aux sonnets de Shakespeare par ses contemporains.
162. Stephen mêle, involontairement peut-être, la conjugaison de mixere avec celle de mingere qui signife « uriner ».
163. Le père Joseph Darlington (1850-1939), jésuite et doyen de University College, avait tenté de démontrer que Shakespeare était catholique dans un article sur « The Catholicity of Shakespeare’s plays » paru en 1898 dans la New Ireland Review. Cette thèse semble plus généralement acceptée de nos jours qu’à l’époque.
164. Sufflaminandus sum : « Je devais me retenir » est une phrase de Ben Jonson qui l’appliquait à Shakespeare pour évoquer la facilité verbale de ce dernier dans Timber (1641).
165. Un homme innombrable : Samuel Taylor Coleridge appelait Shakespeare myriadminded dans ses Biographia Litera-ria (1817, note du chapitre XV).
166. Amplius. In societate Humana… : « de plus, dans toute société humaine, il est absolument nécessaire que l’amitié règne entre le plus grand nombre. » Il s’agit sans doute d’une phrase de saint Thomas d’Aquin dont la source n’a pas été retrouvée.
167. Pogue mahone ! Acushla machree : en gaélique, « embrasse mon cul ! Mon chéri ! ». Suit une phrase prononcée par Cathleen dans Riders to the Sea de Synge (1904) lorsqu’elle saisit que sa mère a vu en rêve la mort par noyade de son seul frère survivant.
168. Stephen cite la Somme de théologie de saint Thomas (II, 2, question 154, article 9) où il est question de savoir si l’inceste est un type de luxure. Il conclut que l’inceste va contre le respect que nous devons à ceux qui nous sont proches. Aussitôt après, saint Thomas cite La Cité de Dieu de saint Augustin (XV, 16) où l’inceste se voit assimilé à l’avarice ou à la thésaurisation (aviditas) des émotions. L’école viennoise renvoie bien entendu à Freud et à son école, que Joyce avait découverts à Trieste et approfondis à Zurich. L’interprétation de Stephen reste plus freudienne que thomiste dans la mesure où elle ressemble à une psychobiographie de Shakespeare.
169. Old Nobodaddy. expression forgée par William Blake et utilisée dans plusieurs poèmes, comme « To Nobodaddy », qui dénoncent le Dieu jaloux de l’Ancien Testament.
170. Nul Beausourire : citation du Conte d’hiver (I, il, V. 196), lorsque Léontès est pris d’une jalousie irrationnelle et imagine son rival sous les traits de Sir Smile.
171. La volonté d’agir, qu’est-elle devenue ?… : citation du poème de George Russell « Sung on a By-Way ».
172. Elle repose, disposée toute rigide dans ce moinsbon lit… : écho d’Hamlet, II, n, v. 524.
173. Crochets et Agrafes pour les Culottes des Vrais Croyants… : Stephen cite des titres de pamphlets des puritains. Ceux-ci étaient farouchement opposés au théâtre.
174. Inquit Eglintonus Chronolologos : mélange de latin et de grec signifiant « Dit Eglinton le chronologue ».
175. Mais nous savons de source sûre que les pires ennemis : Stephen cite la Bible (Évangile selon saint Matthieu, X, 35-36).
176. Timide, renie tes parents, les purs et durs : Stephen mêle Roméo et Juliette (II, II, v. 34) et Robert Burns (1759-1796) qui dans le poème « Address to