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    2. Ulysses
    3. Chapitre 239
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    Ils pleuraient et leurs cris étaient plus déchirants que celui des orfraies, des vautours bien en griffes. Après les larmes, on va faire cuire un porc, on va le manger, puis Ulysse apprendra à Télémaque comment il compte venir à bout des prétendants de Pénélope. Ça se passera quand sera levée l’aurore aux doigts de roses, dans le château d’Ulysse, au beau mitan d’Ithaque.

    L’Ulysse de James Joyce. Sorti du quartier des bordels, Dédalus, amoché par le coup de poing qu’il a reçu du soldat Carr, est dans un état comateux ; il bâille aux corneilles, sa tête lui fait mal et il a désespérément besoin de boire vite et fort s’il veut reprendre ses esprits. Bloom le conduit à l’aveugle dans les rues de Dublin et, toujours obsédé par la nourriture, il ralentit le pas pour se rincer l’œil de toute la mangeaille qui s’offre en montre dans les vitrines. Pour se rendre à l’Abri des cochers, le plus simple serait de prendre un taxi, mais le soir est si avancé qu’il n’y a personne d’autre qu’eux à monter et à descendre les rues.

    Bloom n’aime pas marcher dans le noir, il craint les guet-apens, les vieilles maquerelles, les chats de gouttière, les chiens affamés. Pour s’en distraire, il raconte à Dédalus qu’il n’est pas responsable de son ivresse : c’est le camarade Mulligan qui, pour s’amuser à ses dépens, a versé de la poudre droguante dans son verre, ce qui explique que, dans le quartier des bordels, Dédalus a halluciné, en proie à une surréalité sur laquelle il n’avait plus de contrôle. Ainsi Bloom détourne-t-il à son avantage le cauchemar qu’il a lui-même vécu tandis qu’il transportait dans Mabbot street son pied de porc et son pied de mouton. Il le fait en toute conscience, espérant ainsi avoir sur Dédalus un ascendant qui lui ferait autrement défaut.

    Comme son nom l’indique déjà, l’Abri du cocher est le rendez-vous des chauffeurs de taxi quand se terminent leurs quarts de travail. Tous les paumés de Dublin s’y retrouvent aussi, généralement en état avancé d’ivresse. Le père de Dédalus s’y présente parfois pour y raconter des histoires qu’il prétend avoir vécues. À l’en croire, il est capable de casser deux œufs, placés sur deux bouteilles à cinquante mètres, en tirant du fusil de la gauche, ce qui bonifie encore son exploit. Un grand rouquin, marin de métier, croit dur comme fer aux sornettes de Dédalus père parce que lui-même, comme il l’explique à Bloom et à Dédalus, a visité tellement de pays exotiques qu’il est maintenant persuadé que la vie est une épiphanie fantasmagorique. N’oubliant jamais ses origines, Bloom y voit tout de suite une occasion de s’enrichir : Il saute aux y eux que l’art de voyager à la moderne avec le maximum de confort est encore à l’état d’enfance, ou à peu près, et que l’organisation laisse beaucoup à désirer. Il y aurait intérêt à approfondir quand ce ne serait que par pure et simple curiosité, si c’est le trafic qui crée la route ou vice-versa.

    Quoi d’autre encore dans l’Abri du cocher ? Rien que ce qu’on a déjà appris depuis le commencement d’Ulysse. La machine irlandaise roule à vide, elle fait du sur-place ; son conducteur la fait ronronner, la côte à monter est à pic et le paysage devenu si familier n’émerveille plus. Joyce n’est plus tout à fait du bord de l’écriture, il est devenu un cochon de jésuite dont les propos, si souvent rebattus, ne nous pâment guère, trop pédagogiques : cette pauvre Irlande qu’écrase l’Empire britannique, l’indépendance à faire, qui ne se fait jamais, Parnell et la promesse de la Terre promise, mais le troupeau privé de toute conscience sociale, se prenant au jeu de la rébellion et s’en déprenant aussitôt, se réfugiant dans une résistance larvaire en ânonnant psaumes et lamentations. On se croirait au Québec, indépendantiste un jour, puis souverainiste le lendemain, puis fédéraliste une semaine plus tard, puis ni l’un ni les autres pendant des mois et des mois, que la banale petite vie du quotidien qui finit tard le soir, à Dublin comme à Montréal, dans quelque sombre Abri du cocher où l’on prend encore pour de la vie ce qui n’en est plus que sa contrefaçon. Je soupçonne que l’Irlande a de l’importance parce quelle m’appartient, dit Dédalus. Et si nous ne pouvons pas changer le pays, changeons de sujet. Et ouvre ton museau et mets le pied dedans. Ce que fait enfin Bloom par-devers Dédalus, dans cet Abri du cocher où les grandes gueules se taisent, prises par l’endormitoire qui, grâce aux puissants bras de Morphée, va les ramener chez eux. Il était temps à mes paupières de lecteur, si lourdes. Sur le bord de piquer un long somme, profond et vert-pituite.

    Assis devant Dédalus toujours abruti par le coup de poing que le soldat Carr lui a asséné dans le quartier des bordels, que cherche à faire venir ce Léopold Bloom mal marié, qui aurait pu monter haut dans l’échelle sociale de Dublin s’il avait laissé libre cours à ses talents et à ses rêves mais qui, pour ne pas l’avoir fait, perd sa vie comme rabatteur d’annonces à L’Homme libre et ne retrouve les douces effluves de son paradis perdu qu’en mangeant safrement rognons de porc et rognons de mouton ? En Dédalus, Bloom reconnaît un peu beaucoup de sa jeunesse et de la solitude qui la conditionnait. Comme Dédalus, Bloom ne faisait l’amour qu’aux prostituées en choisissant les plus pauvres d’entre elles, non pour une question d’argent, mais pour ne pas avoir à faire avec une quelqu’une qui, mieux nantie, aurait pu le prendre de haut, voire lui parler d’égale à égal. On est libertaire, mais pas jusqu’à cette extrême limite qui, en bouleversant toutes les données, vous oblige à vous défaire de votre carapace afin de vous retrouver totalement nu devant l’autre. Pour des hommes aussi fermés que Bloom et Dédalus, pas question de se découvrir autant. Rien que d’y penser parfois, ils en sont terrorisés, car ce rapport qu’ils ont tous les deux aux femmes détermine tout ce qui fait encore leur vie, explique leur côté railleur, arrogant et méprisant grâce auquel ils ont la certitude d’être d’un rang plus élevé, parce qu’anobli par la pensée, que les gens dont ils sont entourés. À dire vrai, Bloom découvre en Dédalus son fils spirituel. On ne peut pas être Juif sans être le père de quelqu’un, quitte à mourir à sa place sur la croix, symbolique ou pas : Puisqu’on respire assez mal ici, je propose que vous veniez avec moi à la maison faire un bout de jasette : c’est ce qu’il y a de mieux à faire. Si Dédalus accepte, c’est que la tour Martello de Sandycove est à une quinzaine de kilomètres de Dublin et qu’il se voit mal, en l’état mal emmanché dans lequel il se trouve, marcher aussi loin dans la nuit noire pleine de chiens errants qui pourraient se jeter sur lui et le mordre comme s’il était gigot d’agneau ou tripe de cochon.

    On sort donc de l’Abri du cocher, Bloom passant son bras sous celui de Dédalus qui n’aime pas être ainsi touché par un étranger, cette chair un peu mollasse, un peu tremblotante, un peu tout ça. Quand Dédalus voyage aux pays du fantasme, rien n’est hors de sa portée puisque tout lui paraît admissible, une main ouverte qui fleure et effleure votre peau, des lèvres qui la sucent, des dents qui la mordent, par-devant et par-derrière, à basse ou grande vitesse, tous les excès de pensée, de langage et d’action ne faisant plus exception, mais constituant la norme. Dans le monde réel, Dédalus est un être presque anormalement prude et de timidité maladive, et s’en protège en mordant grâce à une incisive phrase avant d’être attaqué. Paradoxalement, Dédalus veut qu’on l’aime, veut qu’on lui dise qu’il est de tous les jeunes hommes le meilleur, le plus talentueux, celui qui aura tout à la fois la notoriété et la richesse. S’il rompt sa relation avec Mulligan-Lynch, c’est que ce dernier, fils d’aristocrate bien nanti, ne cesse de l’humilier en lui rappelant ses origines de grande pauvreté.

    Bloom, qui n’ignore rien de tout cela, met trois paires de gants plutôt qu’une et tourne sa langue dans sa bouche sept fois plutôt qu’une avant de dire quoi que ce soit à Dédalus. Il lui montre une photo de sa femme et lui vante ses talents de cantatrice, espérant ainsi que l’appel à la musique fera sortir Dédalus de sa coquille. Le flatte : votre belle voix de ténor. Avec ma femme Marion, quel duo vous feriez ! Se prenant au jeu, Dédalus entonne une ballade en se dirigeant vers le pont du chemin de fer, sous l’œil ensommeillé du balayeur de rues dont le gros cheval, en état d’arrêt, à pleine croupe cacade, trois boules fumantes de crottin. En traversant le pont du chemin de fer, Bloom et Dédalus se rapprochent-ils pour autant du 7 Eccles street, au cœur d’Ithaque la Divine ? Suite au prochain épisode, fulgurant.

    a

    La lecture de Nabokov

    Heure : Après minuit.

    Lieu : Toujours près de la rue des bordels, dans le voisinage d’Amiens street, au nord-est de Dublin, près des docks et de l’office des douanes ; puis dans l’Abri du Cocher, près du pont de Butt, dont la rumeur voulait que le tenancier fut Peau-de-bouc Fitzharris, qui avait pris part à l’assassinat politique de Phoenix Park. Fitzharris était l’un des « Invincibles » qui, en 1882, avaient assassiné Lord Frederick Cavendish, secrétaire d’État, et Thomas Burke, sous-secrétaire d’État, à Phœnix Park. Fitzharris ne faisait que conduire la voiture, et

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