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    2. Ulysses
    3. Chapitre 227
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    foisonnement qui tranche spectaculairement avec l’état réel de l’Irlande, comme si le déferlement rhétorique pouvait compenser la pauvreté économique du pays.

    Mais c’est peut-être dans la différence entre l’écrit et la voix qu’est la ligne de clivage de l’épisode. Alors que le récit du narrateur anonyme est avant tout une performance orale, les interpolations sont sous le signe de l’écrit et de la page imprimée. La narration ne cesse de répéter du déjà-dit, de se trouver des autorités plus ou moins fallacieuses, sources inépuisables et invérifiables de ragots. L’épisode s’inscrit à cet égard dans la tradition orale irlandaise des conversations de pub où il est impossible de démêler le vrai des amplifications et racontars. La parole irlandaise apparaît comme répétition infinie, renvoyant toujours à du déjà-dit, devenant ainsi l’écho d’un écho d’un écho, sans qu’on puisse jamais remonter à une origine de vérité indubitable. Mais cette narration a une force performative qui tient au pouvoir de la voix. Par ses règles de mise en scène très codées, elle se rapproche souvent du théâtre. La moindre anecdote est immédiatement construite en une petite saynète où le détail burlesque devient le point de départ d’un véritable numéro de music-hall improvisé. On voit ainsi se jouer sous forme de pochades express les débordements de Polly Mooney, la soirée des antialcooliques, les pitreries de Bob Doran avec deux prostituées dans un pub clandestin, ou les entrechats de Bloom autour de Molly. David Hayman2 a vu à juste titre dans « Le Cyclope » la reprise d’un divertissement irlandais traditionnel, la Dublin Christmas pantomime, spectacle de music-hall comique donné pour Noël, déroulement d’épisodes burlesques régulièrement interrompus par des intermèdes de chansons et de numéros comiques. Elle se termine souvent par une apothéose parodique, la transformation scene, transfiguration burlesque du héros, ici la montée de Bloom au ciel sur son char glorieux dans la dernière scène. Mais, au-delà du burlesque mélodramatique, la transfiguration bloomienne rattache aussi la scène à la tradition du trickster taie, récit folklorique dont le protagoniste, en l’occurrence Bloom, est à la fois personnage de farce, magicien et héros mythique.

    Au contraire, les insertions parodiques apparaissent éminemment vulnérables aux stéréotypes du discours imprimé. Amplification épique et cliché journalistique s’y interpénètrent et s’y contaminent mutuellement. Les morceaux journalistiques sont émaillés de clichés épiques mais, inversement, les vignettes épiques ou héroïques glissent parfois vers le style un peu racoleur de la page publicitaire. Le style oratoire devient emphase, la métaphore devient cliché, l’amplification devient boursouflure, le panorama épique devient catalogue de grand magasin ou dépliant touristique, la vignette devient chromo, l’exemplum devient sagesse des nations, l’épithète homérique devient poncif, l’éloge devient publicité, la galerie de portraits devient carnet mondain, la diversité est celle d’un almanach et les mirabilia relèvent du fait divers.

    Le décalage dévastateur entre la narration et les insertions montre ainsi l’écart grandissant entre la voix et l’imprimé. Cette faille est la marque des deux discours qui écartèlent Dublin : d’une part la parole qui répète, de l’autre la presse d’imprimerie qui reproduit ; d’une part l’infinie série des échos, de l’autre la production effrénée de la machine rhétorique des médias. Toute la paralysie – mais aussi la magie – dublinoise est dans cette coexistence du passé de la parole et du présent de l’imprimé au sein de la caverne cyclopéenne du pub.

    A.T.

    a

    Lecture de VLB (2006)

    L’Odyssée d’Homère. Ce qu’il y a de curieux chez Ulysse, c’est que peu importe où jette l’ancre son noir vaisseau, il sait toujours (mais comment ?) où il se trouve. Il ne peut pas se souvenir de la route d’eau qui le ramènerait à Ithaque, à Télémaque et à Pénélope, mais aucune des îles où il aborde n’échappe à sa connaissance. En mettant le pied chez les Yeux Ronds, autrement appelés Cyclopes, il sait déjà qu’il va avoir affaire à des brutes sans foi ni lois qui, dans les Immortels, ont tant de confiance qu’ils ne font de leurs mains ni plants ni labourages ; sans travaux ni semailles, le sol leur fournit tout : orges, froments, vignobles et vin des grosses grappes. Chez eux, pas d’assemblée qui juge ou délibère ; mais, au haut des grands monts, au creux de sa caverne, chacun, sans s’occuper d’autrui, dicte sa loi à ses enfants et femmes, tandis que dehors se multiplient sans fin les chèvres et les moutons sauvages. Dans un monde pareil, de surabondance, on s’attendrait à ce que les Yeux Ronds soient des êtres pacifiques et davantage portés à philosopher qu’à se montrer belliqueux, mais tel n’est pas le cas : le pays est plein de cavernes et, dans la plus grande, habite, seul, le cyclope Polyphème. Quand Ulysse entre dans la caverne, ses douze gardes du corps l’y suivent. Pour un guerrier qui se prétend le plus avisé d’entre tous, il me semble qu’Ulysse ne fait pas preuve d’une grande perspicacité en ne laissant même pas un guetteur à l’entrée de la caverne, ce qui est pourtant la plus élémentaire des lois de la guerre et de l’exploration.

    Ne te place jamais dans une position qui, en cas d’ennuis, t’interdit toute fuite. Pas la mer à boire même quand on n’est pas la tête à Papineau !

    Aussi le cyclope, poussant devant lui ses moutons et ses chèvres, a-t-il le temps de pénétrer dans la caverne et d’en bloquer l’issue avant qu’Ulysse ne se rende compte de ce qui leur arrive, à lui et à ses douze compagnons. Polyphème, c’est évident, n’aime pas les réponses qu’Ulysse fait à ses questions, et surtout pas son ton moralisateur : Crains les dieux, car Zeus se fait le vengeur des hôtes qu’on ne respecte pas ! Dire ceci au roi des Yeux Ronds, aussi divin que Zeus peut l’être, quel manque de jugement d’Ulysse ! Comme si le fait grave d’être entré chez autrui sans en avoir demandé la permission n’était pas déjà la pire des insultes que puisse faire le voyageur en pays étranger !

    Compréhensible la colère du cyclope dont on a violé l’intimité : Mains ouvertes, il prend deux de mes compagnons ensemble et, comme des petits chiens, il les rompt contre terre : leurs cervelles, coulant sur le sol, l’arrosaient ; puis membre à membre, ayant déchiqueté leurs corps, il en fait son souper. Entrailles, viandes, mouelle, os, il ne laisse rien. Quand se montrera l’aurore aux doigts de roses, deux autres camarades d’Ulysse se seront fait cannibaliser par le cyclope. D’un morceau de sa massue, Ulysse fait un épieu. Après avoir saoulé Polyphème, on lui crèvera son œil unique et ses frères cyclopes ne pourront le venger, car Ulysse ayant dit s’appeler Personne, comment poursuivre quelqu’un qui n’a, ni au propre ni au figuré, de nom ? Et c’est ainsi, pendus à la toison des béliers du cyclope, qu’Ulysse et ses compagnons échappent à la vindicte aveuglée. Ulysse a perdu quatre de ses hommes dans l’aventure, par sa faute. Il devrait donc avoir le triomphe modeste, mais c’est un homme sans classe parce que vaniteux. Une fois à l’abri du cyclope, il l’abîme d’injures et si niaiseusement qu’on pourrait finir par croire qu’au fond, il n’a vaincu qu’un tout petit chien même pas hargneux !

    L’Ulysse de James Joyce. Par qui est écrit cet épisode ? Comme il convient, par personne, ce narrateur non identifié, au parler bourru, bougonneux et bourratif, qui aime faire nomenclature de tout ce qui peut se mettre ensemble, sans distinction dans la quantité et la qualité, car telle est la nature, surabondante, même en Irlande, qu’on peut écrire des pages et des pages pour seulement la nommer dans ses noms communs et ses noms propres, les noms propres pour la Cité puisque toutes les rues, les édifices et les bâtiments en ont un, de superficielle mémoire, puisque toutes les sortes de prés, de forêts et de bêtes à viande en ont un de luxuriante mémoire ; et l’ensemble se contracte, tassé et pesant, dans cette forme cyclopéenne, cette force géantissime appelée Personne, qui décrit Dublin à la veille de tomber, ennoircie, par le soir se manifestant, lent. Dans la banlieue, au pays montagneux, un ramoneur emportant pinceau manque crever l’œil de Personne qui, en compagnie d’un ramasseur-collecteur de créances douteuses, se rend chez Barney Kiernam, solitaire en sa tour-caverne puisque seul reste avec lui un bougre de chien galeux appelé Guaryogrin. La description que fait Personne de Barney Kiernam n’a pas besoin d’être commentée tant elle est claire comme eau de roche : Assis sur un énorme bloc au pied de la tour était le héros aux larges épaules, à la vaste poitrine, aux membres robustes, aux yeux francs, aux cheveux roux, aux abondantes taches de son, à la barbe touffue, à la bouche énorme, au large nez, à la longue tête, à la voix profonde, aux genoux nus, à la poigne d’acier, aux jambes poilues, à la face colorée, aux bras musclés. D’une épaule à l’autre il mesurait plusieurs aunes et ses genoux pareils à des montagnes rocheuses se couvraient ainsi que toutes les parties visibles de son corps d’une dense végétation de poils piquants et fauves semblables en leurs couleurs et raideur aux ajoncs de montagne. Les yeux dans lesquels une larme et un sourire se disputaient sans cesse la victoire avaient la dimension d’un chou-fleur de bonne taille.

    Aux basques de sa longue tunique faite de la peau d’un bœuf fraîchement écorché pendent d’innombrables galets symbolisant chacun un héros irlandais ou une figure vénérée de l’universelle intelligence, de Cuchulainn le chien à Lady Godiva se promenant nue à dos de cheval.

    Ainsi se présente en devanture de sa tour l’orang-outang, l’oracle et l’orage, qui boit avec ses visiteurs, leur racontant, comme partout avant et partout

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    Tags:
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