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    2. Ulysses
    3. Chapitre 224
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    était la sienne (effacement apparent de l’instance narrative derrière les personnages). La manipulation ostentatoire du langage, qui avait commencé à se manifester ponctuellement, s’érige ici en système.

    Le trait le plus saillant est en effet le rapport à la musique. Non seulement les allusions, directes et indirectes, à l’univers musical abondent, non seulement le parallèle homérique fait porter l’accent sur les séductions mortelles du chant, mais le sujet explicite du chapitre est un concert improvisé dans un bar, reflétant la passion des Irlandais pour la musique vocale. Sur le plan formel, on ne peut manquer d’être frappé par les jeux de rythmes et d’échos, l’entrecroisement des thèmes, et surtout par l’étonnant prélude qui, sur le modèle des ouvertures d’opéra ou d’opérette, nous présente une sorte de résumé thématique de l’œuvre qui va suivre. Le langage tente ouvertement de concurrencer la musique sur son propre terrain.

    Cela ne signifie pas qu’il faille se laisser aveugler par cette prépondérance, ni qu’il faille prendre à la lettre la revendication de Joyce qui prétendait que l’épisode revêtait la forme d’une fugue canonique. Personne n’a réussi à y mettre en évidence de façon convaincante les « huit parties que comporte une fuga per canonem » annoncées dans une lettre à Miss Weaver3. La très riche polyphonie qui se manifeste dans ce chapitre n’est pas structurelle, elle résulte d’une combinaison de citations, d’allusions, de stylisations et de parodies, faisant entendre plusieurs voix à l’intérieur d’une même phrase, voire d’un même mot.

    L’ouverture elle-même, qui pousse le mimétisme aussi loin qu’il est possible, ne peut être interprétée comme une simple transposition d’une forme musicale. Contrairement aux thèmes musicaux, les thèmes verbaux refusent de faire sens hors de leur contexte et ne produisent, télescopés en un pot-pourri, qu’un effet comique d’incongruité. Ils ne deviennent compréhensibles qu’à la seconde lecture. Ce mécanisme s’applique à l’ensemble de l’épisode. Joyce ne se contente pas d’échos sonores, il s’appuie sur le fait que toute reprise d’un énoncé introduit une distance, fût-elle minime, par rapport à cet énoncé, pour élargir cette distance et la creuser parfois jusqu’à la parodie la plus burlesque ou jusqu’à l’étrangeté la plus grande. C’est cette multiplication des décalages énonciatifs qui fait l’intérêt, mais aussi la difficulté des « Sirènes ». D’autant que, le plus souvent, les juxtapositions verbales incongrues ne rencontrent pas d’alibi psychologique. Elles ne peuvent plus être rapportées aux associations d’idées d’un des personnages.

    On ne saurait surestimer la rupture représentée par cette absence de perspective unifiante. Pour en prendre la mesure, il suffit de considérer le désarroi que cet épisode a produit chez ceux, comme Harriet Shaw Weaver et Ezra Pound, qui avaient été les plus fidèles soutiens de Joyce et qui soudain ne parvenaient plus à le suivre.

    Du point de vue de l’action, cet épisode apparaît comme un temps mort dans l’action d’Ulysse. L’événement majeur qui se produit en ce milieu d’après-midi, la rencontre adultère de Molly et de Boylan, a lieu loin de l’hôtel Ormond où Bloom prend un déjeuner tardif. Mais pour Bloom, tous les gestes qu’il surprend et toutes les chansons qu’il entend renvoient à cette autre scène, absente. Cette économie de la représentation et de la substitution est à généraliser, car là est la différence fondamentale entre les « Sirènes » et un pur jeu formel, un morceau de musique où les notes ne renverraient à rien d’autre qu’à elles-mêmes : ici tout représente, tout joue le rôle de quelque chose d’autre.

    Tout le monde est en représentation, préoccupé de qui le regarde et de qui l’écoute. D’entrée, le modèle est posé : le manège entre Miss Douce et le membre du cortège vice-royal alterne les positions du spectacle et du spectateur ; et aussitôt la curiosité inassouvie du chasseur vient se greffer sur cet échange de regards. Même Bloom aimerait savoir si c’est bien pour lui seul que la vendeuse ou la barmaid se donnent en spectacle. Miss Douce s’exhibe devant Boylan en s’interrogeant sur la femme qui a pu lui donner la rose dont il s’orne, tandis que celui-ci ne voit en elle qu’une mise en appétit pour sa rencontre avec Molly. Cette scène du Sonnez la cloche, où Joyce présente un parfait équivalent sonore du voyeurisme-exhibitionnisme, jette du même coup une lumière crue sur les relations qui unissent les chanteurs à leur public.

    Dans cet épisode musical, contrairement à ce qu’on pourrait attendre, les occurrences des mots « œil », « voir » et « regarder » et de leurs synonymes sont plus nombreuses que celles des mots « oreille », « entendre » et « écouter ». À chaque instant, l’œil et l’oreille se suppléent ou se court-circuitent sur les chemins du désir. Le dispositif scénique complexe opère alternativement une conjonction et une disjonction des deux registres visuel et auditif. À l’intérieur de l’hôtel Ormond, le théâtre est partagé en plusieurs espaces : la salle à manger, où se tiennent Bloom et Richie Goulding, le bar, royaume des barmaids, divisé par un comptoir, mais redoublé par un miroir, et enfin la salle de musique qu’occupent Cowley, Simon Dedalus puis Dollard. De la salle à manger on entend la musique et l’on voit une partie du bar quand la porte est entrebâillée ; du bar on voit les deux autres salles et on entend la musique ; de la salle de musique on voit et on entend le bar, mais pas la salle à manger. Les barmaids occupent donc une position stratégique de charnière, mais de Richie Goulding à Pat, chaque personnage joue tour à tour un rôle de relais. Le regard, comme la voix, est toujours partagé, pris en charge par un système complexe de médiations, de renvois et de ricochets, dans lequel le lecteur se trouve aspiré, sans pouvoir se raccrocher à un point de repère stable.

    Daniel Ferrer

    a

    Lecture de VLB

    L’Odyssée d’Homère. Sans doute la plus connue de toutes les aventures d’Ulysse, sans cesse adaptée au théâtre et au cinéma comme le Hamlet de Shakespeare. Des fameuses sirènes, qu’en dit Circé à Ulysse ? Et comment peut-on passer auprès d’elles sans y laisser sa peau ? Elles charment tous les mortels qui les approchent. Mais bien fou qui relâche pour entendre leurs chants ! Le pré, leur séjour, est bordé d’un rivage tout blanchi d’ossements et de débris humains, dont les chairs se corrompent. Passe sans t’arrêter. Mais pétris de la cire à la douceur de miel et, de tes compagnons, bouche les deux oreilles : que pas un d’eux n’entende ; toi seul, dans le croiseur, écoute, si tu veux ! Mais pieds et mains liés ; debout sur l’emplanture, fais-toi fixer au mât pour goûter le plaisir d’entendre la chanson et, si tu les priais, si tu leur commandais de desserrer les nœuds, que tes gens aussitôt donnent un tour de plus !

    Pour une fois, Ulysse met en pratique l’enseignement de Circé et peut entendre sans risque le chant des sirènes : Viens ici ! Viens à nous ! Ulysse, tant vanté, l’honneur de l’Achaie ! Arrête tout croiseur : viens écouter nos voix ! Jamais un noir vaisseau n’a doublé notre cap, sans ouïr les doux airs qui sortent de nos lèvres puis on s’en va content et plus riche en savoir.

    Ses compagnons, qui n’ont rien entendu, maugréent contre Ulysse. Et lui qui ne serait rien sans le secours des déesses, que leur dit-il pour les apaiser ? N’est-ce pas ma valeur, mes conseils, mon esprit qui nous ont délivrés ? Allons ! Croyez-m’en tous : faites ce que je dis ; qu’on reprenne la rame et, fermes sur les bancs, allons ! Battez la mer d’une plongée profonde !

    L’Ulysse de James Joyce. Ça s’ouvre sur de la mallarméenne prose que l’exploréen Claude Gauvreau aurait revisitée. C’est le Joyce que je préfère à tous les autres, qui oublie tout ce qu’il doit à Thomas d’Aquin et à Flaubert pour verser dans une joyeuse folie verbale, la sonorité des mots choisis se répercutant en cascades sur d’autres, par assonances ou dissonances, comme livret d’opéra, ou paroles à chanter comme le ferait Chanteclerc dans le pré, en l’occurrence une maison d’opéra. Tandis que Léopold Bloom marche vers l’Ormond Bar, le poids de sa solitude lui pesant fort à l’épaule, se met à fredonner l’homme mélancolique, les bruits de la rue syncopant, par battements de queue de sirènes, la chanson qu’il improvise :

    « Bronze et Or proches entendirent les sabots ferrés, clinquetant-acier. Impertnent. Tnentnent. Petites ripes, il picore les petites ripes d’un pouce rêche, petites ripes. La sale ! Et Or rougit encore. Une note enchifrenée de fifre florit. Flo-rit. Bleu et Bloom est aux cheveux d’or en pyramide. Et un appel, pur, long et vibrant. Un appel lent à mourir. Séduction. Mot suave. »

    Qui dit séduction dit amour, et qui vit l’amoureuse folie est en état de guerre : Ah, leurre ! Alléchant leurre ! Je me sens si triste. Pourquoi Bloom l’est-il à ce point ? À cause de sa femme Molly qu’il n’aime pas comme il le devrait, qui le trompe peut-être avec Dache Boylan pendant que lui, le Juif errant, fornique en pensée avec sa correspondante Martha. Il grinçait, hors de lui, des dents. En arrière, en avant, en arrière. Un bâton frais qui point. Bronzelydia près de Mine dor. Près de Bronze, près d’Or, dans la pénombre vertabyssale, Bloom. Ce vieux Bloom. Fini. Commençons. Puisque sont là les sirènes, à regarder, de la fenêtre de l’Ormond Bar, passer les sabots du Vice-Roi de Grande-Bretagne et d’Irlande. S’appellent Miss Douce et Miss Kennedy qui, sans le savoir encore, partagent avec Bloom un fort sentiment de tristesse :

    « Miss Kennedy s’éloigne du grand jour, flâneuse, tortillant un cheveu fou

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