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    2. Ulysses
    3. Chapitre 211
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    qui menacent celle-ci, qu’il peut retrouver Molly / Pénélope au terme de son odyssée. Quelque insidieux que puisse être le poison de la jalousie, rien ne rendra nécessaire, autrement que par la pensée et le style, le massacre des prétendants, ou du moins celui de Boylan, aspirant au lit conjugal des Bloom.

    Le voyage au pays des morts n’est plus tant l’expérience limite réservée au héros antique que l’une des expériences seuil de l’homme sensible ordinaire, l’un de ces moments de refondation de soi provoqué par le sentiment de perte, qu’il soit le sentiment de la perte d’un être unique ou qu’il soit le réveil de ce sentiment. Cette rencontre amène chez Bloom une expérience de la tabula rasa qui diffère de celle éprouvée par Stephen dans « Protée ». Le deuil que portent les participants aux funérailles de Paddy Dignam est une expérience où le temps de la parole se creuse, donnant lieu à des paroles vaines et à des pensées qui plongent là où nous ne sommes presque plus rien. Le point d’évanouissement en question est cependant chaque fois le lieu d’où Bloom construit ou se reconstruit : il imagine un monde où Rudy serait encore vivant, se livre à une méditation sur l’inanité nécessaire des rituels funéraires et même élabore une véritable thanatologie, champ de spéculation idéal pour l’imagination et l’inventivité bloomiennes jamais à court. Ainsi Bloom, rêvant sur le devenir du corps, s’empare sans hésiter de l’idée du compostage (« Suis persuadé que la terre serait enrichie avec du compost de cadavre », p. 206), art d’accommoder les restes mais aussi parade au spectre du corps pourrissant (« Mais doivent engendrer une sacrée quantité de vers », ibid.).

    Nulle part sans doute le lien entre les vivants et les morts ne s’opère de façon plus parfaite qu’avec la moly, talisman qui dans l’Odyssée protège Ulysse de la magie de Circé au point d’en faire une alliée. En effet, la plante aux vertus surnaturelles, don d’Hermès, prend pour Bloom la forme d’une modeste pomme de terre, ce légume si irlandais, cette racine qui nourrit et qui associe la mère morte de Bloom, « pauvre maman », et son épouse Molly5. Quand Bloom renverse les mots du moine Notker le Bègue, Media vita morte summus, en clamant, de sa manière discrète, « Au milieu de la mort nous sommes en vie » (p. 205), il pense à sa fille Milly (« Oui, oui : une femme elle aussi. La vie. La vie », p. 177) et dit sans tapage son sentiment de l’éternel retour. Mais il entrevoit déjà Ithaque et tend la main vers Molly. Il chante à voix basse la même affirmation de la vie, le même « oui ! » qu’elle reprendra pour et contre son mari, endormi tête-bêche à ses côtés au terme du roman.

    M.C. et P.B.

    a

    La lecture de VLB (2006)

    L’Odyssée d’Homère. La barque d’Ulysse et de ses compagnons glisse sur l’océan, portée par des vents enfin bienveillants. S’en vient vers le frêle esquif la terre d’Éolie : Une île qui flotte ; une côte de bronze, infranchissable muraille, l’encercle tout entière ; une roche polie en pointe vers le ciel. Éole, en son manoir, nourrit ses douze enfants, six filles et six fils qui sont à l’âge d’hommes : pour femmes, à ses fils il a donné ses filles et tous, près de leur père et de leur digne mère, vivent à banqueter ; leurs tables sont chargées de douceurs innombrables ; tout le jour, la maison, dans le fumet des graisses, retentit de leurs voix ; la nuit, chacun s’en va, près de sa chaste épouse, dormir sur les tapis de son cadre ajouré.

    Ulysse et ses compagnons restent un mois chez Éole. En échange pour le racontage de ses aventures, Éole va lui accorder des vents favorables afin de rentrer à la maison. Éole écorche un taureau de neuf ans ; dans sa peau, il coud tous les vents impétueux, puisque le fils de Cronos l’en a fait régisseur, à son plaisir, il les excite ou les apaise. L’outre ainsi gonflée, il la remet à Ulysse en l’enjoignant de ne pas l’ouvrir, car de blanche deviendra noire la magie, et ce qui est là pour protéger se fera aussitôt férocement destructeur.

    Durant neuf jours et neuf nuits, vogue sans relâche le vaisseau d’Ulysse. La terre d’Ithaque sera bientôt en vue et Ulysse, qui n’a pas dormi depuis le départ d’Éolie, s’assoupit. Ses compagnons croient que le sac d’Éole est plein d’or et d’argent, mais qu’Ulysse ne veut pas le leur dire pour ne pas avoir à partager le magot avec eux (preuve que l’honnêteté du héros était loin d’être sans taches et sa loyauté par-devers les siens bien fragile). On ouvre donc l’outre, tous les vents s’en échappent, faisant se déchaîner l’océan et repoussant la barque d’Ulysse loin du pays d’Ithaque. Ulysse se retrouve vite en Éolie, face au dieu des vents. Il est si infatué de lui-même qu’il fait porter sur son équipage toute la responsabilité de sa mésaventure. Mais Éole n’est pas dupe : comprenant que le héros aux mille ruses n’en est pas véritablement un et qu’il vit d’une boursouflure de renommée, il le chasse de son île sans ménagement : Décampe de mon royaume, ô le rebut des êtres !… Je n’ai plus le droit de t’accorder mes soins !… Décampe vite, ô rebut des êtres !… Décampe !

    Ainsi est percée comme l’outre d’Éole la nature véritable d’Ulysse, ce beau parleur, mais ce petit faiseur. Des mots ! Du vent !

    L’Ulysse de James Joyce. Ce n’est pas un hasard si à l’épisode d’Eole correspond dans Ulysse les quelques heures que Léopold Bloom passe au journal qui l’emploie comme rabatteur d’annonces, puis chez son concurrent. C’est qu’en ce début du vingtième siècle, le journal est le symbole fondamental de la Cité moderne : il est, tel un moulin à vent, ouvert à tout ce qui souffle dans Dublin, l’Irlande et le monde, il est une formidable machine dont les entrailles sont l’atelier de composition et l’imprimerie sis en ses souterrains. La salle de rédaction en est le cœur, qui souffre d’arythmie et de tachycardie, qui bat rapide, puis lent, avec mesure ou sans, et tout dépendant du courant qu’on y fait passer au hasard des nouvelles qui viennent de partout, poussées par des vents contraires ; une nouvelle en fait venir une autre qui la défait avant même qu’on puisse la rendre publique, et celle-là est-elle enfin publiée quelle n’a souvent plus aucune pertinence, le monde réel n’étant qu’effervescence, bouillonnement du remous, spirale d’événements éphémères, si fugitifs qu’il est impossible quotidiennement de les relier entre eux pour leur donner sens, de sorte que fait pour informer le journal n’est qu’un prisme dont les faisceaux de lumière sont cannibales : tout s’y entredévore dans le bruit et la fureur de cette machine désâmée qu’est devenu le monde.

    Ce chapitre-là d’Ulysse, Joyce l’a conçu véritablement comme un journal ; il est formé d’articles, d’entrefilets, de chroniques d’humeur, de comptes rendus sportifs et de placards publicitaires qui en sont le fondement : tout le reste n’est que prétexte, tout le reste n’est que poudre aux yeux. Le journal est un commerce, il en est même l’image par excellence : par les annonces qui prennent la meilleure part de son espace, ce sont les marchandises, leur production et leur circulation qui orientent ou désorientent le flux humain passant entre elles. Le volume des annonces détermine le nombre de pages qu’aura chaque jour le journal, et détermine aussi par conséquent la part plus ou moins importante qu’y auront les nouvelles. En sa qualité de rabatteur d’annonces, Léopold Bloom détient donc les clés qui permettent d’ouvrir ou de fermer L’Homme libre. Ne s’agit pas d’un hasard s’il demande au prote de modifier le panneau publicitaire du négociant en thés dénommé symboliquement Cleys. Il voudrait deux clés dans le haut, croisées et inscrites dans un cercle, dit Léopold Bloom au prote.

    Entré en coup de vent à L’Homme libre, Bloom en ressort en coup de vent aussi tandis que s’élève, enterrant le bruit infernal des presses, la voix presque stridente d’un ténor. De l’autre côté de la rue, se trouvent les bureaux du Télégramme du soir. Malgré la faim qui commence à le tenailler, Bloom ne peut s’empêcher d’y entrer. Simon Dédalus et le journaliste Ned Lambert sont là, à se taper sur les cuisses tout en lisant un texte littéraire envoyé au journal par un de ses lecteurs : Méandres de quelque ru gazouilleur… domaine bleu de Neptune aux ondes qui se cabrent… dessous les ombres que jettent à son sein mélancolique les faisceaux feuillus des géants de la forêt. Du vent, toujours du vent, dont on se gausse en faisant devenir fessiers feuillus les dérisoires faisceaux du poète. Ce sont, bien sûr, ceux de l’Odyssée que Joyce s’amuse à pasticher, les métaphores d’Homère en ses moments d’épanchement lyrique s’y prêtant à merveille.

    On ne peut pas besogner dans un journal irlandais sans casser un peu de sucre, cyniquement, sur le dos britannique. Comme dit Mac Hugh, ce journaliste-professeur : Que fut la civilisation romaine ? Grande, je l’accorde, mais vile. Collecters ; égouts. Le Romain, comme l’Anglais qui a marché sur ses traces, apportait partout où il mettait le pied cette unique obsession de l’égout. Drapé dans sa toge, il regardait autour de lui et disait : il est bon d’être ici. Construisons un water-closet.

    Entre alors à L’Homme libre Stephen Dédalus. Cherche-t-il son père ? Il vient tout juste de partir avec Ned Lambert pour aller prendre un verre dans un bar voisin. Cherche-t-il Léopold Bloom ? Se cherche-t-il lui-même ?

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