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    2. Ulysses
    3. Chapitre 21
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    ciel39.

    Un nuage commença à couvrir le soleil, lentement, complètement40. Gris. Loin.

    Non, pas comme ça. Une terre aride, stérile et désolée. Lac volcanique, la mer morte : pas de poissons, pas d’algues, au plus profond de la terre. Nul souffle de vent ne pourrait soulever ces vagues, métal gris, eaux méphitiques brouillasseuses. Pluie de soufre, c’est comme ça qu’ils l’ont appelée : les villes de la plaine : Sodome, Gomorrhe, Édom41. Des noms morts tout ça. Une mer morte dans une terre morte vieille et grise. Vieille à présent. Elle a enfanté la race la plus ancienne, la première. Sortant de chez Cassidy, une vieille sorcière traversa, la main crispée sur le col d’une fiole à whisky. Le plus ancien peuple. À parcouru dans son errance les confins de la terre, de captivité en captivité, se multipliant, mourant, naissant partout. Elle s’étendait là maintenant. Maintenant elle ne pouvait plus rien enfanter. Mort : celui d’une vieille femme : le con gris et défoncé du monde.

    Désolation.

    Une horreur grise lui consumait les chairs. Pliant la feuille qu’il mit dans sa poche il prit dans Eccles street, se hâtant vers son domicile. Des huiles froides coulaient dans ses veines et lui glaçaient le sang : l’âge l’encroûtait d’une chape de sel42. Bon, j’y suis maintenant. Bouche du matin, esprit chagrin. Me suis levé du pied gauche. Dois reprendre ces exercices de Sandow43. Des pompes. Maisons de briques brunes tavelées. Le quatre-vingts encore à louer. Pourquoi ça ? Ils n’en demandent que vingt-huit livres. Towers, Battersby, North, McArthur44 : placards sur les fenêtres du rez de chaussée. Emplâtre sur un œil malade. Humer la suave vapeur de thé, le fumet montant de la poêle, le beurre qui grésille. Être près de sa chair généreuse dans la chaleur du lit. Oui, oui45.

    Rapide, un chaud rayon de soleil se rapprochait venant de Berkeley road, prestement, en sandales légères, le long du trottoir qui s’éclairait. Elle court, court à ma rencontre, jeune fille aux cheveux d’or dans le vent.

    Deux lettres et une carte gisaient à terre dans l’entrée. Il se baissa pour les ramasser. Madame Marion Bloom46. Son cœur qui s’était emballé ralentit immédiatement. Main de flam. Madame Marion.

    — Popold47 !

    En entrant dans la chambre il ferma à demi les yeux et traversant la chaude pénombre jaune il se dirigea vers la tête ébouriffée.

    — C’est pour qui ces lettres ?

    Il les regarda. Mullingar48. Milly.

    — Une lettre de Milly pour moi, dit-il prudemment, et elle t’envoie une carte. Et une lettre pour toi.

    Il déposa sa carte et sa lettre sur le dessus-de-lit de laine croisée, près de la courbe de son genou.

    — Veux-tu que je relève le store ?

    Remontant le store à petits coups jusqu’à mi-hauteur, il la vit du coin de l’œil qui regardait rapidement sa lettre et la glissait sous son oreiller.

    — Ça va comme ça ? demanda-t-il en se retournant.

    Elle lisait la carte, appuyée sur son coude.

    — Elle a reçu les affaires, dit-elle.

    Il attendit qu’elle eût mis la carte de côté et qu’elle se fût à nouveau pelotonnée lentement en soupirant d’aise.

    — Dépêche-toi de faire ce thé, dit-elle. J’ai la bouche sèche.

    — L’eau bout, dit-il.

    Mais il s’attarda encore un peu pour débarrasser la chaise : son jupon rayé, du linge sale jeté là négligemment : et il déposa toute la brassée qu’il avait ramassée au pied du lit.

    Tandis qu’il descendait à la cuisine, elle appela :

    — Popold !

    — Quoi ?

    — Ébouillante la théière.

    L’eau bouillait, c’était sûr : la vapeur en panache sortait du bec verseur. Il ébouillanta et rinça soigneusement la théière, mit quatre pleines cuillers de thé, inclinant ensuite la bouilloire pour y verser l’eau. L’ayant mis à infuser, il ôta la bouilloire du feu, écrasa la poêle bien à plat sur les braises et regarda le morceau de beurre fondre et glisser. Tandis qu’il déballait le rognon la chatte miaulait de faim en se frottant contre lui. Si on lui donne trop de viande elle ne chassera plus les souris. On dit qu’ils refusent de manger du porc. Casher. Tiens. Il laissa tomber à son intention le papier maculé de sang et fit tomber le rognon dans le beurre fondu qui grésillait. Du poivre. Il se frotta le pouce contre l’index pour le saupoudrer en rond, se servant dans le coquetier ébréché.

    Il ouvrit ensuite sa lettre, ses yeux parcourant la feuille recto verso. Remerciements : béret neuf : M. Coghlan : pique-nique au lough Owel : jeune étudiant49 : les filles du bord de mer de Flam Boylan50.

    Le thé avait infusé. Il remplit en souriant sa tassamoustache, en faux Derby. Cadeau d’anniversaire de Millinotte. N’avait alors que cinq ans. Non, attendez, quatre. Je lui avais offert ce collier en faux ambre qu’elle a cassé. Déposant pour elle dans la boîte aux lettres des morceaux de papier d’emballage pliés en quatre51. Il sourit tout en versant.

    Ô Milly Bloom tu es bien ma chérie

    Tu es mon miroir du soir au matin

    Et je te préfère même sans un radis

    À Kathey Keogh, son âne et son jardin52.

    Pauvre vieux professeur Goodwin53. Un vieux machin. C’était pourtant un petit vieux bien courtois. Cette façon désuète qu’il avait de raccompagner Molly avec force courbettes quand elle quittait la scène. Et ce petit miroir dans son chapeau de soie. Le soir où Milly le rapporta au salon. Oh, regardez ce que j’ai trouvé dans le chapeau du professeur Goodwin ! On a tous ri. Déjà une petite femme. Une vraie petite effrontée.

    Il piqua une fourchette dans le rognon et le retourna d’un coup sec : puis installa la théière sur le plateau. Sa bosse fit saillie lorsqu’il le souleva. Tout y était ? Les tartines beurrées, quatre, sucre, cuiller, sa crème. Oui. Il monta l’escalier le pouce passé dans l’anse de la théière.

    Ouvrant la porte d’un léger coup de genou il entra avec le plateau et le déposa sur la chaise près de la tête du lit.

    — Tu en as mis du temps, dit-elle.

    Elle fit cliqueter les anneaux de cuivre en se relevant vivement appuyant le coude sur l’oreiller. Il baissa calmement les yeux sur son corps volumineux, sur le sillon entre ses gros tétons doux qui pendaient sous sa chemise de nuit comme les pis d’une chèvre. La tiédeur de son corps étalé montait du lit et se mêlait à l’arôme du thé qu’elle versait.

    Un bout d’enveloppe déchirée pointait sous l’oreiller creusé d’une fossette. Alors qu’il se dirigeait vers la sortie, il s’arrêta un instant pour arranger le dessus de lit.

    — De qui était la lettre ? demanda-t-il.

    Main de flam. Marion.

    — Oh, de Boylan, répondit-elle. Il va apporter le programme.

    — Que chantes-tu ?

    — Là ci darem avec J.C. Doyle, dit-elle, et L’Ancien Chant des doux amants54. Ses lèvres pulpeuses en buvant souriaient. Ça laisse comme une odeur de renfermé le lendemain cet encens. Comme l’eau croupie d’un bouquet.

    — Tu veux que j’ouvre un peu la fenêtre ?

    Elle plia en deux une tranche de pain qu’elle introduisit dans sa bouche demandant :

    — À quelle heure est l’enterrement ?

    — Onze heures, je crois, répondit-il. Je n’ai pas vu le journal.

    Suivant la direction dans laquelle pointait son doigt il ramassa sur le lit par une jambe sa culotte sale. Non ? Alors une jarretière grise, froissée, entortillée autour d’un bas : plante de pied déformée et lustrée.

    — Non : ce livre.

    Autre bas. Son jupon.

    — Il est dû tomber, dit-elle.

    Il tâta çà et là. Voglio e non vorrei. Me demande si elle prononce ça correctement : voglio. Pas dans le lit. À dû glisser. Il se pencha et souleva le cache-sommier. Le livre s’étalait à terre, étalé contre la panse du pot de chambre à grecorange.

    — Fais voir, dit-elle. J’y ai mis une marque. Il y a un mot que je voulais te demander.

    Elle avala une gorgée de thé de la tasse qu’elle tenait par la nonanse et, s’étant essuyé vivement le bout des doigts sur la couverture, elle commença à parcourir le texte avec son épingle à cheveux55 jusqu’à trouver le mot en question.

    — Mets ton ptit quoi56 ? demanda-t-il.

    — Là, dit-elle. Qu’est-ce que ça veut dire ?

    Il se pencha au dessus d’elle et lut en suivant l’ongle verni de son pouce.

    — Métempsycose ?

    — Oui. Ça sort d’où ça ?

    — Métempsycose, reprit-il en fronçant les sourcils. C’est du grec : ça vient du grec. Ça veut dire la transmigration des âmes.

    — Oh, sois pas casse-bonbons ! dit-elle. Dis-nous ça simplement.

    Il sourit en regardant en coin ses yeux moqueurs. Les mêmes jeunes yeux57. La soirée qui a suivi le jeu des charades. Dolphin’s Barn58. Il tourna les pages maculées. Ruby : la Perle du cirque59. Tiens. Illustration. Un Italien féroce avec un fouet de palefrenier. Doit être Ruby la perle du sur le plancher, nue. Prêt gracieux d’un drap. Le monstre Maffei s’interrompit et projeta sa victime à terre avec un juron. De la cruauté derrière tout ça. Animaux drogués. Le trapèze au Cirque Hengler60. Étais forcé de détourner les yeux. La foule bouche bée. Tordez-vous le cou et nous nous tordrons de rire. Des familles entières. Ils les désarticulent lorsqu’ils sont jeunes pour qu’ils médompsycosent. Que nous vivons après notre mort. Nos âmes. Qu’après sa mort l’âme d’un homme. L’âme de Dignam…

    — Tu l’as terminé ? demanda-t-il.

    — Oui, dit-elle. Il n’y a rien de cochon dedans. Est-ce qu’elle est amoureuse du premier type du début à la fin ?

    — Jamais lu. Tu en veux un autre ?

    — Oui. Un autre de Paul de Kock. Joli nom, hein61 ?

    Elle versa de nouveau du thé, le regardant couler du coin de l’œil.

    Il faut que je renouvelle mon prêt à cette bibliothèque de Capel street62 sinon ils vont écrire à Kearney, qui s’est porté garant pour moi.

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