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    3. Chapitre 208
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    de l’intérieur de la grosse voiture, Dublin est littéralement le royaume de la mort. Comme dans l’Hadès y circulent les morts-vivants, qui disparaissent aussitôt qu’aperçus : chez Joyce, c’est l’Hadès qui bouge tandis que le monde des morts-vivants est immobile. Ainsi, fugace, apparaît entre les tombes l’homme au mackintosh, ombre parmi les ombres, spectre de Hamlet et symbole de la Grande Faucheuse qui, toujours, veille et surveille. Ainsi fugace, paraît aussi Dédalus le Fils que seul Bloom voit. Était-il avec ce voyou de Buck Mulligan ? lui demande Dédalus Père qui déteste pour le tuer l’ami de son Fils et ses contempteurs, la bande Gouding, le petit ivrogne comptable et Crissie, la petite crotte à son papa, l’enfant malin qui connaît son propre père. Si l’animosité de Simon Dédalus est pour ainsi dire ultime par-devers Mulligan, c’est qu’il ne lui pardonne pas de lui avoir enlevé son Fils, le seul humain dans tout Dublin en qui il a mis sa complaisance, ses rêves et ses plaisirs. Depuis que Stephen habite dans la tour Martello, le Père a perdu son compagnon de beuverie, il n’a plus personne à qui chanter ses vieilles chansons, ni conter ses salaces histoires, ni manger du prochain. Ainsi enfermé dans sa solitude, Simon Dédalus est l’égal du pauvre Paddy Dignam qu’on va porter en terre.

    Qui est-il, ce Paddy Dignam, pour qu’on ait tant de compassion pour lui ? Un brillant jeune avocat, un redoutable orateur qui se préparait à entrer en politique et sur qui on fondait les plus grands espoirs. Peut-être serait-il devenu l’égal d’O’Connell et de Parnell et, peut-être aussi, plus grand qu’eux deux ensemble, ce libérateur de l’Irlande, les Anglais boutés dehors, la verte Érin redevenue florissante, unique dans le monde par sa beauté, comme l’est le trèfle à quatre feuilles. Mais quand le pays est malade, n’échappe pas qui veut à son étiolement. Aussi Dignam a-t-il contracté la tuberculose, la plus pernicieuse des maladies sociales puisque, comme la pomme de terre, elle vient de la pauvreté, de la promiscuité et de l’insalubrité. Ne peut se guérir que par un remède de cheval, la révolution. D’où l’énorme perte que représente Paddy Dignam pour un pays en mal de héros jeunes, tonitruants et guerriers. En le portant en terre, c’est cet avenir-là de l’Irlande qu’on enterre une autre fois. N’en restera, sous forme de maigre tumulus, que de la vieille terre si stérile que même le chiendent aura de la difficulté à prendre dedans. Sans Fils pour leur botter le derrière, que peuvent bien être les Pères ? Tous à l’image de Simon Dédalus et de Léopold Bloom, le premier fulminant d’une vaine colère et le deuxième se laissant avaler par ses égoïstes démons intérieurs que, de toute façon, il n’aura jamais le courage d’exorciser vraiment : un premier fils mort-né, une fille qui s’en est allée de la maison juste à temps, une molle femme qui, pour un air d’opéra, le trompe peut-être déjà avec Dache Boylan, le retrousseur de jupons.

    Ainsi va vers le cimetière le cortège funèbre, et c’est comme s’il faisait tout le tour de Dublin avant d’y arriver. Le soleil du petit matin s’est éclipsé, de gros nuages couvrent le ciel, la pluie s’est mise à tomber, tout ce qui est vu et entendu de la grosse voiture brinqueballante est comme une nature morte se décomposant dans de pourrissantes odeurs. Un cercueil. Dublin est un cercueil qui grouille de vers nécrophages. Ne mange plus la vie, est mangée safrement par la vermine, celle qui rampe sous terre comme celle qui rampe au parlement, à l’hôtel de ville, dans les églises, les couvents et les hôpitaux. Le syndrome collectif et irlandais de la tuberculose inguérissable. Comme ce fut le cas au Québec à la même époque. Sanatoriums. Corps jeunes du pays allongés sur les grandes galeries, dans le froid de tant d’hivers de force, de tant de déluges de neige ! À peine naissants, mais déjà morts, tous ces corps. Désavenir. Dénaissance. Comme un simple et bref kouak enduit de morne nuit.

    a

    La lecture de Nabokov

    Heure : Entre 10 et 11 heures du matin, le 16 juin.

    Lieu : Diverses rues au sud de la Liffey, la rivière qui traverse Dublin d’ouest en est.

    Personnages : Bloom, une connaissance, M’Coy, qui l’arrête dans la rue pour lui demander de noter son nom sur le registre des personnes présentes à l’enterrement de Dignam, auquel il ne peut assister, parce que « il y a une histoire de noyé à Sandycove qui pourrait bien nous réserver du nouveau et le coroner et moi il faudrait que nous allions sur les lieux si le corps est retrouvé ». La femme de M’Coy est également chanteuse, mais pas si bonne chanteuse que Marion Bloom. Un autre personnage avec lequel Bloom cause dans la rue à la fin du chapitre est Bantam Lyons, sur lequel je reviendrai dans un instant lorsque j’aborderai le thème de la course à Ascot.

    Action et style : On voit d’abord Bloom, sur le quai Sir John Rogerson, longeant la rive sud de la Liffey, qu’il a gagnée à pied venant d’Eccles street où il habite, à environ un mile de là, au nord-ouest de la Liffey. En chemin, il a acheté un quotidien du matin, l’Homme libre. Ce chapitre fait principalement appel au procédé du courant de conscience. Du quai, Bloom se dirige à pieds vers le bureau de poste, au sud, après avoir fait passer dans la poche de son veston la carte jusqu’alors cachée dans la doublure de son chapeau. Ses pensées, à la vue de la vitrine de la Oriental Tea Company, dérivent vers un univers de parfums et de fleurs. À la poste, il y a une lettre pour lui, de Martha Clifford, l’inconnue, que nous ne rencontrerons jamais. Tandis que Bloom cause avec M’Coy dans la rue, son œil vagabond observe une femme qui s’apprête à monter dans une voiture : « Attention, attention ! Éclair de soie des bas blancs cossus. Attention ! » Les chevilles, en 1904, étaient plus rarement offertes au regard qu’aujourd’hui. Mais un lourd tramway passe et s’interpose entre l’œil attentif de Bloom et la dame : « Raté ! Au diable ta gueule camarade. Sensation d’être mis à la porte. Paradis et la Péri. Ça arrive toujours comme ça. Juste au moment. Cette petite sous une porte dans Eustace street, lundi je crois, qui ajustait sa jarretière. Son amie couvrant l’exhibition de Esprit de corps. Ben, qu’est-ce qui vous prend à rester là la bouche bée ? »

    Descendant à présent Cumberland street, Bloom lit la lettre de Martha. Sa sentimentalité vulgaire affecte ses sens et ses pensées courent vers de faciles satisfactions. Il passe sous un pont de chemin de fer. L’image des barils de bière, le principal article d’exportation de Dublin, lui est suggérée par le grondement du train au-dessus de lui, exactement comme la mer suggère des barils de porter à Stephen marchant sur la plage : « Dans des tasses de rocher, le flot flaque : flic, flac, Hoc : bruit de barils. Et, répandu, son discours tarit. Il flue en murmure, largement il flue, flottantes flaques d’écume, fleurs qui se déploient. » C’est là une vision très proche de celle de Bloom voyant la bière se répandre : « Un train remontant passa à grand fracas sur sa tête, wagon après wagon. Des barils ballotèrent sous son crâne : le terne porter y flaquait et s’y barattait. Les bondes sautèrent et un grand flot terne s’écoula. Comme un fleuve circuitant entre des langues de terre, y laissant d’indolents lagons et des remous de liqueur qui charriaient les fleurs étales de sa mousse. » Nous avons là encore un autre repère de synchronisation. Il faut noter que ce chapitre se terminera sur le mot « fleur » à la fin d’un paragraphe concernant Bloom dans son bain, qui a quelque lien avec les images que suscite dans l’esprit de Stephen la pensée de l’homme noyé. Bloom voit d’avance : « Son torse et ses membres frôlés de l’eau, supportés, flotter faiblement citrins ; son nombril, bouton charnu ; il voyait la sombre brousse de son pubis flotter, flottante barbe de fleuve autour du père indolent des postérités, languide et flottante fleur. » Et le chapitre s’achève sur le mot « fleur ».

    Continuant sur Cumberland street après avoir lu la lettre de Martha, Bloom, en passant, entre dans une église catholique. Ses pensées continuent à rouler. Quelques minutes plus tard, aux environs de dix heures et demie, il prend Westland Row pour aller chez le pharmacien commander, à l’intention de sa femme, certaine lotion pour les mains ; huile d’amande douce, teinture de benjoin, et eau de fleur d’oranger. Il achète un savon et dit qu’il repassera plus tard pour la lotion, mais il oubliera. Le savon, par contre, va devenir un véritable personnage de l’histoire. Partant de là, nous allons, si vous le permettez, suivre deux thèmes dans ce chapitre : le savon, et la Coupe d’Or d’Ascot. Le savon est une savonnette Barrington parfumée au citron, qui coûte quatre pence et répand une douceâtre odeur de cire citrique. Lorsque après son bain Bloom est assis dans une voiture à cheval pour se rendre à l’enterrement, le savon est logé dans sa poche revolver : « Je suis assis sur quelque chose de dur. Ah, ce savon dans ma poche de derrière. Il vaudrait mieux l’ôter de là. Attendre l’occasion. » Celle-ci se présente lorsqu’ils arrivent au cimetière de Prospect. Il sort. C’est seulement à ce moment-là qu’il fait passer le savon de sa poche revolver à la pochette de

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    Tags:
    Classique, Fiction, Littérature, Roman
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