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    2. Ulysses
    3. Chapitre 202
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    coexistence de la permanence et du changement : êtres et choses sont observés oscillant entre la naissance et la mort, entre pureté originelle et dissolution. Mais les deux pôles se télescopent parfois dans une conflagration des extrêmes qui rappelle Joachim de Flore2. Ainsi, Stephen imagine la sage-femme portant dans son sac un fœtus sanglant, et le cadavre flottant dans les eaux subit une métamorphose qui le fait repartir vers une nouvelle naissance et une transmigration.

    Au début de sa marche, Stephen essaie de revenir aux catégories élémentaires de l’espace et du temps, se donnant ainsi le rôle du créateur d’un monde ex nihilo. En fermant les yeux, il tente de se fermer au monde extérieur de l’espace et de ne vivre que dans le monde intérieur du temps. Méditant sur le temps et l’espace à partir des catégories empruntées au Laokoon de Lessing, il se fabrique une version caricaturale de l’idéalisme de Berkeley sur le modèle de son propre solipsisme narcissique, un Berkeley pour qui le esse est percipi (être, c’est être perçu) aboutirait à nier la réalité du monde. Mais il s’aperçoit en rouvrant les yeux que le monde extérieur ne se laisse pas néantiser aussi facilement. Pourtant, il continue à avancer dans ce monde en n’y voyant que son propre reflet, marchant à la rencontre d’images de lui-même, cherchant des signes qu’il ne sait ni voir, ni interpréter lorsqu’il les trouve, prisonnier de son narcissisme et menacé par les sables mouvants qui le guettent. Cette menace de dissolution s’accentue une fois qu’il a changé de direction. Alors que la première partie de l’épisode s’attache aux origines, la seconde est sous le signe de la dissolution et de la mort. Stephen imagine « famine, peste, massacres » à Dublin dans les siècles passés, le chien lui semble un rapace déchiquetant un cadavre, la femme de son poème devient un vampire au baiser sanglant, il voit le cadavre du noyé se décomposant au soleil.

    Stephen n’est plus le même que celui qu’on avait vu se promener sur une plage déserte au chapitre IV du Portrait de l’artiste en jeune homme, se laissant aller aux pièges d’un postromantisme flamboyant mêlé de spiritualisme décadent, tendant un écran déformant entre lui-même et le monde réel. Dans « Protée », Stephen se rend compte que s’il veut devenir un véritable artiste, il lui faut affronter le défi qu’est l’existence du monde. Il cherche en tâtonnant un moyen d’exprimer ses potentialités encore informes et de leur donner une direction. Il a accentué le regard ironique sur lui-même qui s’était ébauché dans son journal à la fin du Portrait. Les épiphanies religieusement rassemblées dans ses carnets comme le germe de ses œuvres futures sont à présent vues comme des divagations de collégien. De son voyage à Paris, qui devait être la première étape de son envol vers la gloire littéraire sur le continent, il ne garde que les images fragmentaires d’un étudiant désargenté et rappelé peu glorieusement à Dublin par un télégramme lui annonçant la mort de sa mère.

    Il déambule ainsi au milieu d’un paysage halluciné où l’espace et les mots, le réel et la légende ne cessent de se télescoper. Mais sur cette Irlande du passé aussi on sent un changement par rapport à la rétraction crispée du Portrait. Même si l’histoire irlandaise lui apparaît comme une succession de compromissions, trahisons et soubresauts sanglants ou burlesques, il se sent à présent étrangement proche de ces peuplades archaïques qu’il imagine dépeçant des cachalots pour échapper à la famine. La plage devient une page sur laquelle il promène son ombre comme celle d’un stylet et sa baguette de frêne magique comme le lituus d’un augure cherchant à délimiter un templum ordonné dans l’immensité de l’espace.

    Toute la méditation de Stephen dans l’épisode s’ancre en fait dans l’arrière-plan mythique et ésotérique de la légende de Protée. Comme l’a montré Michael Seidel3, on trouve là l’influence de l’ouvrage de Victor Bérard, Les Phéniciens et l’Odyssée (1902-1903), sur les origines phéniciennes, sémitiques, de l’Odyssée, même si Joyce lut Bérard alors que la rédaction d’Ulysse était déjà assez avancée. Pour Bérard, la légende de Protée dans l’Odyssée n’est qu’une variante d’un conte égyptien transmis en Grèce par la Crète, où les pouvoirs de Protée sur la matière sont liés à la magie. Tout comme le Pharaon, roi-magicien sur la terre, le dieu de la mer est un magicien qui garde les secrets du bassin du Nil, et, comme le dieu Thoth, il possède des formules secrètes qui permettent d’évoquer le monde de l’au-delà.

    Mais les pouvoirs de magicien de Protée font aussi de lui un illusionniste et un faussaire, le rapprochant d’une des figures de Stephen qui, à la fin du Portrait, se donnait pour ambition de « façonner [forge dans la forge de mon âme la conscience incréée de ma race4 » – or on sait que « to forge » a aussi en anglais le sens de « contrefaire ». Pour l’artiste écrivain, affronter Protée, c’est affronter l’informe du temps et de l’espace, mais c’est aussi le vaincre par ses propres armes en venant se couler dans des identités aussi multiples que celles d’Adam, Jésus, Lucifer, Télémaque, Hamlet ou Swift. La fable protéenne est ainsi inscrite dans la vocation même de l’artiste qui doit mentir et déformer pour accéder à un réel qui lui renvoie ses illusions dans un va-et-vient où initiation et échec ne sont que les deux faces d’un même combat, celui de l’écriture.

    André Topia

    a

    La lecture de Nabokov

    Heure : Entre dix et onze heures du matin.

    Action : Stephen se rend à pied en ville, en passant par la plage, Sandymount. Nous l’apercevrons plus tard, marchant toujours d’un pas ferme, au moment où Bloom, Cunningham, Power et Simon Dedalus passeront en voiture, se rendant au cimetière pour l’enterrement de Dignam ; puis nous le rencontrerons à nouveau là où il se rendait en premier lieu, au bureau du journal (le Télégramme du soir). Tout en marchant sur la plage, il médite sur nombre de choses : « l’inéluctable modalité du visible », inéluctable signifiant « que l’on ne peut éluder », et modalité, « forme en tant qu’opposé à substance » ; les deux femmes âgées, deux sages-femmes, qu’il voit ; une certaine ressemblance entre le sac d’une sage-femme et celui d’un chercheur de coques ; sa mère, son oncle Richie, différents passages de la lettre de Deasy ; Egan, le révolutionnaire irlandais en exil ; Paris, la mer ; la mort de sa mère. Il voit deux autres chercheurs de coques, deux gitans (« Égyptiens » veut dire « gitansA »), un homme et une femme, et son imagination lui suggère aussitôt des échantillons de jargon de voyous, de mots de voyous :

    Blanches louches, rouge pantière

    Et friande elle est la criole,

    Viens t’en piausser avec mezière,

    Dans la sorgue on fera riole.

    Un homme s’est noyé peu de temps auparavant. Il a déjà été mentionné par des marins au moment où Mulligan et Haines se baignaient sous les yeux de Stephen ; c’est un personnage que nous retrouverons.

    « Cinq brasses là-bas. Par cinq brasses d’eau ton père repose. Il a dit : à une heure. Repêchage d’un noyé. Haut de l’eau à la barre de Dublin. Poussant devant lui un amas flottant de détritus, un banc de poissons en éventail, de cocasses coquilles. Un cadavre blanc de sel, émergeant dans le ressac, ballotté vers la terre, mètre à mètre, un marsouin. Le voilà. Accrochez-le vite. Tout descendu qu’il soit sous le plancher des eaux. Il est à nous. Stoppe.

    « Sacs de gaz cadavériques macérant dans une saumure infecte. Un frisson de fretin engraissé d’un spongieux morceau de choix fuit des interstices de sa braguette boutonnée. Dieu se fait homme se fait poisson se fait oie barnacle se fait édredon. Vivant, je respire des souffles morts, foule la poussière de mort, dévore un urineux rebut de chairs mortes. Hissé roide sur le plat-bord, il exhale aux cieux la puanteur de son tombeau vert, le trou lépreux de son nez ronflant au soleil. […

    « Mon mouchoir. Il l’a jeté. Je me le rappelle. Ne l’ai-je pas repris ?

    « Sa main tâtonna en vain dans ses poches. Non, je ne l’ai pas repris. Je n’ai plus qu’à en acheter un.

    « Il déposa soigneusement à l’angle d’une roche le mucus sec cueilli dans une de ses narines. Ni vu ni connu je t’embrouille.

    « Mais derrière ? peut-être quelqu’un.

    « Il avait tourné la tête et regardait par-dessus son épaule. Déplaçant en plein ciel ses hauts espars de trois-mâts, voiles carguées sur les barres de perroquet, rentrait au port, remontant le courant, silhouette silencieuse dans le silence, un navire. »

    Dans le chapitre 7, nous apprendrons que ce navire est le schooner Rosevean de Bridgwater, chargé de briques. Il amène Murphy, qui rencontrera Bloom dans l’abri du cocher, comme deux bateaux se croisent en mer.

    a

    Notes de André Topia

    1. Richard Ellmann, Ulysses on the Liffey, Londres, Faber, 1972, p. 23-26.

    2. Joachim de Flore (1145-1202), mystique italien qui, dans sa Concordia Novi et Veteris Testam enti (1519) et son Expositio in Apocalypsim (1527), développe une conception trinitaire de l’histoire du monde et dont certains des disciples furent jugés hérétiques. Stephen Dedalus l’évoque déjà dans Stephen le Héros et le Portrait de l’artiste en jeune homme.

    3. Michael Seidel, Epic Geography. James Joyce’s « Ulysses », Princeton, Princeton University Press, 1976, p. 145-146.

    4. Portrait de l’artiste en jeune homme, Œuvres, Bibl. de la Pléiade, t.1,p. 781.

    Notes sur la lecture de Nabokov

    A. « Red Egyptians » : « rouges fellahs », dans la trad, française. (NdT)

    IV. CALYPSO

    Notice Gallimard (2013)

    Calypso souhaitait garder pour toujours auprès d’elle le roi d’Ithaque qui, depuis sept ans, séjournait dans l’île d’Ogygie.

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    Classique, Fiction, Littérature, Roman
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