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    2. Ulysses
    3. Chapitre 201
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    étant consacré au hockey.

    Action : Stephen donne un cours d’histoire ancienne dans sa classe.

    « — À vous, Cochrane, quelle ville fit appel à lui ?

    — Tarente, monsieur.

    — Très bien, et puis ?

    — Il y eut une bataille, monsieur.

    — Très bien. Où ?

    « Le regard vide du petit interrogea la fenêtre vide. »

    Le courant de pensée de Stephen prend le relais : « Forgée par les filles de Mémoire. Et cependant elle fut, si elle ne fut pas telle que la tradition l’a transmise. Alors une phrase d’impatience, fracas des ailes d’outrance de Blake. J’entends s’effondrer l’espace, verre brisé, maçonnerie qui croule, et le temps un dernier éclair livide. Et puis que nous reste-t-il après ? »

    L’espace d’une minute, cependant que l’écolier s’interrompt l’esprit vide, la vivante pensée de Stephen évoque le torrent de l’histoire, verre brisé, murs qui s’écroulent, flamme livide du temps. Et puis que nous reste-t-il après ? Apparemment le confort de l’oubli.

    « — J’ai oublié l’endroit, monsieur. 279 avant Jésus-Christ.

    — Asculum, dit Stephen, regardant nom et date dans le livre zébré de sang » (manuel d’histoire à l’encre rouge, sanglante).

    L’un des enfants grignote des fourrés aux figues, et ce jeune idiot fait un mauvais calembour, jouant sur « Pyrrhus » et « pier », une jetée-promenade. Stephen lance l’une de ses épigrammes caractéristiques : qu’est-ce qu’un pier ? Un pont désappointé. Il y a des étudiants qui ne comprennent pas.

    Tout au long du chapitre, le récit de ce qui se passe à l’école est interrompu, ou, pour mieux dire, annoté par le cours des pensées intérieures de Stephen. Il pense à Haines et à Paris, à la bibliothèque Sainte-Geneviève où il avait lu Aristote « soir après soir, à l’abri du péché parisien ». « L’âme est en somme tout ce qui est ; l’âme est la forme des formes. » « L’âme est la forme des formes » sera le thème dominant dans le chapitre suivant. Stephen pose une devinette :

    Le coq chantait,

    Le ciel était bleu ;

    La cloche du bon Dieu

    Sonnait onze heures.

    Temps pour cette pauvre âme

    De s’en aller aux deux.

    À onze heures ce matin-là on doit enterrer Patrick Dignam, un ami de son père, mais Stephen est également obsédé par le souvenir de la mort récente de sa mère. Elle a été enterrée dans ce même cimetière ; on verra à l’enterrement de Dignam son père sangloter au moment où il passe devant la tombe de sa femme, mais Stephen n’ira pas à l’enterrement de Paddy Dignam. Il donne la solution de sa devinette : « – Le renard enterrant sa grand-mère sous un buisson de houx. »

    Il continue à ruminer de sombres pensées concernant sa mère et la faute qu’il a commise : « Une pauvre âme partie aux cieux ; et dans la lande, sous les clignotantes étoiles, un renard, le relent rouge de ses rapines au poil, l’œil implacable et brasillant, grattait la terre, écoutait, rejetait la terre ; écoutait, scrappait et scrappait. » Le sophiste qu’est Stephen peut prouver n’importe quoi, par exemple que le grand-père d’Hamlet est le fantôme de Shakespeare. Pourquoi le grand-père et non le père ? À cause de la grand-mère, qui représente pour lui la mère, dans le petit poème à propos du renard. Dans le chapitre suivant, Stephen, marchant sur la plage, voit un chien, et l’idée de chien et l’idée de renard se rejoignent, tandis que le chien gratte le sable comme un renard, et écoute, car il a enterré quelque chose, sa grand-mère.

    Tandis que les garçons jouent au hockey, Stephen va voir M. Deasy, le directeur de l’école, et celui-ci lui règle alors son salaire. Notez la façon admirablement détaillée dont Joyce décrit cette transaction :

    « Il tira de son veston un portefeuille fermé par une lanière de cuir. Et clac, le portefeuille ouvert, il y prit deux billets, l’un recollé dans sa moitié, les déposa soigneusement sur la table :

    — Deux, dit-il, rebouclant et faisant disparaître son portefeuille.

    « Ensuite, pour l’or, à son coffre-fort. Pour se donner une contenance, Stephen allongea la main vers les coquilles en tas dans le froid mortier de pierre : buccins et cauris et rhombes, et celle-ci, en spirales comme un turban d’émir, et celle-là, coquille Saint-Jacques. Collection d’un vieux pèlerin, trésor défunt, coques vides.

    « Un souverain tomba, neuf et brillant, sur l’épaisseur laineuse du tapis de table.

    — Trois, dit M. Deasy, jouant avec sa petite boîte à monnaie. C’est un objet à avoir, bien commode. Voyez. Ici pour les souverains. Ici pour les shillings, les six-pence, les demi-couronnes. Ici les couronnes, voyez.

    « Il fit sauter deux couronnes et deux shillings.

    — Trois livres et douze shillings, dit-il. Je pense que le compte y est.

    — Merci, monsieur, dit Stephen, ramassant l’argent avec une hâte mêlée de gêne, et mettant le tout dans une poche de son pantalon.

    — De rien, dit M. Deasy. C’est votre dû.

    « De nouveau libre, la main de Stephen revenait aux coques vides. Symboles aussi de beauté et de puissance. Une masse dans ma poche. Symboles souillés par la cupidité et l’avarice. »

    Vous remarquerez avec une petite pointe de plaisir la coquille Saint-Jacques, prototype de la petite madeleine de Proust.

    Deasy lui demande de se charger d’une lettre qu’il a tapée à la machine pour la faire publier dans le Télégramme du soir ; sentencieux philistin imbu de sa personne, assez voisin du M. Homais de Madame Bovary, M. Deasy consacre sa lettre à la pompeuse discussion d’une épizootie locale. Deasy est bourré de haineux clichés politiques et s’en prend, comme tout bon philistin, aux minorités. L’Angleterre, dit-il, est « aux mains des Juifs. […] Aussi vrai que nous sommes ici, le mercantilisme juif a commencé son œuvre de destruction ». Ce à quoi Stephen répond avec beaucoup de bon sens qu’un marchand est celui qui achète bon marché et revend cher, juif ou gentil : merveilleuse réponse assenée à l’antisémitisme bourgeois.

    a

    Notes de Michel Cusin et Pascal Bataillard

    1. Portrait de l’artiste en jeune homme, dans Œuvres, Bibl. de la Pléiade, t.I, p. 774.

    2. Odyssée, III, v. 122-25 (traduction de Victor Bérard, Bibl. de la Pléiade, 1955).

    3. Ibid., v. 116-117.

    4. Ces schémas furent d’abord confiés par Joyce aux traducteurs et commentateurs d’Ulysse pour les aider dans leur tâche, autant que pour souligner le sérieux de son entreprise littéraire. Voir p. 1221-1230.

    5. Voir à ce sujet les études indispensables de Jean-Michel Rabaté, Joyce, portrait de l’auteur en autre lecteur (Cistre, Petit-Roeulx, 1984) et Joyce Upon the Void (New York, St. Martin’s Press, 1991).

    6. Mentionnons ici Dégénérescence de Max Nordau (Entartung, 1892), point nodal d’un ressentiment contre l’art, forcément dégénéré dès qu’il dérange, et d’une haine qui n’avait pas dit son dernier mot en 1922.

    7. Voir l’ouvrage passionnant de Nicholas A. Miller, Modernism, Ireland and the Erotics of Memory (Cambridge University Press, 2002) et le motif des « histoires mortelles » instrumentalisées par le nationalisme irlandais.

    8. Métaphysique, I, II, 982a. Voir p. 78 et n. 7.

    9. Jacques Lacan, Écrits, Paris, Éd. du Seuil, 1966, p. 808.

    10. Voir p. 179 et n. 19.

    11. 11 Voir l’épisode XVI, « Eumée », p. 948 sq.

    III. PROTÉE

    Notice Gallimard (2013)

    C’est dans le chant IV de l’Odyssée que Télémaque, qui est venu rendre visite à Ménélas pour obtenir des nouvelles de son père, entend de la bouche du roi le récit de sa rencontre avec le dieu Protée. Dieu de la mer chargé de faire paître les animaux marins appartenant à Poséidon, Protée se tient habituellement dans l’île de Pharos, non loin de l’embouchure du Nil. Il a le don de prophétie, mais se refuse à révéler ses prédictions et se soustrait aux questionneurs grâce à son pouvoir de se métamorphoser, prenant toutes les formes qu’il désire. Ménélas va réussir à tenir le dieu solidement, de sorte que Protée finit par parler. Il apprend ainsi à Ménélas qu’Ulysse se morfond dans l’île où la nymphe Calypso le retient prisonnier.

    Après son entrevue avec Mr Deasy, Stephen s’est rendu de Dalkey à Sandymount, au sud de l’embouchure de la Liffey. Pour occuper le temps qui lui reste avant son rendez-vous avec Mulligan prévu pour midi et demi et auquel finalement il n’ira pas, il marche sur la plage, allant d’abord vers l’est, puis revenant sur ses pas en direction de l’ouest et de Dublin, retrouvant ainsi le double mouvement qui dans Dublinois faisait osciller les personnages entre le tropisme oriental, quête de régénération et d’expérience initiatique, et le retour vers l’ouest, en direction du déclin et de la mort.

    Dans « Protée », Stephen est confronté à une épreuve qui est celle de tout artiste. Il lui faut traverser un monde où tout fait signe et où le rôle de l’écrivain est d’interpréter la signatura remm de Jakob Boehme. Tant qu’il marche vers l’est, il avance vers les origines, qu’il s’agisse des catégories premières de la perception ou de la succession des naissances qui le fait remonter à la première femme et au premier homme. Mais dès qu’il se tourne vers l’ouest, il fait face à la mort et au désert de l’Irlande où les prétendants Haines et Mulligan attendent en embuscade dans la tour.

    Richard Ellmann1 a vu dans l’épisode une dialectique entre deux pôles : l’originel et le terminal. En effet, alors que « Télémaque » est sous le signe de la corruption de l’espace (la terre irlandaise occupée par les usurpateurs) et « Nestor » sous le signe de la corruption du temps (l’histoire), « Protée » est le moment où Stephen essaie de démêler, sans y parvenir, ce qui est corrompu de ce qui ne l’est pas, à la fois dans le temps et dans l’espace. Le grand mystère qu’explore Stephen dans l’épisode est la

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