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    les désirs, en deçà de tous les ratages et de tous les malentendus.

    Du monologue intérieur

    L’expression prête à confusion. Ce concept cher à l’histoire littéraire moderne postule une certaine transparence de la langue, et en dernier ressort une communication univoque entre le sujet et le monde extérieur. Et le fait est que James Joyce n’en a pas récusé l’emploi au sujet d’Ulysse, loin de là : il en fit une sorte de paradigme au moment où Valéry Larbaud, enthousiasmé par le livre et déjà intéressé par cette technique, qu’il allait utiliser dans « Amants, heureux amants » (1921) et « Mon plus secret conseil » (1923), la mit à profit dans sa campagne en faveur de son nouvel ami (c’était « une des sources formelles de Ulysses2 », disait-il). Il s’agissait d’inscrire celui-ci, honorablement, dans la tradition littéraire française : non seulement l’expression avait été créée par Paul Bourget dès 1893 dans Cosmopolis, mais Joyce lui-même affirma que la technique lui en avait été révélée par sa propre lecture, dès 1903, de Les lauriers sont coupés d’Édouard Dujardin (paru en 1887 dans sa Revue indépendante) – Dujardin, « l’annonciateur de la parole intérieure », auquel il dédicacera en ces termes un exemplaire d’Ulysse. Dès lors, Larbaud et Dujardin, de concert, firent tout pour établir la priorité de ce dernier. D’abord, dès 1925, par une réédition, préfacée par Larbaud, des Lauriers sont coupés, dûment revu, corrigé et orienté, puis, en 1931, avec l’essai de Dujardin, Le Monologue intérieur, son apparition, ses origines, sa place dans l’œuvre de James Joyce. Joyce ne fut jamais dupe de l’aspect à la fois intéressé et stratégique de cette campagne3, qui visera à le faire glisser de la Maison des Amis des Livres et Adrienne Monnier à la NRF4et au monde de l’Académie incarné par Louis Gillet.

    On sait, par le journal de Stanislaus, avec lequel il échangeait beaucoup en matière de littérature et d’esthétique, que ce frère, inspiré notamment par les Récits de Sébastopol de Tolstoï, s’était essayé à un monologue intérieur ; et sa bibliothèque de Trieste contenait Le lieutenant Gustel (1901) de Schnitzler, autre texte canonique. Le monologue intérieur ne fut qu’un moment, une rencontre, dans le parcours de l’artiste, dans la composition d’un texte en devenir plus que d’un roman concerté, mettant en scène des personnages construits, et impliqués dans une intrigue.

    Ce qui peut gêner le lecteur, c’est qu’à partir de l’épisode VII, « Éole », il entre dans un livre différent, qui à son tour prendra un autre visage avec l’épisode des « Rochers Errants », où le monologue intérieur se fragmente entre une série de personnages mineurs, puis éclate avec le « Cyclope », avant, pour l’essentiel dans la dernière année, que se développe tout un travail de remaniement, souvent rétrospectif, affectant peu ou prou la totalité des épisodes.

    Scansions

    Il y a donc un rapport de type expérimental, au sens du célèbre essai de Claude Bernard, entre l’auteur et sa création, rapport voué à affecter à son tour le lecteur, à le contraindre à s’impliquer dans une autre lecture. Oublier cet aspect évolutif, et surtout actif et critique, de la création de Joyce est passer à côté de ce qui fait l’originalité de sa recherche. L’épisode VII, « Éole », introduit le lecteur à ce qui peut lui paraître une œuvre différente, une œuvre qui devient, plus qu’un roman, un texte, dans l’acception canonique de ce vocable : un fragment d’écriture auquel il est redonné vie par une parole. Et d’abord une voix, témoignant d’une absence, autant que d’une présence, du sens.

    Tel est bien ce qui se passe avec « Éole », où des voix font intrusion dans le brouhaha déjà assez fourni des conversations de la salle de rédaction : la voix des réseaux de tramways, la voix des rotatives, la voix des intertitres des journaux, celle des moments d’éloquence rejoués. C’est ainsi que bat, en ses systoles et diastoles, « le cœur de la métropole hibernienne5 » : des voix qui ne se substituent pas toujours au monologue individuel, celui de Leopold Bloom au premier chef, mais s’y surajoutent et à l’occasion le complique. Dans la série d’épisodes qui suit, par exemple dans « Les Rochers Errants » et « Les Sirènes », Joyce joue avec le monologue intérieur. Dans le premier, il l’applique à d’autres personnages que Bloom et Stephen. Dans le second, le narrateur commence à introduire des passages antérieurs du récit (tirés par exemple des « Rochers Errants »). Il a également recours à diverse formes de parodies (dans « Nausicaa », dans « Le Cyclope », et bien sûr dans « Les Bœufs du Soleil »).

    Les quatre derniers épisodes, récapitulatifs lorsqu’ils ne sont pas encyclopédiques, écrits, travaillés dans l’imminence et l’urgence de la fabrication, sont les plus longs et les plus riches en échos des épisodes précédents. Ils justifient la proposition de Régis Salado de placer Ulysse à l’enseigne du monologue antérieur plutôt qu’intérieur6. On a pu dire qu’à la fin de l’épisode XV, « Circé », Joyce a incorporé tant de matériaux de ce type que « Ulysse lui-même est retourné comme un gant7 ». Cela au point que certains échos, reprises ou allusions défient la vraisemblance psychologique et renvoient, non à des personnages, mais à des fragments textuels devenus en quelque sorte autonomes.

    C’est bien pourquoi dans ces derniers épisodes est perceptible une recherche qui annonce clairement le travail dans lequel il va s’engager peu après la publication du livre, ce « work in progress » dont le titre n’apparaîtra qu’à sa publication en 1939 : Finnegans Wake. Il reste à tenter au moins de saisir d’où vient l’extraordinaire richesse de ces deux dernières œuvres, et le défi majeur qu’elles constituent pour la littérature et, sans doute, c’est du moins le sentiment de bien des artistes, pour toute création artistique.

    Animation : d’un corps mystique

    L’animation, cette donation d’une âme, faite de déplacements, de rencontres et de propos tenus, est ce qui donne vie au grand corps social. Un grand corps dont Joyce avait rencontré une sorte de préfiguration dans certaines créations mythiques de William Blake, œuvre qui avait été un objet d’admiration dans sa jeunesse, et mis en avant comme une référence majeure de l’histoire des lettres anglaises.

    Là encore un malentendu possible. L’intérêt pour le héros grec est dans la ligne de sa présence dans les textes ou dans les marges de la littérature occidentale, chez Dante, Shakespeare, et tant d’autres, ou, pour rester dans le monde anglophone, au XIXe siècle, chez Alfred Tennyson et dans sa postérité. Il est cependant significatif que les auteurs de certaines recensions aient une telle difficulté à situer l’œuvre de Joyce dans cette filiation, qu’ils préfèrent la passer sous silence8. L’auteur nous met sur une piste en parlant d’une vision « mystique » de l’Odyssée, propos qui évoque les interrogations courantes dans le monde culturel de la fin du siècle, avec la crise du roman naturaliste et celle, plus large, des valeurs symbolistes9.

    T.S. Eliot, dès la publication du livre, perçut quelque chose de cette ambition, lorsqu’il salua la « méthode mythique » de Joyce, destinée selon lui à se substituer à la « méthode narrative » : un progrès rendu possible, précise-t-il, par le développement des sciences humaines, notamment la psychologie et l’ethnologie10. Cette nouvelle procédure a « l’importance d’une découverte scientifique11 », et le poète, ici critique, place Joyce en parallèle avec Einstein, pour nous rappeler que le mythe vient toujours en lieu et place d’une faille irréductible d’un discours sur la vérité du monde et des êtres, et ouvre l’espace des lettres à un autre jeu du langage, celui de la poésie. Ici, la référence glissée par Joyce à un sentiment « mystique » inspiré par cette lecture conduit à nous interroger sur l’acte poétique ainsi programmé : ne portera-t-il pas avant tout sur l’acte d’énonciation, et l’expérience qui la fonde, plutôt que sur des énoncés, des thèmes reçus, d’un caractère prétendument « poétique » ?

    Quel petit fragment de vérité issu de cette expérience se trouvait occulté dans ce mythe aux couleurs de mysticisme ? Quelle recherche conduisit Joyce dans le parcours qui s’acheva tout juste à la publication du livre le 2 février 1922 ? Son insistance à publier ses œuvres le jour anniversaire de sa naissance confirme que le fil rouge autobiographique est toujours, chez lui, présent dans l’ordre de l’écriture, dont « l’épiphanie », la publication, est ainsi l’alpha et l’oméga. C’est éminemment le cas avec Ulysse : les biographes nous l’apprennent, le 16 juin 1904 est le jour du premier rendez-vous de James Joyce avec celle qui fut la compagne de son existence, Nora Barnacle. Dès ses premiers écrits autobiographiques il avait présenté son projet poétique comme visant à symboliser, ou plus exactement à sublimer « les deux éternités jumelles, celle de l’esprit et celle de la nature […] par les éternités jumelles masculine et féminine12 ». Deux « éternités jumelles » s’étaient rencontrées, et en quelque sorte vérifiées, autant qu’il était possible. On entend ici la voix d’un autre grand Moderne : « Elle est retrouvée. Quoi ? – L’Éternité. C’est la mer allée… », où s’écrit le sillage en retour du roi d’Ithaque, et ses retrouvailles, sinon avec La Femme, du moins, comme en transparence, au-delà du désir réalisé, avec les bords et abords de la jouissance.

    Un grand corps symbolique

    Cependant, en évoquant l’intrusion des sciences humaines dans la littérature, Eliot ne faisait qu’indiquer une voie nouvelle pour le récit, que Joyce parut cartographier en se plaisant à distiller auprès d’amis ou de critiques influents des schémas de correspondances, dans le dessein, certes, de piquer la curiosité, mais surtout de donner consistance à l’œuvre,

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