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    2. Ulysses
    3. Chapitre 146
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    ce qui se tramait et il en était juste à se demander quelle relation pouvait bien quand le marin, tout à trac, se tourna vers les autres occupants de l’abri avec cette remarque :

    — L’ai vu dégommer deux œufs posés sur des bouteilles à cinquante mètres en tirant par-dessus l’épaule. De la main gauche dans le mille.

    Bien que légèrement gêné à l’occasion par son bégaiement et malgré des gestes très approximatifs toujours est-il qu’il faisait de son mieux pour s’expliquer.

    — Les bouteilles là-bas, admettons. Cinquante mètres qu’on mesure. Les œufs sur les bouteilles. Arme son pétard au-dessus de l’épaule. Vise.

    Il tourna son corps d’un demi-tour, ferma l’œil droit complètement, puis grimaça pour ainsi dire de biais et fusilla l’obscurité du regard les traits figés dans une attitude inquiétante.

    — Boum ! cria-t-il une première fois.

    Le public tout entier attendait, suspendu à une détonation supplémentaire, étant donné qu’il subsistait un œuf.

    — Boum ! cria-t-il par deux fois.

    L’œuf numéro deux évidemment réduit à rien, il hocha la tête et fît un clin d’œil, ajoutant comme assoiffé de sang :

    — Buffalo Bill tire pour tuer,

    Rate jamais, évacuez !

    Un silence s’ensuivit rompu par M. Bloom qui, histoire de se montrer agréable, eut envie de lui demander si c’était pour un concours de tir comme le Bisley15.

    — Pardon, fit le marin.

    — Y’a longtemps ? poursuivit M. Bloom sans broncher d’un poil.

    — Eh ben, répondit le marin, rasséréné jusqu’à un certain point par la magique rencontre d’un des alter ego, il y a peut-être dix ans de ça. Il a fait une tournée mondiale avec le Cirque Royal de Hengler. L’ai vu faire ça à Stockholm.

    — Curieuse coïncidence, confia M. Bloom à Stephen subrepticement.

    — Murphy est mon nom, poursuivit le marin, D.B. Murphy, de Carrigaloe. Savez où c’est ?

    — Queenstown Harbour, répondit Stephen.

    — Exact, dit le marin. Le Fort Camden et le Fort Carlisle16. C’est là que j’ai pris mon sac. J’y sont chez moi. C’est là que j’ai pris mon sac. Ma petite femme elle est là-bas. Elle m’y attend, je le sais bien. Pour l’Angleterre, la famille et les belles. C’est ma légitime à moi que j’ai pas vue depuis sept ans maintenant, toujours à bourlinguer.

    M. Bloom n’eut aucun mal à se représenter son entrée en scène – le retour au bercail du marin vers sa cahute au bord du chemin qui a fait la nique au père Océan – une nuit pluvieuse de lune absente. Traversé le monde pour une épouse. Un tas d’histoires qu’il y a eu sur ce thème-ci d’Alice Ben Boit, Enoch Arden et Rip van Winkle et qui par ici se souvient de Caoch O’Leary et son biniou, morceau à déclamer très populaire et très émouvant, soit dit en passant, du pauvre John Casey17 et un pur moment de poésie à sa manière modeste. Jamais rien sur la femme qui s’était enfuie du domicile conjugal et y revient, quel que soit son attachement à l’absent. Visage collé à la fenêtre ! Jugez de sa stupeur quand ayant touché le fil d’arrivée l’horrible vérité se fait jour concernant sa moitié, naufragé de ses plus tendres sentiments. Tu ne t’attendais guère à me voir mais me voici et à jamais pour un nouveau départ. Regardez-la assise, veuve joyeuse, se chauffant à la même cheminée. Me croit mort. Doucement bercé au fond des mers18. Et là s’est installé l’oncle Chubb ou Tomkin, c’est selon, le patron du Crown and Anchor, en bras de chemise, avalant du rumsteak aux oignons. Pas de chaise pour papa. Ouhhhh ! Le vent ! Son rejeton tout frais arrivé est sur ses genoux, enfant post mortem. Oh, hisse, à l’ouvrage, de la dunette au gaillard d’avant, oh ! S’incliner devant l’inévitable. Contre mauvaise fortune. Je reste le même avec tout mon amour le cœur brisé ton mari, D.B. Murphy.

    Le marin, qui ne semblait guère être un résident de Dublin, se tourna vers l’un des cochers pour formuler cette demande :

    — Par hasard vous n’auriez pas quelque chose qui ressemble à une chique en rab ?

    Le cocher ainsi interpellé, ainsi qu’il se trouva, n’en avait pas mais le tenancier sortit un bout de carotte de sa veste des dimanches pendue à un clou et l’objet désiré passa de main en main.

    — Merci, dit le marin.

    Il se bourra la chique dans le gosier et, tout en mâchouillant, non sans quelques bégaiements prolongés, attaqua :

    — On accoste ce matin onze heures. Le trois-mâts Rosevean de Bridgwater chargé de briques. J’ai embarqué pour revenir. Payé dans l’après-midi. Tenez, mon congé. Voyez ? D.B. Murphy, Matelot breveté.

    Pour appuyer la susdite déclaration il extirpa d’une poche intérieure et tendit à ses voisins un document plié d’une netteté douteuse.

    — Vous avez dû voir un sacré morceau du monde, observa le tenancier, appuyé au comptoir.

    — Eh ben, répondit le marin, à la réflexion à la oui, j’ai circumnavigué un brin depuis la première fois que je suis monté à bord. J’ai été dans la mer Rouge. J’ai été en Chine, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud. Même qu’on a été pourchassés par les pirates une fois. Des icebergs j’en avons vu des tas, à la dérive. J’ai été à Stockholm et sur la mer Noire, les Dardanelles, sous les ordres du Capitaine Dalton le plus génial des enfoirés qu’a jamais sabordé un navire. J’avons vu la Russie. Gospodi pomilyou19. C’est comme ça que les Russes y prient.

    — Zavez vu de drôles de choses, y’a pas à dire, lança un cocher.

    — Eh ben, dit le marin, en faisant passer sa chique partiellement mâchée d’un bord à l’autre, j’ont vu des trucs drôlement bizarres, des hauts et des bas. J’avons vu un crocodile mordre une patte d’ancre comme moi je mords dans cette chique.

    Il sortit de sa bouche le morceau de tabac en pulpe et, se le collant entre les dents, le mordit sauvagement.

    — Et han ! Comme ça. Et j’avons vu des cannibales au Pérou qui se tapent les cadavres et le foie des chevaux. Tenez voir. Les voilà. Un pote qui me l’a envoyé.

    Il fouilla et sortit une carte postale couleur de sa poche intérieure, qui semblait être à sa manière une sorte d’entrepôt, et la fit glisser sur la table. Les caractères imprimés indiquaient : Choza de Indios. Beni, Bolivia20.

    Tous firent porter leur attention sur la scène exhibée, un groupe de sauvages des femmes en pagnes rayés, accroupies, clignant des yeux, allaitant, fronçant les sourcils, endormies, au milieu d’un grouillement d’enfants (il devait y en avoir des dizaines) devant des huttes primitives en osier.

    — Mastiquent de la coca à longueur de journée, ajouta le décidément très en verve loup de mer. Des estomacs comme des râpes à fromage. Se coupent les nichons quand elles peuvent plus avoir d’enfants. Matez-les un peu là assis les balloches à l’air en train de boulotter cru le foie d’un cheval crevé.

    Sa carte postale demeura le centre d’attraction de ces Messires les gogos pendant quelques minutes, sinon plus.

    — Savez pas comment les tenir à distance ? demanda-t-il à la cantonade.

    Personne n’osant avancer une hypothèse, il fit un clin d’œil et dit :

    — Le verre. Ça les embrouille. Le verre.

    M. Bloom, sans trahir davantage de surprise, sans ostentation retourna la carte pour examiner adresse et cachet de la poste partiellement effacés. On pouvait lire comme suit : Tarjeta Postal. Seno A. Boudin, Galeria Becche, Santiago, Chile. Il n’y avait aucun message comme de bien entendu, ainsi qu’il le nota tout particulièrement.

    Quoique n’ayant pas une foi implicite dans l’histoire haute en couleur juste narrée (pas plus que dans le canardage en règle des œufs d’ailleurs en dépit de Guillaume Tell et de l’incident Lazarillo-Don César de Bazan dépeint dans Maritana au cours duquel la balle du premier traverse le chapeau du second21), ayant détecté une discordance entre son nom (en admettant qu’il était bien la personne qu’il prétendait être et ne naviguait pas sous un pavillon d’emprunt après avoir appris l’aire des vents dans un coin tranquillos) et le destinataire fictif de la missive qui lui fit nourrir quelques soupçons quant à la bona fides22 de notre ami, néanmoins ceci lui ramena à l’esprit un projet longtemps caressé qu’il avait bien l’intention de mettre en œuvre un beau mercredi ou samedi de faire un voyage à Londres via le long de la côte ce qui ne signifie pas qu’il ait jamais été un grand voyageur sur une grande échelle mais il était au fond un aventurier-né quoique par un caprice du destin il eût été cloué pour de bon au plancher des vaches sauf vous diriez le trajet de Holyhead23 qui était son record. Martin Cunningham disait fréquemment qu’il lui dégoterait un laissez-passer par Egan mais quelque fichu accroc toujours éternellement surgissait et bilan des courses toute l’affaire tombait à l’eau. Mais même à supposer qu’il faille en venir à abouler le fric et filer une apoplexie à Boyd24 de la chambre des faillites ça ne coûtait pas si cher que ça, si les finances étaient à flots, quelques guinées tout au plus, considérant que le trajet pour Mullingar où il comptait aller s’élevait à cinq shillings six aller et retour. Le trajet serait du plus grand profit pour la santé en raison des vertus tonifiantes de l’ozone et offrirait à tous égards un plaisir sans réserve, tout spécialement pour un gars dont le foie est dérangé, voir les différents endroits jalonnant le trajet, Plymouth, Falmouth, Southampton et cœtera, et pour couronner le tout la visite guidée si instructive de tous les lieux remarquables de la grande métropole, le spectacle de notre Babylone des temps modernes où sans nul doute il pourrait observer les plus grandes améliorations, tour, abbaye,

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