▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!
  • Home
  • Tous les livres
    • Livres populaires
    • Livres tendance
  • BLOG
Recherche avancée
Sign in Sign up
  • Home
  • Tous les livres
    • Livres populaires
    • Livres tendance
  • BLOG
    Sign in Sign up
    1. Home
    2. Ulysses
    3. Chapitre 14
    Prev
    Next

    moment. Je n’ai plus qu’à recopier la fin.

    Il alla au bureau près de la fenêtre, rapprocha deux fois sa chaise et relut quelques mots de la feuille placée sur le rouleau de sa machine à écrire.

    — Asseyez-vous. Excusez-moi, dit-il en tournant la tête, les impératifs du bon sens. Juste un instant.

    De dessous ses sourcils broussailleux son regard allait au manuscrit placé près de lui, et tout en marmonnant, il commença d’enfoncer lentement les touches rigides du clavier, soufflant parfois lorsqu’il tournait le rouleau pour effacer une erreur.

    Stephen s’assit sans bruit devant la présence princière. Tout autour de la pièce des portraits encadrés de chevaux disparus rendaient hommage, portant haut leurs têtes dociles : Repuise à Lord Hasting, Shotover au duc de Westminster, Ceylon au duc de Beaufort, prix de Paris, 186647. Des cavaliers lutins les montaient, guettant un signe. Il estimait leurs vitesses, misant sur les couleurs du roi, et mêlait ses acclamations aux acclamations des foules disparues.

    — Point, commanda M. Deasy à ses touches. Seule une prompte mise en discussion de ce problème ultrimportant…

    Là où Cranly m’avait conduit pour faire rapide fortune, cherchant ses favoris entre les breaks éclaboussés de boue, parmi les braillements des books dans leurs stands et les odeurs de la buvette, et toute cette fange bariolée. Fair Rebel ! Fair Rebel ! À égalité, le favori ; à dix contre un les autres. Frôlant les joueurs de dés et les prestidigitateurs, nous nous précipitions derrière les sabots des chevaux, la mêlée des casquettes et des jaquettes, passant devant cette femme au visageviandeux, la bourgeoise d’un boucher, qui fourrait son museau assoiffé dans un quartier d’orange.

    De stridentes clameurs montèrent du terrain de jeu des élèves et un coup de sifflet à roulette.

    Encore : but. Je suis parmi eux, dans la mêlée de leurs corps bataillards, dans la joute de la vie. Il s’agit bien de ce chouchou à sa maman aux genoux cagneux qui a l’air d’avoir l’estomac un peu barbouillé ? Joutes. Le temps choqué rebondit, choc après choc. Joutes, boue et vacarme des batailles, les dégueulis des tués gelés dans la mort, un fracas de lances et de piques appâtées de boyaux humains sanguinolents.

    — Ça y est, dit M. Deasy, en se levant.

    Il s’approcha de la table, épinglant ses feuilles. Stephen se leva.

    — J’ai fait un condensé de mon sujet, dit M. Deasy. Il s’agit de la fièvre aphteuse ce mal du pied et du museau48. Jetez-y un coup d’œil. Il est impossible de voir la chose autrement.

    Puis-je empiéter sur vos précieuses colonnes. Cette doctrine du laissez-faire qui si souvent au cours de notre histoire. Notre commerce de bétail. Le sort de toutes nos industries traditionnelles. La clique de Liverpool qui sabota le projet du port de Galway49. La conflagration européenne. Les approvisionnements en céréales à travers le court espace du détroit. La ploutoparfaite imperturbabilité du ministère de l’agriculture. Qu’on me pardonne une allusion classique. Cassandre50. Par une femme qui ne valait pas mieux que sa réputation51. Pour en venir au point en discussion.

    — Je ne mâche pas mes mots, hein ? fit M. Deasy pendant que Stephen continuait sa lecture.

    Mal du pied et du museau. Connu sous le nom de préparation de Koch52. Sérum et virus. Pourcentage de chevaux immunisés. Rinderpest53. Chevaux de l’Empereur à Mürzsteg, basse Autriche. Vétérinaires. M. Henry Blackwood Price. Offre courtoise un essai loyal. Les impératifs du bon sens. Problème ultrimportant. Dans tous les sens du terme prendre le taureau par les cornes. Avec mes remerciements pour l’hospitalité de vos colonnes54.

    — Je tiens à ce que ceci soit imprimé et lu, dit M. Deasy. Vous verrez qu’à la prochaine alerte ils mettront l’embargo sur le bétail irlandais. Et c’est guérissable. On l’a guéri. Mon cousin, Blackwood Price, m’écrit qu’en Autriche des vétérinaires traitent et guérissent couramment cette maladie. Ils proposent de venir jusqu’ici. J’essaie de gagner du crédit au ministère. Maintenant je vais essayer la publicité. Je suis environné de difficultés, de… d’intrigues de… manœuvres sourdes de…

    Il leva l’index en l’air et l’agita vieillardement avant de parler.

    — Souvenez-vous de ce que je vous dis, monsieur Dedalus, fit-il. L’Angleterre est aux mains des juifs. Dans tous les postes les plus élevés : sa finance, sa presse. Et ils sont le signe de la décadence d’une nation. Partout où ils s’assemblent ils sucent la vitalité de la nation55. Voilà des années que je vois cela venir. Aussi vrai que nous sommes ici les marchands juifs ont commencé leur œuvre de destruction. La vieille Angleterre se meurt.

    Il s’éloigna de quelques pas rapides, et ses yeux s’animèrent d’azur en traversant un large rayon de soleil. Il fit demi-tour puis s’éloigna à nouveau.

    — Elle se meurt, dit-il, si elle n’est pas déjà morte.

    De ruelle en ruelle, de l’Irlande et l’Ulster

    Le cri de la catin tissera le suaire56

    Ses yeux écarquillés regardaient sévèrement par-delà le rayon de soleil dans lequel il s’était arrêté.

    — Un marchand, dit Stephen, c’est celui qui achète bon marché et revend cher, juif ou gentil, n’est-ce pas ?

    — Ils ont péché contre la lumière, dit M. Deasy gravement. Et vous pouvez voir les ténèbres dans leurs yeux. Et c’est pourquoi ils sont encore errants sur la terre de nos jours57.

    Sur les marches de la Bourse à Paris les hommes à la peau dorée chiffraient les cours de leurs doigts couverts de bagues. Jars jabotant. Ils fourmillaient dans le temple58, bruyants, grotesques, le cerveau manigançant à tout va sous le gauche haut-de-forme. Pas les leurs : ces vêtements, ce parler, ces gestes. Leurs grands yeux lents démentaient les mots, les gestes empressés et inoffensifs, mais ils savaient les rancunes amassées contre eux et savaient que leur zèle était vain. Vaine patience qui entasse et thésaurise. Le temps à coup sûr disperserait tout cela. Un trésor entassé au bord de la route : pillé et passant de mains en mains. Leurs yeux savaient les années d’errance et, patients, ils savaient les déshonneurs de leur sang.

    — Qui ne l’a fait ? dit Stephen.

    — Que voulez-vous dire ? demanda M. Deasy.

    Il fit un pas en avant et se trouva près de la table. Sa mâchoire inférieure béait un peu de côté perplexe. C’est donc ça l’antique sagesse ? Il attend une parole de moi.

    — L’histoire, dit Stephen, est un cauchemar dont j’essaie de m’éveiller59.

    Du terrain de jeu un grand cri s’éleva. Coup de sifflet à roulette : but. Et si ce cauchemar vous renvoyait un coup de pied en traître ?

    — Les voies du Créateur ne sont pas les nôtres, dit M. Deasy. Toute l’histoire humaine s’avance vers un seul et unique but, la manifestation de Dieu60.

    D’un coup de pouce Stephen montra la fenêtre, et dit :

    — C’est ça Dieu.

    Hourra ! Ouèèèè ! Youppiiiii !

    — Quoi donc ? demanda M. Deasy.

    — Un grand cri dans la rue61, répondit Stephen, en haussant les épaules.

    M. Deasy baissa les yeux et tint un instant les ailes de son nez pincées entre ses doigts. Puis il releva les yeux et libéra ses narines.

    — Je suis plus heureux que vous, dit-il. Nous avons commis bien des erreurs et bien des péchés. Une femme a introduit le péché en ce monde. Pour une femme qui ne valait pas mieux que sa réputation, Hélène, l’épouse fugitive de Ménélas, dix années les Grecs guerroyèrent devant Troie62. Une épouse infidèle fit débarquer l’étranger pour la première fois sur nos rivages, l’épouse de MacMurrough aidée de son galant O’Rourke, prince de Breffni63. C’est une femme aussi qui fit chuter Parnell64. Bien des erreurs, bien des manquements mais pas le péché des péchés. Je lutte encore à la fin de mes jours. Mais je combattrai pour le droit jusqu’au bout.

    Car l’Ulster combattra

    Et son droit l’emportera.

    Stephen éleva les feuillets qu’il tenait à la main.

    — Alors, monsieur, commença-t-il.

    — Je prévois, dit M. Deasy, que vous ne resterez pas longtemps ici à faire ce travail. Vous n’êtes pas fait pour enseigner à mon avis. Je me trompe peut-être.

    — Plutôt fait pour apprendre, dit Stephen.

    Et ici qu’apprendre de plus ?

    M. Deasy hocha la tête.

    — Qui sait ? dit-il. Pour apprendre il faut de l’humilité. Mais c’est la vie qui vous apprend le plus.

    Stephen fit de nouveau bruire les feuillets.

    — En ce qui concerne ceci, commença-t-il.

    — Oui, dit M. Deasy. Vous avez là deux copies. Si vous pouvez les faire paraître en même temps.

    Telegraph. Irish Homestead.

    — Je vais essayer, dit Stephen, et je vous le ferai savoir demain. Je connais un peu deux rédacteursenchef.

    — Ça fera l’affaire, dit vivement M. Deasy. J’ai écrit hier soir à M. Field, le député. Il y a aujourd’hui une réunion du syndicat des marchands de bestiaux au City Arms Hotel. Je lui ai demandé de présenter ma lettre au début de la réunion. De votre côté voyez si vous pouvez la faire passer dans vos deux journaux. Lesquels au fait ?

    — L’Evening Telegraph…

    — Ça fera l’affaire, dit M. Deasy. Il n’y a pas de temps à perdre. Maintenant il faut que je réponde à cette lettre de mon cousin.

    — Au revoir, monsieur, dit Stephen, en mettant les feuillets dans sa poche. Et merci.

    — De rien, dit M. Deasy qui fouillait dans les papiers sur son bureau. J’aime rompre une lance avec vous, tout vieux que je suis.

    — Au revoir, monsieur, répéta Stephen, en saluant son dos courbé.

    Il sortit par le porche ouvert et descendit l’allée de gravier sous les arbres, accompagné par les cris et le claquement des crosses venant du terrain de jeu. Les lions couchants des piliers tandis qu’il franchissait la grille : vieilles terreurs édentées. Toujours est-il que je vais l’aider dans son combat. Mulligan va m’affubler d’un nouveau surnom : le barde-bienfaiteur-des-bovins.

    — Monsieur Dedalus !

    Il court après moi. Pas une autre lettre,

    Prev
    Next

    YOU MAY ALSO LIKE

    Molly Bloom – James Joyce
    Molly Bloom
    August 17, 2020
    Portrait de l’artiste en jeune homme – James Joyce
    Portrait de l’artiste en jeune homme
    August 17, 2020
    Gens de Dublin – James Joyce
    Gens de Dublin
    August 17, 2020
    Brouillons d’un baiser – James Joyce
    Brouillons d’un baiser
    August 17, 2020
    Tags:
    Classique, Fiction, Littérature, Roman
    • Privacy Policy
    • ABOUT US
    • Contact Us
    • Copyright
    • DMCA Notice

    © 2020 Copyright par l'auteur des livres. Tous les droits sont réservés.

    Sign in

    Lost your password?

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!

    Sign Up

    Register For This Site.

    Log in | Lost your password?

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!

    Lost your password?

    Please enter your username or email address. You will receive a link to create a new password via email.

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!