acte terriblement bestial garçon boucher pollue dans foie de veau tiède ou omlet sur le ventre pièce de Shakespeare.
Bella
(Se tape sur le ventre et s’enfonce dans le canapé en riant aux éclats.) Une omelette sur le… Ho ! ho ! ho ! ho !… omelette sur le…
Stephen
(Avec minauderie.) Je vous aime, monsieur darling. Speak à vous langue anglaise pour double entente cordiale. Oh yes, mon loup. Howmuch coûte ? Waterloo. Watercloset. (Il s’arrête brutalement et lève un doigt en l’air.)
Bella
(En riant.) Omelette…
Les Prostituées
(En riant.) Bis ! Bis !
Stephen
Écoutez-moi bien. J’ai rêvé d’une pastèque.
Zoe
Voyage à l’étranger et aime une dame d’un autre pays.
Lynch
Le tour du monde pour trouver une épouse.
Florry
Les rêves vont par contraires.
Stephen
(Tend les bras.) C’était ici. Rue des catins. Dans Serpentine avenue Belzébuth me l’a montrée, une veuve fessue. Le tapis rouge n’a pas été déroulé ?
Bloom
(S’approchant de Stephen.) Écoutez…
Stephen
Non, prenais mon envol. Mes ennemis sous moi. Et ainsi à jamais dans tous les siècles des siècles. (Il crie.) Pater ! Libre !
Bloom
Dites, écoutez…
Stephen
Briser mon esprit, c’est ça qu’il veut ? Ô merde alors ! (Il crie, ses serres de vautour aiguisées.) Holà ! Houlaho !
(La voix de Simon Dedalus holahèle en réponse, un peu endonnie mais disponible.)
Simon
C’est très bien. (Il pique, mal assuré, dans l’air, tournoyant, poussant des cris d’encouragement, sur ses lourdes et puissantes ailes de buse.) Ho, mon gars ! Vas-tu gagner ? Oup ! Pschatt ! Créché avec ces caféaulait. Ne les voudrais pas à moins d’un braillement d’âne. Tête haute ! Que vole notre drapeau ! Un aigle gueules volant sur champ argent éployé152. Le roi d’armes d’Ulster ! Héoup ! (Il pousse le cri du bigle, donnant de la voix.) Bulbul ! Burblblburblbl ! Hé, mon gars !
(Le feuillage et les espaces de la tapisserie défilent rapidement à travers la campagne. Un gros renard153, tiré de son couvert, queue dressée, ayant enterré sa grand-mère, débouche rapidement en terrain dégagé, yeux brillants, cherchant la tanière du blaireau, sous les feuilles. La meute de chiens courant suit, nez au sol, reniflant leur proie, biglaboyant, burblblant vers la curée. Les chasseurs et chasseuses de la Ward Union ne les lâchent pas, acharnés à la tuerie. De Six Mile Point, de Flathouse, de Nine Mile Stone, viennent les gens à pied avec des gourdins noueux, des fourchàfoin, des gaffàsaumon, des lassos, maîtres de troupeau munis de fouets à moutons, meneurs d’ours avec des tamtams, toréadors avec des espadas, nègres blêmes agitant des flambeaux. Les hurlements de la foule de joueurs de dés, de joueurs de couronne et ancre, de joueurs de gobelets, de tricheurs aux cartes. Racoleurs et bonisseurs, bookmakers rauques coiffés de chapeaux pointus de magiciens hurlent à vous rendre sourd.)
La Foule
Bulletin des courses. Programme des courses !
À dix contre un les autres !
Tommy sur argile ici ! Tommy sur argile !
Dix contre un sauf un ! Dix contre un sauf un !
Tentez votre chance avec Jenny Roulette !
Dix contre un sauf un !
Vendez votre mise, les gars ! Vendez votre mise !
Je prends à dix contre un !
Dix contre un sauf un !
(Un cheval inconnu, sans cavalier, galope comme un spectre et brûle le poteau, sa crinière écumedelune, ses pupilles des étoiles154. Le reste suit, groupe de montures cabrées. Chevaux squelettes : Sceptre, Maximum le Second, Zinfandel, Shotover, du duc de Westminster, Repuise, Ceylon, du duc de Beaufort, prix de Paris155. Ils sont montés par des nains, armurouillées, bondissant, bondissant sur leur, sur leur selle. Dernier dans une bruine de pluie sur un bourrin Isabelle asthmatique, Cock of the North, le favori, Garrett Deasy, casquette miel, casaque verte, manches orange, serrant les rênes, une crosse de hockey à la main. Son bourrin trotte sur la route caillouteuse sur des pieds boiteux blancguêtrés.)
Les Loges Orangistes
(Avec ironie.) Descends donc et pousse, mon bonhomme. Dernier tour ! Tu seras rendu avant la nuit !
Garrett Deasy
(Tout droit sur sa selle, son visage griffé cataplasmé de timbresposte, brandit sa crosse de hockey, ses yeux bleus étincellent dans le prisme du lustre tandis que sa monture passe au pas de course en un galop d’école.)
Per vias rectas !
(Une palanche de seaux léopardent sur tout son corps et sur celui de son bourrin cabré un torrent de potage de mouton avec des écus virevoltants de carottes, d’orge, d’oignons, de navets, de pommes de terre.)
Les Loges Vertes
Pas trop humide, sir John ! Une journée pas trop humide, votre honneur !
(Soldat Carr, soldat Compton et Cissy Caffrey passent sous les fenêtres, chantant en discorde.)
Stephen
Écoutez ! Notre ami bruit dans la rue.
Zoe
(Lève une main.) Arrêtez !
Soldat Carr, Soldat Compton et Cissy Caffrey
J’aime pourtant une sorte de Saveur Yorkshire pour….
Zoe
Ça c’est moi. (Elle frappe dans ses mains.) Dansez ! Dansez ! (Elle court au pianola.) Qui a une pièce de deux pence ?
Bloom
Qui va… ?
Lynch
(Lui tendant des pièces.) Voilà.
Stephen
(Faisant craquer ses doigts d’impatience.) Vite ! Vite ! Où est ma baguette d’augure156 ?(Il se précipite vers le piano et prend sa frêne canne, tapant la mesure d’un tripudium157 sur son pied.)
Zoe
(Tourne la manivelle.) Voilà.
(Elle fait glisser deux pennies dans la fente. Des lumières dorées, roses et violettes jaillissent. Le cylindre tourne en ronronnant une lente valse hésitation. Le Professeur Goodwin, en perruque à catogan, en habits de cour, sous une cape d’Inverness tachée, plié en deux par une incroyable vieillesse, titube dans la pièce en agitant les mains. Il s’assied diminutivement sur le tabouret et soulève puis frappe les bâtons sans mains de ses bras sur le clavier, hochant la tête avec des grâces de damoiselle, secouant son catogan.)
Zoe
(Virevolte sur elle-même, frappant du talon.) Dansez !
Quelqu’un là-bas veut-il venir ici ? Qui vient danser ? Poussez la table.
(Le pianola avec éclairage changeant joue sur un temps de valse les premières mesures de Ma môme est une fille du Yorkshire. Stephen jette sa frênecanne sur la table et saisit Zoe par la taille. Florry et Bella poussent la table vers la cheminée. Stephen, enlaçant Zoe avec une grâce exagérée, commence à la faire valser dans la pièce. Bloom reste à l’écart. La manche de Zoe retombant de ses bras gracieusement levés révèle la fleur de chair blanche d’une vaccination. Entre les rideaux Professeur Maginni introduit une jambe sur la pointe du pied de laquelle toupie un haut-de-forme. D’un coup de pied habile il l’envoie virevolter sur son crâne et cavalièrementcoiffé entre d’un pas de patineur. Il porte une redingote ardoise à revers en soie bordeaux, une gorgerette de tulle crème, un gilet vert coupé bas, un col officier avec cravate blanche, pantalon moulant lavande, escarpins vernis et gants jaune canari. À sa boutonnière il a mis un immense dahlia. Il fait tournoyer dans les deux sens une canne ondée, puis l’enfonce fermement sous son aisselle. Il pose une main légère sur son bréchet, s’incline, et flatte sa fleur et ses boutons.)
Maginni
La poésie du mouvement, art de la callisthénie. Rien de commun avec celle de Legget Byrne ou de Levenston. Organisation de bals costumés. Leçons de maintien. Le pas de Katty Lanner. Donc. Observez-moi ! Mes dons terpsichoréens. (Il minuette trois pas en avant sur de vives pattes d’abeille.) Tout le monde en avant ! Révérence ! Tout le monde en place !
(Le prélude se termine. Le Professeur Goodwin, battant vaguement des bras, se ratatine, coule, sa cape encore vivante recouvre le tabouret. L’air en une mesure de valse plus ferme retentit. Stephen et Zoe tournoient sans entraves. Les lumières changent, luisent, s’éteignent rosées dorées violettes.)
Le Pianola
Deux jeunes gens parlaient de leurs amies, amies, amies,
Leurs bien-aimées restées au pays……
(Les heures matinales158 accourent depuis un coin de la pièce, sandalégères, en bleu layette, tailledeguêpe, avec des mains innocentes. Lestement elles dansent, faisant tourner leurs cordes à sauter. Les heures méridiennes les suivent en or ambré. Riant, se tenant par la main, grands peignes étincelants, elles captent le soleil dans des miroirs moqueurs, levant les bras.)
Maginni
(Clipclappe ses mains gantsilencieuses.) Carré ! Avant deux ! Respirations régulières ! Balancé !
(Les heures matinales et méridiennes valsent sur place, tournant, avançant les unes vers les autres, dessinant leurs courbes, s’inclinant visàvis. Des cavaliers derrière elles se cambrent et suspendent leurs bras, mains descendant jusqu’à leurs épaules, les touchant, s’en élevant.)
Heures
Vous pouvez toucher mon.
Cavaliers
Puis-je toucher votre ?
Heures
Oh, mais légèrement !
Cavaliers
Oh, si légèrement !
Le Pianola
Ma petite timide petite amie a une taille.
(Zoe et Stephen tournoient hardiment selon un rythme plus lâche. Les heures crépusculaires s’avancent depuis les longues ombresdeterre, dispersées, traînant, œilanguide, leurs joues délicates de cipria et d’une légère pruine artificielle. Elles sont vêtues de gaze grise avec de larges manches chauvesouris qui volettent dans la brise de terre.)
Maginni
Avant huit ! Traversé ! Salut ! Cours de mains ! Croisé !
(Les heures nocturnes, l’une après l’autre, se glissent à la dernière place. Les heures matinales, méridiennes et crépusculaires battent en retraite devant elles. Elles sont masquées, la chevelure daguée et portent des bracelets de grelots assourdis. Lasses elles chassécroisent sous leurs voiles.)
Les Bracelets
Hé-las ! Hé-las !
Zoe
(Pirouettant, une main sur son front.) Oh !
Maginni
Les tiroirs ! Chaîne de dames ! La corbeille ! Dos à dos !
(Arabesquant avec lassitude elles tissent un dessin sur le sol, nouant, dénouant, s’incliant, pirouettant, tournoyant simplement.)
Zoe
J’ai le vertige !
(Elle se dégage, se laisse tomber sur une chaise. Stephen saisit Florry et tourne avec elle.)
Maginni
Boulangère ! Les ronds ! Les ponts ! Chevaux de bois !
Escargots !
(S’entrelaçant, reculant, mains alternantes, les heures nocturnes relient chaque à chacune bras cambrés en une mosaïque de mouvements. Stephen et Florry tournent lourdement.)
Maginni
Dansez avec vos dames ! Changez de dames ! Donnez le petit bouquet à votre dame ! Remerciez !
Le Pianola
Meilleure, meilleure de toutes,
Baraaboum !
Kitty
(Se lève d’un bond.) Oh, c’est ce qu’ils jouaient sur les chevaux de bois à la vente de charité