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    2. Ulysses
    3. Chapitre 12
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    les mains jointes devant lui, dit solennellement :

    — Celui qui vole le pauvre prête au Seigneur97. Ainsi parlait Zarathoustra.

    Son corps dodu plongea.

    — Nous vous reverrons, dit Haines, se tournant au moment où Stephen s’engageait sur le sentier, et adressant un sourire à ce spécimen de sauvage irlandais.

    Corne de taureau, sabot de cheval, sourire de Saxon98.

    — Au Ship, s’écria Buck Mulligan. Midi et demi.

    — Bien, dit Stephen.

    Il suivit le sentier à la courbe ascendante.

    Liliata rutilantium

    Turma circumdet

    Iubilantium te virginum

    Le nimbe gris du prêtre dans une niche où il se rhabillait discrètement. Je ne dormirai pas ici cette nuit. À la maison non plus je ne peux pas aller.

    Une voix aux douces inflexions soutenues l’appela, venant de la mer. S’engageant dans la courbe il fit signe de la main. Elle appela à nouveau. Une tête marron, lisse, celle d’un phoque99, loin sur les eaux, ronde.

    Usurpateur100.

    a

    V

    ous, Cochrane, quelle cité fit appel à lui ?

    — Tarente1, monsieur.

    — Très bien. Et alors ?

    — Il y a eu une bataille, monsieur.

    — Très bien. Où ça ?

    Le visage vide du petit garçon interrogea la fenêtre vide.

    Fabulation des filles de la mémoire2. Et pourtant d’une certaine façon cela fut même si cela ne fut pas tel que la mémoire l’a fabulé. Une expression, alors, d’impatience, bruit sourd des ailes de l’outrance, Blake. J’entends s’effondrer l’espace, verre fracassé et maçonnerie croulante3, et le temps n’est plus qu’un ultime flamboiement blafard. Que nous reste-t-il donc ?

    — J’ai oublié l’endroit, monsieur. 279 avant Jésus-Christ.

    — Asculum, dit Stephen, regardant furtivement nom et date dans le livre balafré de sang.

    — Oui, monsieur. Et il a dit : Encore une victoire comme celle-là et nous sommes fichus.

    Cette phrase le monde s’en était souvenu. Triste consolation de l’esprit. D’une colline dominant la plaine jonchée de cadavres un général parlant à ses officiers, appuyé sur sa lance. Un général lambda s’adressant à des officiers lambda. Ils prêtent l’oreille.

    — Vous, Armstrong, dit Stephen. Quelle fut la fin de Pyrrhus ?

    — La fin de Pyrrhus, monsieur ?

    — Moi je sais, monsieur. Interrogez-moi, monsieur, dit Comyn.

    — Attendez. Vous, Armstrong. Savez-vous quelque chose de Pyrrhus ?

    Un sachet de fourrés aux figues se terrait douillettement dans le cartable d’Armstrong. Il en palpait dans ses paumes de temps en temps et les avalait sans bruit. Des miettes restaient collées à la pulpe de ses lèvres. L’haleine sucrée d’un petit garçon. Une famille assez-riche, fière que le fils aîné soit dans la marine. Rue Vico, Dalkey4.

    — Pyrrhus, monsieur ? Pyrrhus, pire, tomber de môle en pire.

    Rire général. Rire sans gaieté strident et malicieux. Armstrong se retourna vers ses camarades, le profil sottement hilare. Dans un instant ils vont rire encore plus fort, conscients de mon manque d’autorité et des frais de scolarité que paient leurs papas.

    — Dites-moi donc, dit Stephen, touchant de son livre l’épaule du jeune garçon, ce que c’est qu’un môle.

    — Un môle, monsieur, dit Armstrong. Une chose qui avance dans les vagues. Une sorte de pont. Le môle de Kingstown, monsieur5.

    Quelques-uns rirent à nouveau : rire sans gaieté mais significatif. Dans le dernier banc deux d’entre eux chuchotaient. Oui. Ils savaient : sans avoir jamais appris ni avoir jamais été innocents. Tous savaient. Ils les enviaient en regardant leurs visages : Edith, Ethel, Gerty, Lily6. Leurs pareilles ; leurs haleines, sucrées elles aussi par le thé et les confitures, leurs bracelets tintinnabulant sottement lorsqu’elles se débattent.

    — Le môle de Kingstown, dit Stephen. Oui, un pont avorté.

    Ces mots jetèrent le trouble dans leurs yeux.

    — Comment ça, monsieur ? demanda Comyn. Un pont c’est par-dessus une rivière.

    À garder pour Haines et son recueil de bons mots. Personne ici qui puisse comprendre. Ce soir adroitement au milieu des beuveries et des propos d’ivrognes, pour percer l’armure bien polie de son intellect. Mais alors quoi ? Un bouffon à la cour de son maître, toléré et méprisé, gagnant les éloges d’un maître indulgent. Pourquoi avaient-ils tous choisi ce rôle ? Pas seulement pour les douces caresses. Pour eux aussi l’histoire était un conte comme tant d’autres trop souvent ressassés, et leur pays un mont-de-piété.

    Si Pyrrhus n’était pas tombé dans Argos sous les coups d’une mégère ou si Jules César n’était pas mort poignardé. La pensée ne peut les congédier7. Le temps les a marqués de son fer rouge et les a enchaînés dans la chambre des possibilités infinies qu’ils ont exclues8. Mais étaient-elles possibles ces possibilités-là puisqu’elles n’ont jamais existé ? Ou bien la seule possibilité fut-elle celle qui arriva ? Tisse, tisseur de vent9.

    — Racontez-nous une histoire, monsieur.

    — Oh, oui, monsieur. Une histoire de fantômes.

    — Où en êtes-vous ici ? demanda Stephen, ouvrant un autre livre.

    — Ne pleurez plus, dit Comyn.

    — Alors allez-y, Talbot.

    — Et l’histoire, monsieur ?

    — Après, dit Stephen. Allez-y, Talbot.

    Un gamin noiraud ouvrit un livre et le cala prestement à l’abri du parapet de son cartable. Il se mit à réciter des vers par saccades en louchant de temps en temps sur le texte :

    — Ne pleurez plus, dolents bergers, ne pleurez plus,

    Il n’est pas mort, ce Lycidas qui vous fait deuil,

    Bien qu’il ait fait naufrage au plus profond des eaux10…

    Ce doit donc être un mouvement, l’actualisation du possible en tant que possible. La phrase d’Aristote prenait corps parmi les vers bredouilles et s’en allait flottant dans le studieux silence de la bibliothèque Sainte-Geneviève où il avait lu, a l’abri du péché parisien, nuit après nuit. À ses côtés, un Siamois chétif potassait un manuel de stratégie. Des cerveaux nourris et se nourrissant autour de moi : sous les lampes à incandescence, épinglés, leurs antennes faiblement palpitantes : et dans les ténèbres de mon esprit un paresseux du monde souterrain, apeuré, évitant la clarté, remuant ses plis écailleux de dragon11. La pensée est la pensée de la pensée. Clarté tranquille. L’âme est d’une certaine manière tout ce qui est : l’âme est la forme des formes. Tranquillité soudaine, vaste, éblouissante : forme des formes.

    Talbot répétait :

    — Le pouvoir de Celui qui marcha sur les flots,

    Le pouvoir de Celui…

    — Tournez la page, dit Stephen paisiblement. Je ne vois rien.

    — Quoi, monsieur ? demanda simplement Talbot, penché en avant.

    Sa main tourna la page. Il se redressa et reprit de nouveau, ça lui était juste revenu. De celui qui marcha sur les flots. Ici aussi sur ces cœurs lâches son ombre s’étend et sur le cœur et sur les lèvres de celui qui le bafoue et sur les miennes. Elle s’étend sur les visages tendus de ceux qui lui présentèrent une pièce du tribut. À César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu. Un long regard de ces yeux sombres, une phrase énigmatique à tisser et à retisser sur les métiers de l’église. En vérité.

    Devinez, devinez, devinez

    Mon père m’a donné graines à semer.

    Talbot glissa son livre fermé dans son cartable.

    — Ai-je interrogé tout le monde ? demanda Stephen.

    — Oui, monsieur. Hockey à dix heures, monsieur.

    — Demi-jour de congé, monsieur. Jeudi.

    — Qui peut répondre à une devinette ? demanda Stephen.

    Ils rangeaient leurs livres en vrac, bruit de crayons claqués, de feuilles froissées. Serrés les uns contre les autres ils bouclaient la courroie de leurs cartables, caquetant tous gaiement :

    — Une devinette, monsieur. Posez-la-moi, monsieur.

    — Oh, à moi, monsieur.

    — Une difficile, monsieur.

    — Voici la devinette, dit Stephen :

    Le coq chantait,

    Le ciel était bleu

    Les cloches dans les deux

    Les onze coups sonnaient.

    L’heure pour cette pauvre âme

    De s’en aller aux deux.

    Qu’est-ce que c’est ?

    — Quoi, monsieur ?

    — Encore, monsieur. On n’a pas entendu.

    Leurs yeux s’ouvraient plus grands en écoutant une seconde fois les vers. Après un silence Cochrane dit :

    — Qu’est-ce que c’est, monsieur ? Nous donnons notre langue au chat.

    Stephen, un picotement dans la gorge, répondit :

    — Le renard qui enterre sa grand-mère sous un buissondehoux12.

    Il se leva et éclata nerveusement de rire à quoi firent écho leurs cris scandalisés.

    Une crosse heurta la porte et une voix appela dans le corridor :

    — Hockey !

    Ils se dispersèrent, se coulant hors de leurs bancs, sautant par dessus. Promptement ils disparurent et on entendit venant du cagibi le raclement des crosses et le vacarme de leurs chaussures et de leurs voix.

    Sargent qui seul s’était attardé s’avança lentement, montrant son cahier ouvert. Ses cheveux emmêlés et son cou de poulet trahissaient l’embarras et à travers ses lunettes embuées il levait des yeux myopes et implorants. Sur sa joue, terne et exsangue, une tache d’encre en forme de datte s’étalait, molle et humide comme la bave fraîche d’un limaçon.

    Il tendit son cahier. Le mot Sommes13 était écrit en tête. Au-dessous des chiffres inclinés et au bas une signature tortueuse aux boucles illisibles et un pâté. Cyril Sargent : son nom et son cachet.

    — M. Deasy m’a dit de tout recommencer, et de vous le montrer, monsieur.

    Stephen effleura les bords du cahier. Insignifiance.

    — Avez-vous compris maintenant comment il faut les faire ? demanda-t-il.

    — Du numéro onze au numéro quinze, répondit Sargent. M. Deasy14 a dit que je devais recopier celles du tableau.

    — Savez-vous les faire tout seul ? demanda Stephen.

    — Non, monsieur.

    Laid et insignifiant : cou maigre et cheveux broussailleux et une tache d’encre, la bave d’un limaçon. Pourtant quelqu’un l’avait aimé, l’avait porté dans ses bras et dans son cœur. Sans elle, le monde dans sa course l’aurait foulé aux pieds, flasque limaçon écrabouillé. Elle avait aimé ce sang pauvre et aqueux tiré du sien. Cela, c’était donc réel ? La seule chose sûre en ce monde ? Le corps prostré de sa mère le bouillant Colomban15 dans son saint zèle enjamba. Elle n’était plus : le squelette tremblant d’une brindille brûlée au feu, une odeur de bois de rose et de cendres mouillées. Elle l’avait empêché d’être foulé aux pieds puis elle s’en était allée, ayant à

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