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    2. Portrait de l'artiste en jeune homme
    3. Chapitre 61
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    son enfant dans le Nil. (Encore l’histoire de la mère.) Un crocodile saisit l’enfant. La mère le réclame. Le crocodile consent, à condition qu’elle devine ce qu’il va faire : manger l’enfant, ou ne pas le manger322.

    Cette mentalité, dirait Lepidus, est en vérité issue de votre boue par l’opération de votre soleil323.

    Et la mienne ? Ne l’est-elle pas aussi ? Alors, flanquons-la dans la boue du Nil !

    1er avril – Désapprouve cette dernière phrase.

    2 avril – Je l’ai vue en train de prendre le thé et de manger des gâteaux chez Johnston, Mooney et O’Brien324. Ou plutôt c’est Lynch aux yeux de lynx qui l’a vue, comme nous passions. Il m’a dit que Cranly y avait été invité par le frère. Avait-il apporté son crocodile ? Est-ce lui, l’astre actuel ? Eh bien, c’est moi qui l’ai découvert. J’affirme que c’est moi. Il brillait tranquillement derrière un boisseau de son au Wicklow.

    3 avril – Rencontré Davin chez le marchand de cigares en face de l’église de Findlater325. Il avait un maillot noir et un bâton de hurley. M’a demandé si c’est vrai que je m’en vais et pourquoi. Lui ai dit que le plus court chemin pour Tara326 passe par Holyhead327. À ce moment même mon père survint. Présentation. Père poli et scrutateur. Demanda à Davin s’il pouvait lui offrir un rafraîchissement. Davin ne put accepter ; allait à une réunion. Au retour, père me dit qu’il avait un regard brave et honnête. Me demanda pourquoi je ne faisais pas partie d’un club nautique. J’ai fait semblant d’y réfléchir. Me dit ensuite comment il avait brisé le cœur de Pennyfeather dans une course328. Désire me voir étudier le droit. Dit que cela m’irait comme un gant. Encore de la boue, encore des crocodiles.

    5 avril – Printemps sauvage. Nuages fuyants. Ô vie ! Noir torrent tourbillonnant d’eau bourbeuse, sur laquelle des pommiers ont laissé choir leurs fleurs délicates. Yeux de jeunes filles dans les feuillages. Jeunes filles modestes et turbulentes. Toutes blondes ou châtaines : pas de brunes. Elles rougissent mieux. Houp-là !

    6 avril. – Il est certain qu’elle se souvient du passé. Lynch dit que toutes les femmes sont ainsi. Donc elle se rappelle le temps de son enfance, – et de la mienne, si tant est que j’aie jamais été enfant. Le passé se consume dans le présent, et le présent ne vit que parce qu’il donne naissance à l’avenir. Les statues de femmes, si Lynch a raison, devraient toujours être entièrement voilées, la main de la femme palpant avec regret sa propre partie postérieure.

    6 avril, plus tard. – Michael Robartes se rappelle la beauté oubliée et lorsque ses bras l’enveloppent, il presse dans ses bras une splendeur depuis longtemps évanouie du monde329. Ce n’est pas cela. Pas cela du tout. Je désire presser dans mes bras la beauté qui n’a pas encore paru au monde.

    10 avril. – À peine distinct, sous la nuit lourde, à travers le silence de la cité qui, après avoir rêvé, tombe dans un sommeil sans rêves, tel un amant rassasié que nulle caresse n’émeut, le son des sabots d’un cheval sur la route. Plus distinct maintenant à mesure qu’ils se rapprochent du pont ; puis, bientôt, à l’instant où ils passent devant les fenêtres obscurcies, leur alarme, comme une flèche, fend le silence. Maintenant on les entend au loin, sabots qui brillent comme des gemmes dans la nuit lourde, se hâtant par-delà les campagnes endormies, – vers quel terme de leur course ? Vers quel cœur ? Portant quel message330 ?

    11 avril. – Relu ce que j’avais écrit hier soir. Mots vagues pour traduire une émotion vague. Aimerait-elle cela ? Je crois que oui. En ce cas, je serais obligé d’aimer cela, moi aussi.

    13 avril. – Ce « verseur » ma longtemps tourmenté l’esprit. J’ai cherché ce mot, j’ai trouvé qu’il était bien anglais, du bon vieil anglais net et franc331. Au diable le doyen des études et son entonnoir. Est-ce qu’il vient ici pour nous apprendre sa langue ou pour l’apprendre de nous ? Que ce soit l’un ou l’autre, il peut aller au diable.

    14 avril. – John Alphonsus Mulrennan est de retour après un voyage dans l’Ouest de l’Irlande. (Prière d’insérer dans les journaux d’Europe et d’Asie.) Il nous a raconté qu’il a rencontré là-bas un vieillard dans une cabane de la montagne. Vieillard avait des yeux rouges et une courte pipe. Vieillard parlait en irlandais. Mulrennan parla en irlandais. Puis Vieillard et Mulrennan parlèrent en anglais. Mulrennan lui parla de l’univers et des étoiles. Vieillard était assis, écoutait, fumait, crachait ; puis il dit :

    « Ah, il doit bien y en avoir, des drôles de créatures à l’autre bout du monde332 ! »

    J’ai peur de lui. Peur de ses yeux pareils à de la corne et bordés de rouge. C’est contre lui que je dois me débattre tout le long de cette nuit, jusqu’à ce que vienne le jour, jusqu’à ce que l’un de nous tombe mort, lui ou moi, empoignant sa gorge noueuse jusqu’à ce que… Jusqu’à ce que quoi ? Jusqu’à ce qu’il me cède ? Non. Je ne lui veux aucun mal.

    15 avril. – L’ai rencontrée aujourd’hui, à l’improviste, Grafton Street. La foule nous avait poussés l’un vers l’autre. Nous nous arrêtâmes tous deux. Elle me demanda pourquoi je ne venais plus jamais, me dit qu’elle avait entendu toutes sortes d’histoires sur mon compte. Ce n’était que pour gagner du temps. Elle me demanda si j’écrivais des poèmes. Sur qui ? lui dis-je. Cela ne fit que la troubler davantage, je m’en voulais, je me méprisais. Refermé immédiatement cette soupape et mis en œuvre l’appareil réfrigérant spirituo-héroïque, inventé et patenté dans tous les pays par Dante Alighieri. Parlé avec vélocité de moi-même et de mes projets. Au beau milieu de ce discours, j’ai fait malencontreusement un brusque geste d’un caractère révolutionnaire. J’ai dû avoir l’air d’un individu qui lance une poignée de petits pois dans l’espace. Les gens commençaient à nous regarder. Bientôt, elle me serra la main et dit en me quittant qu’elle espérait bien que je ferais ce que j’avais dit.

    Eh bien, je trouve cela vraiment amical ; n’est-ce pas ?

    Oui, elle m’a plu aujourd’hui. Un peu ou beaucoup ? Sais pas. Elle m’a plu, et cela m’est un sentiment tout nouveau. Alors, dans ce cas, tout le reste, tout ce que je pensais penser, et tout ce que je sentais sentir, tout le reste avant ce jour, en réalité… Oh ! laisse tomber, mon vieux ! Couche-toi là-dessus et dors !

    16 avril. – Au large ! Au large333 !

    Sortilège des bras et des voix : bras blancs des routes, leurs promesses d’étreintes serrées, bras noirs de hauts navires dressés en défi vers la lune, leurs histoires de nations lointaines. Bras tendus pour dire : Nous sommes seuls. Viens ! Et les voix disent en même temps : Nous sommes de ton sang. Et l’air est tout plein de leur présence, tandis qu’ils m’appellent, moi l’un des leurs, et s’apprêtent à partir, secouant les ailes de leur exultante et terrible jeunesse334.

    26 avril. – Mère met en état mes nouveaux vêtements achetés d’occasion. Elle prie à présent, me dit-elle, pour que j’apprenne par ma propre existence, loin de ma famille et de mes amis, ce que c’est que le cœur et ce qu’il ressent. Amen. Ainsi soit-il. Bienvenue, ô vie335 ! Je pars, pour la millionième fois, rencontrer la réalité de l’expérience et façonner dans la forge de mon âme la conscience incréée de ma race336.

    27 avril – Antique père, antique artisan, assiste-moi maintenant et à jamais337.

    Dublin, 1904.

    Trieste, 1914.

    DOSSIER

    BIOGRAPHIE

    1882-1941

    Nous ne fournissons ici que des indications sommaires. Pour une plus ample information, on pourra se reporter aux ouvrages suivants :

    Richard Ellmann, James Joyce, nouvelle édition revue et augmentée, traduite de l’anglais par André Cœuroy et Marie Tadié, Gallimard, Tel, 2 vol., 1987 (édition originale en anglais 1959).

    Stanislaus Joyce, Le Gardien de mon frère, traduit de l’anglais par Anne Grieve, avec une préface de T. S. Eliot et une introduction de Richard Ellmann, Gallimard, 1966 (édition originale en anglais : 1958).

    Constantine Curran, James Joyce Remembered, Oxford University Press, 1968.

    John Francis Byrne, Silent Years : An Autobiography, with Memoirs of James Joyce and Our Ireland, New York, Farrar, Straus and Young, 1953.

    1882 2 février : Naissance de James Augustine Joyce à Rathgar, banlieue aisée de Dublin. Il sera l’aîné d’une famille fort nombreuse.

    1888 James entre comme pensionnaire à Clongowes Wood College, dirigé par les jésuites. Il y restera jusqu’en 1891.

    1893 James est inscrit à Belvedere College, Dublin, établissement scolaire jésuite. Sa famille commence à souffrir d’une situation financière difficile.

    1894 Premiers succès scolaires, qui se répéteront les années suivantes et seront marqués par des prix assez prestigieux.

    1895 7 décembre : James Joyce est admis dans la Soaality of the Blessed Virgin Mary (la Confrérie de la Vierge), dont il deviendra le préfet l’année suivante.

    1896 Premières expériences sexuelles. Le 30 novembre, début d’une retraite dont le souvenir marquera le Portrait. Il compose une série de sketches en prose, Silhouettes, et une série de poèmes, Moods.

    1897 Il lit avec enthousiasme les œuvres de George Meredith, Thomas Hardy, et surtout Henrik Ibsen. Edward Martyn, George Moore et W. B. Yeats se concertent pour fonder un Théâtre Irlandais.

    1898 James Joyce renonce à son projet d’entrer dans les ordres. En janvier, il monte au College la pièce de F. Anstey, Vice-Versa. En septembre, il entre à University College, Dublin, dirigé par les jésuites, pour y étudier les lettres anglaises, françaises et italiennes. Il lit Cavalcanti, Dante, D’Annunzio, mais également Giordano Bruno.

    1899 18 février : Il est élu au bureau de la Société littéraire et historique

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    Tags:
    Classique, Fiction, Littérature, Roman
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