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    2. Portrait de l'artiste en jeune homme
    3. Chapitre 5
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    mit à diagnostiquer avec hauteur le mal dont souffraient les plus jeunes. Son jugement fut exquis, calculé, tranchant ; sa sentence, sculpturale. Ces jeunes gens voyaient dans la mort soudaine d’un terne romancier français la main d’Emmanuel Dieu sur nous12 ; ils admiraient Gladstone13, la science physique et les tragédies de Shakespeare ; et ils croyaient que l’enseignement catholique devait être ajusté aux besoins quotidiens, ils croyaient en l’Église diplomatique14. Et entre eux et dans leurs rapports avec leurs supérieurs, ils faisaient montre d’un libéralisme craintif et (chaque fois qu’il s’agissait d’autorité) très anglais15. Il remarquait l’attitude mi-admirative, mi-réprobatrice, d’une classe implicitement vouée aux abstinences, envers d’autres hommes parmi lesquels (selon la rumeur publique) la débauche n’était pas chose inconnue16. Bien que l’union de la foi et de la patrie fut toujours sacrée dans ce monde d’enthousiasmes faciles à enflammer, deux vers de Davis17, accusant les tempéraments les moins dociles, ne manquaient jamais d’être applaudis, et la mémoire de McManus n’était guère moins vénérée que celle du cardinal Cullen18. Ils avaient bien des raisons de respecter l’autorité ; et même si un étudiant se voyait interdire d’assister à Othello (« Il y a quelques expressions grossières dans cette œuvre », lui disait-on), n’était-ce pas une croix bien légère à porter19 ? N’était-ce pas plutôt un témoignage de sollicitude et d’intérêt vigilants, et n’étaient-ils pas certains qu’au cours de leur existence future cette sollicitude persisterait, cet intérêt se maintiendrait ? L’exercice de l’autorité pouvait être parfois (rarement) contestable, son intention, jamais. Qui donc, par conséquent, était plus disposé que ces jeunes gens à saluer avec gratitude les saillies de quelque professeur jovial ou les manières bourrues de quelque portier, qui donc était plus soucieux d’entourer de toutes sortes de tendres soins, et de rehausser en personne, l’honneur de l’Alma Mater ? Il était quant à lui à l’âge difficile, dépossédé20 et nécessiteux, conscient de tout ce que ces mœurs avaient d’ignoble, lui qui, en songe du moins, avait connu la noblesse21. Un jésuite avait prescrit sérieusement une place de commis chez Guinness22 ; et sans doute le commis désigné23 d’une brasserie n’aurait pas éprouvé uniquement du mépris et de la pitié pour une communauté admirable, si ce n’était qu’il désirait ce que les scolastiques appellent un bien ardu24. Il était impossible qu’il pût trouver une consolation dans les sociétés pour l’encouragement de la pensée chez les laïcs, ou un réconfort autre que physique dans la douillette25 confrérie, parmi tant de virginités folles ou grotesques26. De plus, il était impossible pour un tempérament27 sans cesse tremblant au bord de l’extase de se soumettre et d’acquiescer, pour une âme de décréter que la servitude était son lot, sur qui l’image de la beauté était tombée telle une chape28. Un soir, au début du printemps, au pied de l’escalier de la bibliothèque, il dit à son ami « J’ai quitté l’Église. » Et tandis qu’ils retournaient chez eux par les rues, bras dessus, bras dessous, il raconta comment il l’avait quittée par les portes d’Assise29, en des mots qui étaient comme l’écho de leur fermeture.

    Suivirent les extravagances. Il cessa bientôt de penser à l’histoire simple du Poverello et s’installa dans la plus folle des compagnies. Joachim Abbas, Bruno le Nolain, Michel Sendivogius30, tous les hiérarques de l’initiation jetèrent sur lui leurs sortilèges. Il descendit dans les enfers de Swedenborg et s’humilia dans les ténèbres de saint Jean de la Croix. Ses deux furent soudain illuminés par une horde d’étoiles, les signatures de toute la nature, l’âme gardant souvenance des anciens jours31. Tel un alchimiste, il se pencha sur son œuvre, rassemblant les mystérieux éléments, séparant ce qui est subtil de ce qui est grossier32. Pour l’artiste, les rythmes de la phrase et de la période, les symboles du mot et de l’allusion étaient choses suprêmes. Et fallait-il s’étonner que de cette vie merveilleuse, en laquelle il avait annihilé et reconstruit l’expérience, peiné et désespéré, il sortît enfin avec un dessein unique – réunir les enfants de l’esprit, jaloux et longtemps divisés, les réunir contre l’imposture et la domination du Prince. Mille éternités devaient être réaffirmées, la connaissance divine devait être rétablie. Ô sottise ! Il eût été aussi facile de rassembler une cohorte de vents. Ils invoquaient leurs piétés naturelles – limitations imposées par la société, apathie héréditaire de la race, une mère en adoration, la fable chrétienne. Leurs trahisons n’étaient que vénielles. Dans les lieux où le monstre social le permettait, ils risquaient des propos hétérodoxes à l’extrême, argumentaient sur l’existence de déterminations d’ordre imaginaire en matière éthique, sur l’anarchie (le peuple), sur les triangles bleus33, sur les dieux-poissons34, proclamant, dans un moment de ferveur, la nécessité de l’action. Sa vengeance ? une formule, et l’isolement. Il mettait les émancipés dans le même sac – Beurre venimeux – et quittait ces parages où l’on se laissait trop aller.

    L’isolement, avait-il jadis écrit, est le principe premier de l’économie artistique35, mais des révélations traditionnelles aussi bien qu’individuelles faisaient à ce moment-là valoir leurs droits, et le recueillement n’avait été accepté qu’avec timidité. Mais dans les intermittences des amitiés (car il en avait distancé trois) il avait connu la communauté fraternelle d’heures méditatives, et maintenant commençait à grandir en lui l’espoir de trouver là cette émotion sereine, cette certitude que parmi les hommes il n’avait point trouvée. Au cours de la saison sombre, une impulsion l’avait conduit vers des lieux silencieux et solitaires où les brumes étaient suspendues, telles des banderoles, parmi les arbres ; et lorsqu’il était passé là, au sein de cette nuit qui adoucissait tout, parmi la chute secrète des feuilles, la pluie odorante, le réseau de vapeurs transpercé par la lune, il avait cru entendre une admonition touchant la fragilité de toutes choses. L’été, cette impulsion l’avait conduit vers la mer. Errant sur les collines arides, herbeuses, ou le long de la grève, dans le dessein avoué de ramasser des coquillages, il s’était presque pris d’impatience à l’égard du jour. Les promeneurs de la marée basse, dont les chevelures d’enfant ou de fillette, les vêtements de fillette ou d’enfant, étaient pénétrés de l’opiniâtreté même de la mer – même eux ne l’avaient point fasciné. Mais à mesure que le jour avait baissé, il avait été agréable d’observer les quelques silhouettes qui restaient, isolées au milieu de bâches lointaines ; et, tandis que le soir assombrissait, au-dessus de la mer, la lumière grise, il s’en était allé, là-bas, dans les eaux basses, soulevé par la joie sacrée de la solitude, chantant avec passion pour le flot qui montait36. Sceptique, cynique, mystique, il avait recherché une satisfaction absolue, et maintenant, petit à petit, il commençait à prendre conscience de la beauté de la condition mortelle. Il se rappelait une phrase d’Augustin – « Il m’est clairement apparu que les choses qui se corrompent sont bonnes. Si elles étaient souverainement bonnes, ou si elles n’étaient nullement bonnes, ni dans un cas, ni dans l’autre elles ne pourraient se corrompre ; car souverainement bonnes, elles seraient incorruptibles ; mais nullement bonnes, elles n’auraient pas en elles de quoi se corrompre37 ». Une philosophie de la réconciliation… possible… [lacune de deux lignes] éclairé de lumières versicolores, mais, dans les chambres du cœur38, les lumières n’étaient point éteintes : elles brûlaient, au contraire, comme pour des noces.

    Ô toi, la plus chère des mortelles ! En dépit des vers offerts en tribut et de la comédie des rencontres, ici même et dans la folle compagnie du sommeil, la fontaine de l’être (semblait-il) avait eu ses eaux mêlées39. Des années auparavant, dans son enfance, la force du péché ouvrant devant lui tout un monde, il avait pris conscience de toi. Les becs de gaz jaunes se levant dans sa vision troublée, contre un ciel automnal, luisant mystérieusement là-bas, devant cet autel violet – les groupes rassemblés devant les portes, disposés comme pour quelque rite – les visions fugitives d’orgies et d’allégresse fantasmatique40 – le vague visage d’un être accueillant qui semblait s’éveiller, sous son regard, d’un sommeil séculaire41 – la confusion aveugle (Iniquité ! iniquité !) qui soudain l’envahit – dans toute cette ardente aventure de l’appétit charnel n’as-tu point alors même communié ? Être bienfaisant ! (la sagacité de l’amour était dans ce titre), tu es venu au moment opportun, sorcière venue assister à l’agonie de celui qui se dévore lui-même, ambassadrice des splendides cours de la vie42. Comment pourrait-il te remercier pour cet enrichissement de l’âme par toi consommé ? La maîtrise de l’art avait été atteinte dans l’ironie ; l’ascétisme de l’intellect avait été une humeur parmi d’autres, d’orgueil indigné : mais qui donc l’avait révélé à lui-même, si ce n’est toi seule ? Par les voies de la tendresse, de la tendresse simple, intuitive, ton amour avait fait surgir en lui les torrents qui sont au centre de la vie. Tu avais mis tes bras autour de lui43 et, dans cette prison si intime, dans ce sein doucement agité, les silences extatiques, les mots murmurés, ton cœur avait parlé à son cœur. Ta disposition put raffiner et diriger sa passion, tenant la simple beauté sous l’angle le plus subtil44. Tu fus sacramentelle, imprimant ta marque indélébile, d’une grâce très visible. Il faut qu’une litanie t’honore : Dame des Pommiers45, Aimable Sagesse, Douce Fleur du Crépuscule. Dans une autre phase, il n’avait point été inhabituel d’inventer des dîners en blanc et pourpre à partir d’un porridge bien réel, mais ici est donnée une nourriture robuste ou bien délicate ; point n’est besoin d’inventer. Son chemin (abrupte créature !) est tracé maintenant vers le monde mesurable et les vastes espaces de l’action. Le sang se hâte, galope dans

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