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    2. Portrait de l'artiste en jeune homme
    3. Chapitre 4
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    certes passager, pour l’occultisme, qu’il a en commun avec certains des meilleurs esprits scientifiques de son temps, à l’écoute eux aussi de ces étranges corps parlants que sont les médiums, et de leur jouissance.

    C’est ainsi que le labyrinthe de Dédale, on le sait, est construit sur un fond obscur, bouche d’ombre donnant accès, sans retour concevable, au monstrueux23. La science, il faudrait même dire la technologie, dont l’ingénieur crétois est le saint patron laïc, s’y révèle dialoguer avec la Vérité dans le Réel. L’intellect qui devait servir de guide à Joyce en un temps où il subissait les séductions d’une science quelque peu positiviste, c’était celui de Lucifer face à la Divinité : « Il tombe tout étincelant, orgueilleux éclair de l’intellect24 », dialoguant avec Dieu, un Lucifer mal-aimé, souffrant d’un amor intellectualis Dei inaccessible et pourtant intensément désiré25.

    Une écriture du cas

    Dans Stephen le Héros, ce n’est pas un hasard si Stephen Dedalus fait du volume : il est dans l’ordre du narratif, du déroulement monologique, du volumen. Avec le Portrait de l’artiste en jeune homme, Joyce retrouve et exploite la problématique du premier « Portrait de l’artiste », celle d’une interrogation de l’Autre de tout sujet, dans son découpage de codex en pages à tourner, confronter et retourner, dans la recherche du chiffre d’une destinée. C’est ce chiffre énigmatique que porte sur sa cuisse la fille entrevue par Stephen Dedalus sur la plage. Il ne s’agit plus ici d’un maniement pervers de la lettre, pratiqué dans l’obscurité et la honte26. Figure de la Vierge dans son inaccessibilité, elle en est aussi l’envers, tout comme Ève, en bonne théologie, appelle et justifie la Madone ; déjà présente dans le premier texte, elle figure la Femme, c’est-à-dire sur son corps sans manque donné à lire, la fonction hiéroglyphique du langage, intrication de l’image et de la lettre : elle est pour Joyce l’emblème même, lumineux, littéralement épiphanique27, de l’écriture.

    À rebours, donc, mais autrement que Huysmans… C’est par une sorte de sublimation inverse que Joyce fait évoluer son style initial, sous le signe de l’ « épiphanie » et du fragment. Il s’installe dans la brisure que porte en lui, irréparable, le symbolon, paradigme de tout langage. Il se dirige donc vers une écriture de l’écart, du lapsus, du déchet, de l’ « espèce infime ». Les aspects en sont variés Par ailleurs, la science médicale, élargie par lui au champ social dans Dublinois, fournit un temps la notion de paralysie, de symptôme, et avec elle toute une problématique des rapports de l’esprit et du corps. Le développement et le déplacement que constitue le Portrait de l’artiste en jeune homme permettent de mieux saisir ce qui était là en jeu : la question de l’ethos, du character. Si Dublinois en restait à la mise en scène de personnages, sa dernière nouvelle, « Les Morts », par une opération de dissection, interrogeait le sujet de l’énonciation scripturaire : Gabriel Conroy y est une première figuration de l’artiste : en tant que raté, dans ses faux pas producteurs d’une démarche. Mais toujours il va s’appuyer sur ce qui fait chute, chute rattrapée par son art des lettres. Le concept de rythme, qu’il rumina longtemps, formula très tôt pour lui, à sa manière, son expérience originaire, dans le jeu des temps forts et faibles qu’appellent la langue et la prosodie anglaises28. L’usage du mot « cadence » dans notre roman le confirme29. On y saisit que cette cadence n’a pas sa source dans la théorie, fût-elle celle de la Poétique d’Aristote. Plutôt, il avait rencontré chez le Stagyrite une formulation de sa propre expérience. Pour lui, ici, le rythme, la chute et sa résolution étaient ce qu’une voix avait porté vers lui et fait résonner jusque dans son corps : une voix de femme harmonisant de l’Église la liturgie et les écrits qui s’y déploient, avec les élans et élancements du cœur, réconciliant le sujet et ses angoisses avec la passion, soit : la mort et la résurrection espérée du corps.

    C’est ce sujet de l’écriture qui est mis à l’œuvre dans le Portrait de l’artiste en jeune homme. Du coup les formes de la chute et de la coupure y sont moins présentées qu’interrogées : l’ordre religieux y est pris par le biais de ses failles, de ses défauts, de la faute, et aussi du cas et de la casuistique ; la poésie y tombe en cadences fragmentaires et toujours imprévues ; et le journal, tout à coup, dans les pages finales, nous impose son rythme inattendu, le rythme en définitive naturel des jours. On peut avancer que la rencontre de Joyce avec le journalisme (Irish Homestead, Piccolo della Sera) était prédestinée. C’est que ce journal bel et bien interroge l’écrivain : le découpage qu’il introduit, temporel, et aussi spatial dans la mise en page, affecte l’écrivain et à sa manière lui sert de révélateur en ce qu’il fait écho à une expérience personnelle profonde et pour une large part insue, c’est-à-dire à déchiffrer. L’artiste y est lu par cette écriture où les rencontres de fortune, tuchès, font la loi. Cette physique de l’écriture vient faire pendant, achève et dépasse la métaphysique de la rencontre que proposait l’ « épiphanie » Déjà l’articulet serti dans « Un cas douloureux » introduisait le fait divers, intrusion du réel, comme matrice d’une écriture où l’énoncé interrogeait l’énonciation. Ce travail, on le voit, se poursuit dans le Portrait de l’artiste en jeune homme, où s’affirme la nécessité radicale de cette écriture, si tant est, comme le dit Jacques Lacan, que « le nécessaire est ce qui ne cesse pas, de quoi ? – de s’écrire ». Il restait à en assumer la dissémination dans le jour, et le journal, en quelque sorte, d’une ville. Solvitur ambulando. Ce sera Ulysse.

    Jacques Aubert

    Portrait de l’artiste

    (1904)

    Les traits de l’enfance ne sont pas communément reproduits dans le portrait de l’adolescence, car nous sommes si fantasques que nous ne pouvons ou ne voulons concevoir le passé sous une autre forme que celle d’un mémorial ayant la rigidité du métal. Et pourtant le passé implique assurément une succession fluide de présents1, le développement d’une entité dont notre présent actuel n’est qu’une phase. Notre siècle, de plus, identifie ses connaissances surtout par ces signes que constituent barbes ou pouces de taille, et il est, dans la plupart des cas, étranger à ceux de ses membres qui cherchent, au moyen de quelque art, par quelque processus de l’esprit dont il reste à dresser le tableau, à dégager des masses de matière personnalisées ce qui constitue leur rythme individuant, la relation première ou formelle existant entre leurs parties2. Mais pour de tels esprits un portrait n’est pas un papier d’identité, mais bien plutôt la courbe d’une émotion.

    L’usage de la raison, selon le jugement populaire, est antidaté de quelque sept années, de sorte qu’il n’est point aisé de fixer l’âge exact auquel la sensibilité naturelle du sujet de ce portrait s’éveilla aux idées de damnation éternelle, de pénitence nécessaire et de prière efficace. Sa formation avait tôt développé chez lui un sentiment très vif des obligations spirituelles, aux dépens de ce que Ion appelle le « sens commun ». Il donna sa mesure, tel un saint prodigue, étonnant bien des gens par ses ferveurs jaculatoires, scandalisant bien des gens par des mines inspirées empruntées au cloître. Un jour, dans un bois, près de Malahide, un ouvrier agricole s’était émerveillé de voir un enfant de quinze ans en train de prier, dans une posture d’extase orientale3. Il fallut en vérité longtemps à cet adolescent pour comprendre la nature de cette vertu toute marchande – celle qui permet de donner un assentiment4 commode à certaines propositions sans y conformer le moins du monde son existence. La valeur digestive de la religion5, il ne l’apprécia jamais, et il choisit, comme plus adaptés à son cas, ces ordres plus humbles, plus pauvres, dans lesquels un confesseur ne paraissait pas soucieux de se montrer homme du monde, ne fut-ce qu’en théorie6. Cependant, en dépit de chocs continuels qui le faisaient passer d’envolées de zèle exalté à la honte intérieure, les exercices de dévotion avaient encore sur lui un effet apaisant au moment où il entra à l’Université.

    Vers cette période furent affichées à tous venants des manières énigmatiques7 destinées à couvrir une crise. Il s’était vite rendu compte qu’il lui fallait débrouiller ses affaires en secret, et la réserve avait toujours été pour lui pénitence légère. Sa répugnance à débattre de commérages, à paraître curieux d’autrui, l’aidait à dresser son acte d’accusation véritable, et prenait même fort à propos une vague odeur d’héroïsme8. Cet égoïsme indéracinable, que plus tard il devait qualifier de rédempteur, voulait qu’il envisageât les actes et les pensées de son microcosme comme convergeant vers sa personne. L’esprit de l’adolescent est-il médiéval, qu’il ait une telle divination de l’intrigue ? Les sports de plein air (ou ce qui leur correspond dans le monde mental9) sont peut-être la plus efficace des cures ; mais pour cet idéaliste fantasque, qui esquivait d’un bond l’apparition bottée et ses grognements, cette chasse mimée n’était pas moins ridicule qu’inégale, sur un terrain choisi à son désavantage. Mais derrière le bouclier qui durcissait rapidement, le sensitif10 répondait. Que la meute des inimitiés vienne débouler, reniflante, sur les hautes terres, à la poursuite de leur gibier ; c’était là son terrain : et il leur lançait le dédain de ses andouillers étincelants11. L’image, flatteuse pour le moi de toute évidence, recelait le danger de la complaisance. C’est pourquoi, négligeant les aboiements les plus essoufflés de ce chœur qu’aucune distance, fût-elle calculée en lieues, ne pouvait rendre musical, il se

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