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    2. Portrait de l'artiste en jeune homme
    3. Chapitre 32
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    cette écœurante puanteur multipliée des millions et des millions de fois par le nombre de millions et de millions de carcasses fétides amassées dans les ténèbres enfumées, cet immense fongus de pourriture humaine. Imaginez tout cela, et vous aurez une idée de l’horrible puanteur de l’enfer.

    « Mais cette puanteur, si horrible qu’elle soit, n’est pas la plus grande torture physique que subissent les damnés. La torture par le feu est la plus grande qu’un tyran ait jamais infligée à ses semblables. Mettez un instant votre doigt dans la flamme d’une bougie et vous sentirez la douleur que cause le feu. Mais notre feu terrestre fut créé par Dieu pour le bien de l’homme, pour maintenir en lui l’étincelle de vie, pour l’aider dans les arts utiles31, tandis que le feu de l’enfer est d’une tout autre qualité, il hit créé par Dieu pour torturer et châtier le pécheur impénitent. En outre, notre feu terrestre consume plus ou moins rapidement, selon que l’objet attaqué est plus ou moins combustible, si bien que l’ingéniosité humaine a même réussi à inventer des préparations chimiques pour arrêter ou déjouer son action. Mais le soufre qui brûle dans l’enfer est une substance spécialement destinée à brûler éternellement avec une indicible fureur. Enfin, notre feu terrestre détruit à mesure qu’il brûle, de sorte que plus il est intense, plus sa durée est brève ; mais le feu de l’enfer possède la propriété de conserver ce qu’il brûle, et, bien qu’il fasse rage avec une intensité incroyable, cette rage n’a pas de fin.

    « D’autre part, notre feu terrestre, si furieux ou si vaste soit-il, n’a jamais qu’une étendue limitée ; mais le lac de feu de l’enfer est sans bornes, sans rivage et sans fond. Il est dit que le diable lui-même, interrogé sur ce point par un certain soldat, fut obligé d’avouer qu’une montagne jetée dans l’océan enflammé de l’enfer serait consumée en un instant comme un morceau de cire. Et ce feu terrible ne se contentera pas d’atteindre les corps des damnés extérieurement, mais toute âme perdue sera en elle-même un enfer, les flammes déchaînées faisant rage jusque dans ses viscères. Ah, qu’il est terrible, le sort de ces malheureux ! Le sang bouillonne et bout dans les veines, la cervelle bout dans le crâne, le cœur dans la poitrine s’embrase et éclate, les entrailles ne sont plus qu’un rougeoyant amas de pulpe qui se consume, les yeux délicats flambent comme des globes en fusion.

    « Et cependant, tout ce que je viens de dire concernant la force, la qualité et l’étendue illimitée de ce feu n’est rien en comparaison de son intensité, intensité qu’il possède en tant qu’instrument choisi par le dessein divin pour le châtiment de l’âme et du corps à la fois. C’est un feu qui procède directement du courroux de Dieu, et qui se manifeste non par sa propre activité, mais comme instrument de la vengeance divine. De même que les eaux baptismales purifient l’âme avec le corps, de même les feux du châtiment torturent l’esprit avec la chair. Chacun des sens de la chair est torturé, et, avec lui, chaque faculté de l’âme : les yeux par l’obscurité absolue et impénétrable ; le nez par les odeurs délétères ; les oreilles par les cris, les hurlements, les imprécations ; le goût par la matière immonde, par la lèpre et la pourriture, par la fange innommable et suffocante ; le toucher par les aiguillons et les clous rougis, par de cruelles langues de feu. Ainsi, au moyen de ces différentes tortures des sens, l’âme immortelle est éternellement torturée en son essence même, parmi des lieues et des lieues de rouges flammes, attisées dans l’abîme par la majesté offensée du Dieu Tout-Puissant, gonflées d’une éternelle et toujours croissante fureur par le souffle courroucé du Très-Haut.

    « Considérez enfin que la torture de cette prison infernale est aggravée par la société des damnés eux-mêmes. Sur terre, une mauvaise compagnie est si pernicieuse que les plantes, comme par instinct, s’éloignent de toute chose meurtrière ou nuisible pour elles. En enfer, toutes les lois sont renversées, il n’est plus question de famille ou de patrie, de liens ou de parenté. Les damnés échangent entre eux des hurlements, des vociférations, car leur torture et leur rage s’augmentent en présence d’êtres torturés et pleins de rage comme eux-mêmes. Tout sentiment d’humanité est oublié. Les cris de douleur des pécheurs remplissent les coins les plus lointains du vaste abîme. La bouche des damnés est pleine de blasphèmes contre Dieu, de haine envers leurs compagnons de souffrance, de malédictions envers ceux qui furent leurs complices dans le péché. Jadis, pour punir le parricide, l’homme qui avait levé une main meurtrière sur son père, on le précipitait dans les profondeurs de la mer, enfermé dans un sac où se trouvaient un coq, un singe et un serpent. L’intention des promoteurs de cette loi, qui paraît cruelle à notre époque, était de punir le criminel par la compagnie de ces bêtes détestables et agressives. Mais qu’est-ce que la rage de ces animaux muets en comparaison des expressions de rage haineuse qui s’échappent des lèvres desséchées, des gosiers douloureux des damnés de l’enfer, contemplant parmi leurs compagnons de misère ceux-là mêmes qui les avaient assistés et encouragés dans le péché, ceux dont les paroles avaient semé dans leur esprit les premières semences de mauvaises pensées et de mauvaises actions, ceux dont les suggestions immodestes les avaient conduits au péché, ceux dont les regards les avaient tentés et attirés hors du chemin de la vertu ? Ils se retournent contre ces complices avec des reproches et des malédictions. Mais il ne leur reste ni secours ni espoir : il est trop tard pour se repentir.

    « Considérez enfin l’épouvantable torture que représente pour ces âmes damnées, celles des tentateurs et celles de leurs victimes, la compagnie des démons. Ces démons ne cessent de tourmenter les damnés de deux manières : par leur présence et par leurs reproches. Nous ne pouvons avoir aucune idée de la hideur de ces diables. Sainte Catherine de Sienne vit un jour un démon et elle a écrit qu’elle préférerait marcher jusqu’à la fin de ses jours sur un sentier de charbons ardents plutôt que de revoir un seul instant un monstre aussi épouvantable. Ces diables, qui furent jadis des anges de beauté, sont devenus aussi laids et hideux qu’ils avaient été beaux autrefois. Ils raillent et bafouent les âmes perdues qu’ils ont entraînées dans la ruine. Ce sont eux, ces diables abjects, qui représentent dans l’enfer les voix de la conscience. Pourquoi as-tu péché ? Pourquoi as-tu prêté l’oreille aux propos tentateurs des démons ? Pourquoi as-tu abandonné tes pieux exercices, tes bonnes œuvres ? Pourquoi n’as-tu pas fui les occasions de péché ? Pourquoi n’as-tu pas quitté tel mauvais compagnon ? Pourquoi n’as-tu pas renoncé à telle habitude impudique, à telle habitude impure ? Pourquoi n’as-tu pas écouté les conseils de ton confesseur ? Pourquoi, même après avoir péché, une première, une seconde, une troisième, une quatrième ou une centième fois, ne t’es-tu pas repenti de ta mauvaise conduite et n’es-tu pas revenu à Dieu qui n’attendait que ton repentir pour t’absoudre ? Maintenant, le temps du repentir est passé. Le temps est, le temps fut, mais le temps ne sera plus ! Il y eut un temps pour pécher en secret, pour te complaire dans cette paresse et cet orgueil, pour convoiter l’illicite, pour céder aux instigations de ta nature inférieure, pour vivre comme les bêtes des champs, que dis-je, pis encore que les bêtes, car celles-ci du moins ne sont que des brutes et n’ont point de raison pour les guider. Le temps fut, mais le temps ne sera plus. Dieu t’a parlé de tant de voix, mais tu n’as pas voulu l’entendre. Tu n’as pas voulu écraser cet orgueil et cette rancune dans ton cœur, tu n’as pas voulu restituer ce bien mal acquis, tu n’as pas voulu obéir aux préceptes de ta sainte Église ni observer tes devoirs religieux, tu n’as pas voulu quitter ces mauvais compagnons, tu n’as pas voulu éviter ces tentations dangereuses. Tel est le langage de ces bourreaux diaboliques, telles sont les paroles pleines de raillerie et de reproche, de haine et de dégoût. Oui, de dégoût ! Car même ceux-là, les démons eux-mêmes, au temps où ils commirent leur péché, n’ont commis que le seul péché compatible avec leur nature angélique : la rébellion de l’esprit. Et même ceux-là, même les diables abjects, doivent se détourner avec indignation et dégoût du spectacle de ces péchés innommables par lesquels l’homme dégradé outrage et souille le temple du Saint-Esprit, en souillant et polluant sa propre personne32.

    « Ô mes chers petits frères en Jésus-Christ, puissions-nous ne jamais entendre un tel langage ! Ah, je vous le dis, puissions-nous échapper à un tel sort ! Je prie Dieu ardemment pour qu’au dernier jour du terrible règlement des comptes, pas une seule des âmes aujourd’hui présentes dans cette chapelle ne se trouve parmi les misérables créatures que le Grand Juge chassera pour toujours loin de Son regard, pour qu’aucun de nous n’entende jamais sonner à ses oreilles l’effroyable sentence d’expulsion : Éloignez-vous de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges33. »

    Stephen se dirigea vers la sortie par le bas-côté de la chapelle ; ses jambes flageolaient, la peau de son crâne frissonnait comme si elle venait d’être effleurée par des doigts de spectres. Il monta l’escalier, traversa le corridor où les pardessus et les imperméables pendaient aux murs comme des malfaiteurs aux gibets, sans tête, ruisselants et informes. Et à

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