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    2. Portrait de l'artiste en jeune homme
    3. Chapitre 29
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    son visage pâle était tiré et sa voix altérée par le rhume. La figure de son vieux maître, si étrangement reparue, évoquait devant Stephen son existence de Clongowes : les vastes terrains fourmillant d’élèves, la fosse, le petit cimetière au bout de la grande avenue de tilleuls, où il avait rêvé d’être enterré, le reflet des flammes sur le mur de l’infirmerie où il était alité, le triste visage du frère Michael. Son âme, à mesure que reparaissaient ces souvenirs, redevenait une âme d’enfant.

    « Nous sommes réunis ici aujourd’hui, mes chers petits frères en Jésus-Christ, éloignés pour un court moment de l’agitation et de l’affairement du monde extérieur, pour célébrer et pour honorer un des plus grands parmi les saints, l’apôtre des Indes, patron également de votre collège, saint François-Xavier. Année après année, depuis bien plus longtemps qu’aucun de vous, mes chers petits, ne peut se rappeler et que je ne peux me rappeler moi-même, les élèves de ce collège se réunissent dans cette même chapelle pour faire leur retraite annuelle avant le jour consacré à leur saint patron. Le temps a passé, apportant avec lui ses changements. Même dans ces quelques dernières années, que de changements présents à la mémoire de la plupart d’entre vous ! Beaucoup d’élèves, assis naguère au premier rang sur ces bancs, sont peut-être en ce moment dans les pays lointains, sous les tropiques brûlants, ou absorbés par des tâches professionnelles, ou bien dans les séminaires, ou bien voguant sur la vaste étendue des mers, ou bien, peut-être, appelés déjà par le Très-Haut à une autre vie et à rendre compte de leur mission. Et cependant, tandis que se déroulent les années, apportant avec elles de bons et de mauvais changements, la mémoire du grand saint est honorée par les élèves de son collège, qui font chaque année leur retraite annuelle dans les journées qui précèdent la date réservée par notre sainte Mère l’Église pour transmettre à tous les âges le nom et la gloire d’un des fils les plus grands de l’Espagne catholique.

    « Quel est donc le sens de ce mot : retraite, et pourquoi la retraite est-elle généralement considérée comme l’exercice le plus salutaire pour tous ceux qui désirent mener devant Dieu et aux yeux des hommes une existence véritablement chrétienne ? Une retraite, mes chers enfants, consiste à se retirer momentanément loin des soucis de notre existence, des soucis de ce monde quotidien, afin d’examiner l’état de notre conscience, de méditer les mystères de la sainte religion et de mieux comprendre pourquoi nous sommes dans ce monde. Pendant ces quelques jours, j’ai l’intention de vous exposer certaines pensées concernant les quatre fins dernières. Ce sont, comme vous l’avez appris dans votre catéchisme, la mort, le jugement, l’enfer et le ciel. Nous allons tâcher de les comprendre à fond en ces quelques jours, de manière à tirer de cette compréhension un durable bénéfice pour nos âmes. Rappelez-vous, mes chers enfants, que nous avons été envoyés en ce monde dans un but précis, et dans ce but seulement : suivre la sainte volonté de Dieu et sauver notre âme immortelle. Tout le reste est sans valeur. Une seule chose importe : le salut de l’âme. Que sert à un homme de gagner le monde entier, s’il subit la perte de son âme immortelle21 ? Ah, croyez-moi, mes chers enfants, il n’y a rien en ce monde misérable qui puisse compenser une telle perte.

    « Je vous demanderai donc, mes chers enfants, d’écarter de votre esprit, pendant ces quelques jours, toutes les pensées profanes, qu’elles concernent l’étude, ou le plaisir, ou l’ambition, et d’accorder toute votre attention à l’état de votre âme. Ai-je besoin de vous rappeler que, durant ces jours de retraite, tous les jeunes gens doivent observer une conduite calme et pieuse, et s’abstenir de tout plaisir bruyant et incongru. Les plus âgés veilleront, bien entendu, à ce que cette règle ne soit pas transgressée et je compte en particulier sur les préfets et les officiers de la confrérie de Notre-Dame et de celle des Saints Anges pour donner le bon exemple à leurs camarades.

    « Tâchons donc de faire cette retraite en l’honneur de saint François avec tout notre cœur et tout notre esprit. La bénédiction de Dieu descendra alors sur toutes vos études de l’année. Mais, par-dessus et par-delà tout le reste, cette retraite doit être telle que vous puissiez vous y reporter par la pensée dans les années à venir, alors que, peut-être, vous serez loin de ce collège, dans un tout autre milieu ; que vous puissiez vous y reporter par la pensée avec joie et reconnaissance, et rendre grâces à Dieu de vous avoir octroyé cette occasion d’établir la première base d’une vie chrétienne, pieuse, honorable et pleine de zèle. Et si, comme cela est possible, il se trouve en ce moment-ci sur ces bancs quelque pauvre âme ayant eu l’inexprimable malheur de perdre la sainte grâce de Dieu, de tomber dans un péché grave, j’espère, en priant avec ferveur, que cette retraite donnera une nouvelle direction à la vie de cette âme. Je prie Dieu, au nom des mérites de son zélé serviteur François-Xavier, pour qu’une telle âme soit amenée au repentir sincère et que la sainte communion, à la prochaine fête de saint François, devienne un pacte durable entre Dieu et cette âme. Pour le juste et l’injuste, pour le saint comme pour le pécheur, puisse cette retraite demeurer mémorable.

    « Aidez-moi, mes chers petits frères en Jésus-Christ. Aidez-moi par votre pieuse attention, par votre dévotion personnelle, par votre maintien extérieur. Bannissez de vos esprits toutes les pensées profanes et ne songez qu’à ces fins dernières : la mort, le jugement, l’enfer et le ciel. Celui qui se rappelle ces choses, dit l’Ecclésiaste, ne commettra jamais de péché. Celui qui se rappelle les fins dernières n’agira et ne pensera qu’en les ayant toujours devant les yeux. Il vivra d’une bonne vie et mourra d’une bonne mort, croyant et sachant que, s’il a beaucoup sacrifié dans cette vie terrestre, il lui sera donné cent fois et mille fois plus dans la vie à venir, dans le royaume qui ne connaîtra pas de fin – et c’est là, mes chers enfants, une bénédiction que je vous souhaite de tout cœur, à chacun et à tous, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen. »

    Tandis que Stephen s’en retournait chez lui avec des compagnons silencieux, un épais brouillard semblait bloquer son esprit. Il attendait, frappé de stupeur, que ce brouillard se levât et lui montrât ce qu’il avait caché. Il avala son dîner avec un appétit hargneux ; puis, le repas terminé, tandis que les assiettes grasses gisaient à l’abandon sur la table, il se leva et alla à la fenêtre, enlevant avec sa langue l’écume qui lui épaississait la bouche et la léchant sur ses lèvres. Ainsi il était descendu jusqu’à l’état de la bête qui se pourlèche après les repas ! Voilà où il en était ; une faible lueur de crainte commença à percer le brouillard de son esprit. Il appuya son visage contre la vitre et se mit à regarder la rue qui s’emplissait d’obscurité. Des formes passaient dans un sens et dans l’autre sous une morne lumière. Et cela, c’était la vie. Les lettres du nom de Dublin se posaient lourdement sur son esprit, se bousculant hargneusement entre elles avec une insistance tenace et bourrue. Son âme se figeait, se congelait en une graisse compacte, s’enfonçant de plus en plus, avec sa morne crainte, dans un crépuscule sombre et plein de menaces ; et ce corps qui était le sien restait debout, apathique, déshonoré, cherchant avec des yeux obscurcis, dans son impuissance, sa confusion, son humanité, quelque dieu bovin sur qui fixer le regard.

    Le jour suivant apporta avec lui la mort et le jugement, éveillant lentement l’âme de Stephen de son apathie désespérée. La faible lueur de crainte se transforma en terreur de l’esprit lorsque la voix rauque du prédicateur souffla la mort jusque dans son âme. Il en souffrit l’agonie. Il sentit le frisson de la mort toucher ses extrémités et se propager vers le cœur, une taie mortelle voiler les yeux, les centres lumineux du cerveau s’éteindre un à un comme des lampes, la sueur dernière perler sur la peau, les membres gagnés par la mort devenir impuissants, la parole s’épaissir, s’embrouiller, défaillir, le cœur palpiter, puis palpiter moins fort, sur le point de succomber, le souffle, le pauvre souffle, le pauvre, l’impuissant esprit de l’homme, sangloter et soupirer, gargouiller et râler dans la gorge. Pas de secours ! Pas de secours ! C’était lui, lui-même, son corps auquel il avait cédé, qui était en train de mourir. Qu’on l’enterre donc ! Qu’on le cloue dans une caisse, ce cadavre ! Qu’on l’emporte hors de la maison sur des épaules mercenaires. Qu’on le jette loin des regards des hommes, au fond d’un long trou dans la terre, dans la tombe, pour qu’il pourrisse, pour qu’il serve de nourriture à la masse grouillante de ses propres vers, pour qu’il soit dévoré par les rats agiles et bedonnants.

    Et tandis que les amis en larmes se tenaient encore près du lit, l’âme du pécheur était jugée. Dans le dernier moment de conscience, toute sa vie terrestre avait passé devant les yeux de l’âme, mais avant d’avoir pu faire réflexion, le corps était mort et l’âme terrifiée se trouvait devant le trône de justice. Dieu, qui longtemps avait été clément, allait être juste. Longtemps Il avait été patient, parlementant avec l’âme coupable, lui laissant le temps du repentir, l’épargnant encore. Mais cette heure était passée. Il

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