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    2. Portrait de l'artiste en jeune homme
    3. Chapitre 28
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    de préfet du collège dans la confrérie de la Sainte Vierge6. Le samedi matin, quand la confrérie se réunissait dans la chapelle pour célébrer le petit office7, sa place était sur un prie-Dieu capitonné, à la droite de l’autel, d’où il dirigeait son groupe d’élèves pendant les répons. La fausseté de sa situation ne le gênait point. Si, par moments, il avait envie d’abandonner cette place d’honneur, de quitter la chapelle après avoir confessé son indignité devant tous, un regard jeté sur leurs visages le retenait. Les images des psaumes prophétiques8 apaisaient son stérile orgueil. Les gloires de Marie9 captivaient son âme ; le nard, la myrrhe, l’encens, symboles des trésors dont Dieu fit présent à son âme, les riches habits, symboles de son royal lignage ; ses emblèmes, la plante et l’arbre aux fleurs tardives, symboles de la croissance progressive, à travers les âges, de son culte parmi l’humanité. Lorsque venait son tour de lire la leçon, vers la fin de l’office, il la lisait d’une voix voilée, berçant sa conscience avec cette musique :

    Quasi cedrus exaltata sum in Libanon et quasi cupressus in monte Sion. Quasi palma exaltata sum in Gades et quasi plantatio rosae in Jéricho. Quasi uliva speciosa in campis et quasi platanus exaltata sum juxta aquam in plateis. Sicut cinnamomum et balsamum aromatizans odorem dedi et quasi myrrha electa dedi suavitatem odoris10.

    Son péché, qui le dérobait à la vue de Dieu, l’avait rapproché de Celle qui est le Refuge des pécheurs. Elle semblait le considérer avec une douce pitié ; Sa sainteté, cette étrange clarté illuminant doucement Sa chair délicate, n’humiliaient point le pécheur qui venait à Elle. Si parfois il avait envie de chasser son péché et de se repentir, cette impulsion naissait du souhait d’être Son chevalier. Si parfois son âme, regagnant timidement sa demeure après la frénésie du désir charnel, se tournait vers Celle dont l’emblème est l’étoile du matin, « brillante et musicale, parlant du ciel et infusant la paix11 », c’était lorsque Ses noms étaient prononcés doucement par les lèvres où s’attardaient encore des paroles impures et scandaleuses, la saveur même d’un impudique baiser.

    Tout cela était troublant. Il essaya de s’expliquer comment cela pouvait se faire, mais le crépuscule s’épaississant dans la classe recouvrit ses pensées. La cloche sonna. Le maître indiqua les problèmes, les épures à faire pour la prochaine fois, et sortit. Héron, à côté de Stephen, se mit à fredonner d’une voix fausse :

    Mon excellent ami Bombados12.

    Ennis, qui était allé aux cabinets, revint en disant :

    « Le domestique de chez les Pères vient chercher le recteur. »

    Un grand garçon, derrière Stephen, se frotta les mains et dit :

    « Ça, c’est de la veine ! On pourra se tirer pendant tout ce temps. Il ne reviendra pas avant une heure et demie. Alors tu pourras lui poser des colles sur le catéchisme, Dedalus. »

    Stephen, se penchant en arrière et faisant de vagues dessins sur son cahier de brouillon, écoutait le bavardage qui se poursuivait autour de lui et que Héron arrêtait de temps en temps avec des :

    « Fermez donc ça ! Ne faites pas tout ce potin ! »

    Ce qui lui semblait étrange aussi, c’était le plaisir stérile qu’il trouvait à suivre jusqu’au bout de leurs lignes rigides les doctrines de l’Église, à pénétrer leurs réticences obscures, pour n’y entendre et sentir que plus profondément sa propre condamnation. La parole de saint Jacques, disant que celui qui enfreint un des commandements se rend coupable à l’égard de tous les autres13, lui avait paru enflée, jusqu’à ce qu’il commençât à tâtonner dans les ténèbres de son état. De la mauvaise semence de la luxure, tous les autres péchés mortels avaient surgi : orgueil de sa personne et mépris des autres ; convoitise de l’argent à dépenser en plaisirs illicites ; envie envers ceux qu’il ne pouvait égaler dans le vice ; murmure de calomnie contre les gens pieux ; jouissance vorace de la nourriture ; ternes ardeurs d’une colère au milieu de laquelle il couvait son désir, marais de fange spirituelle et corporelle où son être entier avait sombré.

    Assis à son banc, regardant avec calme le visage dur et finaud du recteur, il laissait sa pensée serpenter à travers les questions bizarres qui s’offraient à elle. Si un homme a volé une livre sterling dans sa jeunesse, et la employée à amasser une immense fortune, combien sera-t-il obligé de restituer : la livre qu’il a volée seulement, ou bien cette livre accrue des intérêts composés, ou bien toute son immense fortune ? Si un laïque, au cours d’un baptême, verse l’eau avant de prononcer les paroles, l’enfant est-il baptisé ? Le baptême avec de l’eau minérale serait-il valable ? Comment se fait-il que, si la première Béatitude promet le royaume des cieux aux pauvres en esprit, la seconde promette aussi aux débonnaires qu’ils posséderont la terre14 ? Pourquoi le sacrement de l’eucharistie a-t-il été institué sous les deux espèces du pain et du vin, si vraiment Jésus-Christ est présent en chair et en sang, en âme et en divinité, dans le pain seul, comme dans le vin seul ? Une petite parcelle du pain consacré contient-elle toute la chair et tout le sang de Jésus-Christ, ou bien une partie seulement de cette chair et de ce sang ? Si le vin se change en vinaigre, si l’hostie se corrompt et se décompose après avoir été consacrée, Jésus-Christ demeure-t-il toujours présent sous leurs espèces comme Dieu et comme homme ?

    « Le voilà ! le voilà ! »

    Un élève posté à la fenêtre avait vu le recteur sortir de la maison principale. Tous les catéchismes s’ouvrirent, toutes les têtes se penchèrent en silence. Le recteur entra et gagna sa chaire. Un petit coup de la part du grand garçon assis derrière Stephen engageait celui-ci à poser une question difficile.

    Le recteur ne demanda point qu’on lui passât un catéchisme pour interroger les élèves. Il joignit les mains sur le pupitre et dit :

    « Mercredi après-midi commencera la retraite en l’honneur de saint François-Xavier dont la fête est samedi. La retraite aura lieu de mercredi à vendredi. Vendredi la confession sera reçue durant tout l’après-midi après le chapelet. Si quelques-uns des élèves ont des confesseurs particuliers, il sera sans doute préférable pour eux de n’en pas changer. Le samedi matin à neuf heures, il y aura une messe et une communion générale pour tout le collège. Samedi sera un jour de congé, dimanche bien sûr. Mais, le samedi et le dimanche étant jours de congé, quelques-uns des élèves pourraient être enclins à croire que le lundi sera aussi un jour de congé. Il ne faudrait pas commettre cette erreur. Je pense que vous, Lawless15, seriez capable de commettre cette erreur.

    – Moi, monsieur ? Pourquoi, monsieur ? »

    Une petite vague de gaieté silencieuse, venant du sourire sardonique du recteur, se répandit sur la classe. Le cœur de Stephen commençait lentement à se replier, à se flétrir de peur, comme une fleur mourante.

    Le recteur poursuivait gravement :

    « Vous connaissez tous, je suppose, la vie de saint François-Xavier, patron de votre collège. Il descendait d’une vieille et illustre famille espagnole16, et vous vous rappelez qu’il fut un des premiers disciples de saint Ignace. Ils s’étaient rencontrés à Paris, où François-Xavier était professeur de philosophie à l’Université17. Ce jeune et brillant gentilhomme, cet homme de lettres, se voua de toute son âme aux idées de notre glorieux fondateur et vous savez qu’il fut, sur sa propre demande, envoyé par saint Ignace porter la bonne parole aux Indiens. On l’appelle, comme vous le savez, l’apôtre des Indes. Il parcourut l’Orient, de contrée en contrée, de l’Afrique à l’Inde, de l’Inde au Japon, baptisant le peuple. On dit qu’il a baptisé jusqu’à dix mille idolâtres en un mois. On raconte que son bras droit était devenu infirme à force de se lever sur les têtes de ceux qu’il baptisait. Il eut ensuite le désir de se rendre en Chine pour gagner d’autres âmes encore au Seigneur, mais il succomba à la fièvre dans l’île de Sancian. C’était un grand saint que saint François-Xavier. Un grand soldat de Dieu ! »

    Le recteur fit une pause, puis, secouant ses mains jointes devant lui, continua :

    « Il avait en lui la foi qui transporte les montagnes. Dix mille âmes gagnées à Dieu en un seul mois ! Voilà un véritable conquérant, fidèle à la devise de notre ordre : Ad Majorem Dei Gloriam ! Un saint qui possède un grand pouvoir au ciel, retenez-le bien ; le pouvoir d’intercéder pour nous dans nos malheurs, le pouvoir d’obtenir tout ce pour quoi nous prions, si c’est favorable au bien de nos âmes ; le pouvoir, par-dessus tout, d’obtenir pour nous la grâce du repentir si nous sommes en état de péché. C’est un grand saint que saint François-Xavier ! Un grand pêcheur d’âmes ! »

    Il cessa de secouer ses mains jointes et, les appuyant contre son front, regardait intensément, de droite et de gauche, son auditoire du fond de ses yeux sombres et austères.

    Dans le silence, leur feu sombre embrasait le crépuscule d’une lueur fauve. Le cœur de Stephen venait de se flétrir comme une fleur du désert qui sent l’approche du simoun18.

    *

    « Rappelle-toi seulement tes quatre fins dernières et tu ne pécheras plus jamais – ces paroles, mes chers petits frères en Jésus-Christ, sont extraites de l’Ecclésiaste19, chapitre septième, verset quarantième. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen. »

    Stephen se trouvait au premier banc de la chapelle. Le père Arnall20 était assis à une table, à la gauche de l’autel. Un manteau lourd couvrait ses épaules ;

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