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    2. Portrait de l'artiste en jeune homme
    3. Chapitre 16
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    de nouveau tandis que la férule se levait ; un craquement sonore, et la douleur féroce, affolante, mordante, cuisante, rétrécit sa main, paume et doigts ensemble, en une seule masse livide et tremblante. L’eau bouillonnante jaillit de ses yeux, et, brûlant de honte, d’angoisse et de terreur, il retira son bras tremblant et terrorisé, laissa échapper un gémissement. Son corps était secoué par l’excès de la frayeur ; et, dans sa honte et sa rage, il sentait s’échapper de sa gorge le cri brûlant et les larmes cuisantes tomber de ses yeux, le long de ses joues en feu.

    « À genoux ! » cria le préfet des études.

    Stephen s’agenouilla bien vite, serrant contre son corps ses mains endolories. De les imaginer endolories et enflées soudain, il les plaignait, comme si elles n’étaient pas à lui, mais à quelqu’un d’autre dont il aurait eu pitié. Et tout en s’agenouillant, en apaisant les derniers sanglots dans sa gorge, et en sentant la douleur cuisante blottie contre son corps, il pensait aux mains qu’il avait tendues en l’air, la paume en haut, au ferme attouchement du préfet quand celui-ci avait redressé les doigts agités, et puis à la masse endolorie, enflée, rougie, paume et doigts ensemble, qui palpitait misérablement en l’air.

    « Au travail, vous tous ! cria le préfet du seuil de la porte. Le père Dolan repassera tous les jours pour voir s’il y a quelque paresseux, quelque petit tricheur fainéant qui a besoin d’une correction. Tous les jours, tous les jours ! »

    La porte se referma sur lui.

    Les élèves continuèrent en silence à copier leurs exercices. Le père Arnall quitta son siège et se mit à marcher au milieu deux, les aidant avec des mots gentils, et leur signalant leurs fautes. Sa voix était pleine de bonté et de douceur. Puis il regagna son siège et dit à Fleming et à Stephen :

    « Vous pouvez retourner à vos places, vous deux. »

    Fleming et Stephen se relevèrent, s’en allèrent vers leurs bancs et s’assirent. Stephen, écarlate de honte, ouvrit vivement un livre d’une main faible, et se pencha, la figure contre la page.

    C’était injuste et cruel, puisque le médecin lui avait défendu de lire sans lunettes et qu’il venait d’écrire à son père ce matin même de lui en envoyer d’autres. Et le père Arnall avait dit qu’il n’avait pas besoin de travailler avant d’avoir reçu des lunettes neuves. Et voilà qu’il était traité de combinard devant toute la classe, et battu, lui qui avait toujours été premier ou second, à la tête des Yorkistes. Comment le préfet des études savait-il que c’était un truc ? Il se rappela le contact des doigts du préfet redressant sa main et d’abord il avait cru que le préfet voulait lui donner une poignée de main, tellement ses doigts étaient doux et fermes ; mais l’instant d’après il avait entendu le sifflement de la manche de la soutane et le claquement de la férule. C’était injuste et cruel, de l’avoir fait mettre à genoux, ensuite, au milieu de la classe ; et puis le père Arnall venait de leur dire, à Fleming et à lui, qu’ils pouvaient retourner à leurs places, sans faire aucune distinction entre eux. Il écoutait la voix basse et gentille du père Arnall corrigeant les exercices. Peut-être il avait du regret maintenant et il essayait de se montrer gentil ? Mais c’était injuste et cruel. Le préfet des études était un prêtre, mais c’était injuste et cruel. Son visage gris et les yeux sans couleur, derrière les lunettes à monture d’acier, avaient l’air cruel parce qu’il avait d’abord redressé la main de Stephen avec ses doigts fermes et doux et c’était pour la frapper mieux et avec plus de bruit.

    « C’est vachement moche, ça on peut le dire, dit Fleming dans le corridor, pendant que les élèves défilaient vers le réfectoire, – battre un garçon pour quelque chose qui n’est pas de sa faute !

    – C’est vraiment par accident que tu as cassé tes lunettes ? » demanda La Rosse.

    Stephen sentait les paroles de Fleming remplir son cœur et ne répondit pas.

    « Bien sûr que c’est par accident ! dit Fleming. Moi, je ne supporterais pas ça. Je monterais trouver le recteur et je dénoncerais le préfet des études.

    – Oui, dit avec ardeur Cecil Thunder, et puis je l’ai vu lever la férule par-dessus son épaule, et il n’a pas le droit de le faire.

    – Est-ce que cela t’a fait bien mal ? demanda La Rosse.

    – Très mal, dit Stephen.

    – Moi, je ne supporterais pas ça, répéta Fleming, ni de la part de Crâne Chauve, ni d’aucun autre crâne chauve. C’est vachement moche et dégoûtant, ça, on peut le dire ! Moi, je monterais droit chez le recteur, après le dîner, et je lui dirais tout.

    – Oui, vas-y ! Vas-y ! dit Cecil Thunder.

    – Oui, vas-y ! monte chez le recteur et dénonce-le, Dedalus ! dit La Rosse, parce qu’il a dit qu’il repasserait demain pour te battre !

    – Oui, oui. Dis-le au recteur ! » répétaient les garçons.

    Et il y avait quelques élèves de seconde grammaire qui écoutaient, et l’un d’eux dit :

    « Le Sénat et le peuple romain déclarèrent que Dedalus avait été puni injustement. »

    C’était injuste ; c’était inique et cruel ; assis au réfectoire, il revivait, encore et toujours, par la pensée, la même humiliation, jusqu’à ce qu’il commençât à se demander s’il n’y avait pas réellement sur son visage quelque chose qui lui donnait l’air d’un combinard et il aurait voulu avoir un petit miroir pour regarder. Mais non, ça ne se pouvait pas ; et c’était injuste et cruel et inique.

    Il ne pouvait pas manger ces tranches noirâtres de poisson frit qu’on leur donnait le mercredi pendant le carême et l’une de ses pommes de terre portait la trace de la bêche. Oui, il ferait ce que ses camarades lui conseillaient. Il monterait et dirait au recteur qu’il avait été puni injustement. Une chose comme ça, quelqu’un dans l’histoire l’avait déjà faite, un grand personnage dont la tête se trouvait dans les livres d’histoire. Et le recteur déclarerait qu’il avait été puni injustement parce que le Sénat et le peuple romain déclaraient toujours que les hommes qui faisaient cela avaient été punis injustement. C’étaient de grands hommes, dont les noms étaient dans les Questions de Richmal Magnall131. L’histoire tout entière ne parlait que de ces hommes-là et de ce qu’ils avaient fait, et c’est de cela qu’il s’agissait dans les Récits grecs et romains de Peter Parley132. On voyait à la première page Peter Parley lui-même dans une image. Il y avait une route à travers la lande, bordée d’herbe et de petits buissons ; Peter Parley avait un chapeau à larges bords comme un ministre protestant et une grosse canne, et il marchait vite sur la route vers la Grèce et vers Rome.

    C’était facile, ce qu’il avait à faire. Tout ce qu’il avait à faire, c’était, une fois sorti du réfectoire, après le dîner, de continuer à marcher pas vers le couloir, mais en montant l’escalier de droite qui menait au château. Il n’avait que ça à faire : tourner à droite et monter rapidement et en une demi-minute il se trouverait dans le corridor bas, étroit et sombre, qui conduisait à travers le château jusqu’au bureau du recteur. Et tous ses camarades avaient dit que c’était injuste, même l’élève de seconde grammaire, qui avait dit cette phrase sur le Sénat et le peuple romain.

    Qu’allait-il se passer ? Il entendit les élèves des grandes classes se lever au fond du réfectoire et il entendit leurs pas sur le tapis de nattes ; Paddy Rath et Jimmy Magee, et l’Espagnol et le Portugais et le cinquième était le grand Corrigan, celui qui allait être fouetté par M. Gleeson. Voilà pourquoi le préfet des études avait traité Stephen de combinard et l’avait battu pour rien ; et, faisant un effort avec ses yeux faibles, épuisés par les larmes, il se mit à observer les larges épaules, la grosse tête noire et penchée du grand Corrigan dans la file des élèves. Mais celui-là avait réellement commis quelque chose, et puis M. Gleeson ne le fouetterait pas bien fort ; et il se rappela combien Corrigan paraissait grand au bain. Il avait une peau de la même couleur que l’eau bourbeuse dans la partie peu profonde de la piscine ; lorsqu’il marchait le long du bord ses pieds claquaient bruyamment sur le carrelage humide et à chaque pas ses cuisses tremblaient un peu parce qu’il était gras.

    Le réfectoire était à moitié vide, et les élèves défilaient toujours. Il pouvait monter l’escalier, puisqu’il n’y avait jamais aucun prêtre ni préfet devant la porte du réfectoire. Mais non, il ne pouvait pas. Le recteur prendrait le parti du préfet des études et penserait que c’était un truc d’écolier et alors le préfet repasserait tous les jours, et ça serait la même chose, ou plutôt pire, parce qu’il serait dans une rogne terrible qu’un élève soit allé le dénoncer au recteur. Ses camarades lui avaient conseillé d’y aller, mais ils ne l’auraient pas fait eux-mêmes. Ils n’y pensaient plus du tout. Non, il valait mieux ne plus y penser et peut-être le préfet des études avait-il seulement dit qu’il repasserait ? Non, il valait mieux se tenir à l’écart parce que quand vous êtes petit et jeune vous pouvez souvent vous en tirer de cette façon.

    Ses camarades de table se levèrent à leur tour. Il se leva et se mit avec les autres dans la file. Il lui fallait prendre une décision. Il s’approchait de la porte. S’il continuait avec les

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