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    2. Portrait de l'artiste en jeune homme
    3. Chapitre 15
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    l’armoire de la sacristie, et qu’on les avait découverts à cause de l’odeur. Peut-être avaient-ils volé un ostensoir et s’étaient-ils sauvés avec, pour le vendre quelque part ? Cela devait être un terrible péché, d’entrer là tranquillement, la nuit, d’ouvrir l’armoire sombre et de voler la chose dorée et étincelante dans laquelle on exposait Dieu sur l’autel, au milieu des fleurs et des cierges, à l’heure de la bénédiction, tandis que l’encens montait en nuages de chaque côté, que l’un des élèves balançait l’ostensoir et que Dominique Kelly entonnait tout seul le début du chant. Mais, naturellement, Dieu n’était pas dans l’ostensoir au moment où ils l’ont volé. Pourtant c’était un péché étrange et grave, rien que d’y toucher. Il y pensait avec une terreur profonde. Un étrange et terrible péché ; cela le faisait frémir, de penser à cela, dans le silence où les plumes grinçaient doucement. Dérober le vin du sacrement dans l’armoire et se faire prendre à cause de l’odeur, c’était un péché aussi, mais ce n’était ni terrible ni étrange. Cela vous donnait seulement une sensation de nausée à cause de l’odeur du vin. Le jour de sa première communion, dans la chapelle, il avait fermé les yeux, ouvert la bouche et tiré la langue un peu ; et lorsque le recteur s’était penché vers lui pour lui donner la communion, il avait senti une légère odeur vineuse dans l’haleine du recteur. C’était un mot très beau : vin. Cela faisait penser à la pourpre sombre, parce que les raisins qui mûrissent en Grèce contre les maisons pareilles à des temples blancs sont couleur de pourpre sombre. Cependant la légère odeur de l’haleine du recteur lui avait fait mal au cœur, ce jour-là… Le jour de la première communion était le plus heureux jour de la vie. Une fois, un tas de généraux avaient demandé à Napoléon quel était le plus heureux jour de sa vie. Ils pensaient qu’il citerait un jour où il avait gagné quelque grande bataille, ou bien le jour où il était devenu empereur. Mais il dit :

    « Messieurs, le plus heureux jour de ma vie fut celui de ma première communion. »

    Le père Arnall fit son entrée et la leçon de latin commença. Stephen restait toujours penché sur le pupitre, les bras croisés. Le père Arnall rendit les cahiers d’exercices, déclara qu’ils étaient tous scandaleux et qu’on devait les recopier tout de suite, corrigés. Le plus mauvais de tous était l’exercice de Fleming, parce que les pages étaient collées ensemble par un pâté d’encre. Le père Arnall le souleva par un coin et dit que c’était insulter le professeur que de lui remettre un pareil devoir. Puis il demanda à Jack Lawton de décliner le nom mare ; Jack Lawton s’arrêta à l’ablatif singulier et ne put continuer au pluriel.

    « Vous devriez avoir honte, dit le père Arnall sévèrement, vous, le premier de la classe ! »

    Il interrogea le suivant, puis le suivant. Personne ne savait. Le père Arnall devint très calme, de plus en plus calme à mesure que les élèves s’efforçaient de répondre sans y parvenir. Mais il avait l’air sombre et le regard fixe, malgré le calme de sa voix. Puis il interrogea Fleming, et Fleming dit que ce mot n’avait pas de pluriel. Le père Arnall ferma le livre brusquement et cria :

    « Mettez-vous à genoux au milieu de la classe. Vous êtes un des plus grands paresseux125 que j’aie jamais vus. Copiez vos exercices, vous autres ! »

    Fleming quitta lourdement sa place et s’agenouilla entre les deux derniers bancs. Les autres élèves se penchèrent sur leurs cahiers d’exercices et se mirent à écrire. Le silence remplit la pièce, et Stephen, jetant un timide coup d’œil sur le visage sombre du père Arnall, vit qu’il avait rougi de colère.

    Était-ce un péché de la part du père Arnall, de se mettre en colère, ou bien est-ce que cela lui était permis, lorsque les élèves étaient paresseux, pour les obliger à travailler mieux ? Ou bien faisait-il seulement semblant d’être en colère ? Cela devait lui être permis, car un prêtre sait ce qui est un péché, et ne le fait pas. Mais s’il péchait une fois, par erreur, qu’est-ce qu’il ferait, pour se confesser ? Peut-être irait-il se confesser au vice-recteur ? Et si le vice-recteur commettait un péché, il irait chez le recteur ; et le recteur chez le provincial ; et le provincial chez le général des jésuites. Cela s’appelait l’ordre, et le père de Stephen disait que les jésuites étaient des hommes très intelligents. Ils auraient tous pu avoir de grandes situations dans le monde s’ils n’étaient pas devenus jésuites. Il se demandait ce que seraient devenus le père Arnall et Paddy Barrett, et ce que seraient devenus M. McGlade et M. Gleeson s’ils n’étaient pas devenus jésuites. C’était difficile à imaginer, parce qu’il fallait se les représenter autrement, avec des habits d’une autre couleur, avec des pantalons, avec des barbes et des moustaches, et des chapeaux d’une forme différente.

    La porte s’ouvrit doucement et se referma. Un chuchotement rapide parcourut la classe : le préfet des études. Pendant un instant il y eut un silence de mort, puis un bruyant claquement de férule sur le dernier pupitre. Le cœur de Stephen bondit de frayeur.

    « Y a-t-il des garçons qui ont besoin d’une correction, par ici père Arnall ? cria le préfet. Des paresseux, des fainéants qui ont besoin d’être fouettés, dans cette classe ? »

    Il s’avança vers le milieu de la pièce et vit Fleming à genoux.

    « Hoho ! s’écria-t-il. Qui est-ce ? Pourquoi est-il à genoux ? Comment t’appelles-tu ?

    – Fleming, monsieur.

    – Hoho ! Fleming ! Un paresseux, bien entendu ! Je le vois à tes yeux. Pourquoi est-il à genoux, père Arnall ?

    – Il a mal fait son thème latin, dit le père Arnall, et il n’a pu répondre à aucune question de grammaire.

    – Bien entendu ! cria le préfet des études. Bien entendu ! Un fainéant de naissance ! Je le vois dans le coin de ses yeux. »

    Il fit claquer sa férule sur le pupitre et cria :

    « Debout, Fleming ! Debout, mon garçon ! »

    Fleming se leva lentement.

    « Allons, ta main ! » cria le préfet. Fleming avança la main. La férule s’y abattit en claquant : un, deux, trois, quatre, cinq, six.

    « L’autre main ! »

    La férule retomba de nouveau en six coups sonores et brefs.

    « À genoux ! » cria le préfet.

    Fleming s’agenouilla en serrant les mains sous ses aisselles, le visage tordu de douleur, mais Stephen savait comme les mains de Fleming étaient dures, parce qu’il les frottait toujours avec de la résine. Mais peut-être avait-il très mal tout de même, car le bruit de la férule avait été terrible. Le cœur de Stephen battait et palpitait.

    « Au travail, vous tous ! vociférait le préfet des études. Nous n’avons pas besoin de fainéants ici, de petits tricheurs paresseux ! Au travail, je vous dis ! le père Dolan126 passera vous voir tous les jours. Le père Dolan repassera dès demain !

    Il poussa la férule dans les côtes d’un des élèves, disant :

    « Toi, réponds : quand est-ce que le père Dolan repassera ici ?

    – Demain, monsieur, répondit la voix de Tom Furlong127.

    – Demain, et demain, et demain128, dit le préfet. Mettez-vous bien cela dans la tête. Tous les jours le père Dolan. Écrivez. Toi, mon garçon, qui es-tu ? »

    Le cœur de Stephen fit un sursaut.

    « Dedalus, monsieur.

    – Pourquoi n’écris-tu pas comme les autres ?

    – Je… mes…

    – Pourquoi n’écrit-il pas, père Arnall ?

    – Il a cassé ses lunettes, dit le père Arnall, et je lai dispensé de travailler.

    – Cassé ? Qu’est-ce que j’entends ? Quoi ? Ton nom ? dit le préfet des études.

    – Dedalus, monsieur.

    – Approche, Dedalus. Vilain petit combinard129 ! Je vois sur ta figure que tu es un combinard. Où as-tu cassé tes lunettes ? »

    Stephen s’avança en titubant jusqu’au milieu de la classe, aveuglé par la peur et la hâte.

    « Où as-tu cassé tes lunettes ? répéta le préfet des études.

    – Sur la cendrée, monsieur.

    – Hoho ! la cendrée ! s’écria le préfet. Je connais le truc ! »

    Stephen leva les yeux avec étonnement et vit pendant un instant le visage du père Dolan, son visage grisâtre, vieillot, sa tête chauve, grise, encadrée de duvet, le bord métallique de ses lunettes et ses yeux sans couleur regardant à travers les verres130. Pourquoi disait-il qu’il connaissait le truc ?

    « Vilain petit fainéant ! cria le préfet. Cassé mes lunettes ? Vieux truc d’écolier ! Allons ! ta main, et tout de suite ! »

    Stephen ferma les yeux et tendit en l’air sa main tremblante la paume en haut. Il sentit que le préfet la prenait par les doigts pour la retourner ; il entendit siffler la manche de la soutane, quand la férule se leva pour frapper. Un coup chaud, brûlant, mordant, cuisant, quelque chose comme le craquement sonore d’un bâton qu’on brise – et sa main tremblante se recroquevilla comme une feuille dans la flamme. Ce bruit et cette douleur firent jaillir de ses yeux des larmes brûlantes. Tout son corps tremblait de peur, son bras tremblait et sa main recroquevillée, brûlante, livide, tremblait comme une feuille au vent. Un cri de supplication monta à ses lèvres. Cependant, malgré ses yeux brûlés par les larmes, malgré ses membres agités par la douleur et la crainte, il réprima les larmes chaudes et le cri qui brûlait sa gorge.

    « L’autre main ! » cria le préfet des études.

    Stephen retira son bras droit, endolori, frémissant, et présenta sa main gauche. La manche de la soutane siffla

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