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    2. Portrait de l'artiste en jeune homme
    3. Chapitre 12
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    ! dit oncle Charles : songe à l’enfant.

    – Oui, oui, dit M. Dedalus. Je voulais dire le… Je parlais du mauvais langage de cet employé de chemin de fer. Allons, ça va bien. Stephen, laisse-moi voir ton assiette, mon vieux. Mange donc, allons ! »

    Il remplit l’assiette de Stephen et servit à oncle Charles et à M. Casey de gros morceaux de dinde copieusement arrosés de sauce. Mme Dedalus mangeait peu et Dante tenait les mains sur ses genoux. Son visage était rouge. M. Dedalus piocha avec le couvert à découper à l’extrémité du plat et dit :

    « Voici un morceau succulent qu’on appelle le nez du pape91. Si un de ces messieurs et dames ?… »

    Il brandissait le morceau de volaille au bout de sa fourchette. Personne ne dit mot. Il le posa sur sa propre assiette, disant :

    « Allons, vous ne pourrez pas dire que je ne vous l’ai pas offert. Je crois que je ferais mieux de le manger moi-même ; car ma santé laisse à désirer depuis quelque temps. »

    Il regarda Stephen du coin de l’œil, rajusta le couvercle du plat et se remit à manger. Il y eut un silence. Puis il dit :

    « Il a fait une belle journée, tout de même. Il y avait beaucoup de promeneurs. »

    Personne ne parla. Il reprit :

    « Plus de promeneurs que l’an dernier, il me semble. »

    Il jeta un coup d’œil circulaire sur les autres. Leurs visages étaient penchés sur leurs assiettes. Puis, ne recevant pas de réponse, il dit avec dépit :

    « C’est égal, mon dîner de Noël est raté !

    – Il ne saurait y avoir de prospérité, ni de grâce, dit Dante, sur une maison où il n’y a point de respect envers les pasteurs de l’Église. »

    M. Dedalus jeta bruyamment son couvert sur son assiette.

    « Du respect ? dit-il. Pour qui donc ? Pour Billy-le-Lippu92 ou pour ce tonneau de tripes, là-bas, à Armagh93 ? Du respect !

    – Princes de l’Église, dit M. Casey avec une lenteur méprisante.

    – Le cocher de Lord Leitrim94, oui ! dit M. Dedalus.

    – Ce sont les oints du Seigneur, dit Dante. Ils représentent l’honneur de leur pays.

    – Un vrai tonneau de tripes, dit brutalement M. Dedalus. Et remarquez qu’il a une belle figure, au repos. Il faut voir ce gaillard-là engloutir ses choux au lard par un jour d’hiver. Eh, Johnny ! »

    Il tordit ses traits en une grimace de lourde bestialité et fit un bruit glouton avec ses lèvres.

    « Vraiment, Simon, tu ne devrais pas parler ainsi devant Stephen. Ce n’est pas bien.

    – Oh ! il se rappellera tout cela quand il sera grand, fit Dante avec chaleur. Il se rappellera les propos qu’il a entendus contre Dieu, contre la religion et contre les prêtres, dans sa propre maison.

    – Et qu’il se rappelle aussi, lui cria M. Casey pardessus la table, les propos par lesquels les prêtres et leur clique ont achevé Parnell et l’ont pourchassé jusqu’au tombeau ! Qu’il se rappelle cela aussi, lorsqu’il sera grand !

    – Les salauds ! cria M. Dedalus. Dès qu’il a eu le dessous, ils se sont retournés pour le trahir, pour le déchirer comme des rats d’égout. Sales roquets ! Et ils en ont bien l’air ! Par le Christ, ils en ont bien l’air !

    – Ils ont bien agi, cria Dante. Ils ont obéi à leurs évêques et à leurs prêtres. Honneur à eux !

    – Eh bien, c’est vraiment terrible à dire, que nous ne puissions pas, même pour un seul jour dans l’année, dit Mme Dedalus, être à l’abri de ces terribles disputes. »

    Oncle Charles leva les mains avec douceur et dit :

    « Allons ! allons ! allons ! Ne pouvons-nous garder nos opinions, quelles qu’elles soient, sans cette mauvaise humeur et ce mauvais langage ? C’est malheureux, vraiment ! »

    Mme Dedalus parla tout bas à Dante, mais Dante répondit tout haut :

    « Je ne veux pas me taire. Je veux défendre mon Église et ma religion lorsque des catholiques renégats les insultent et crachent sur elles. »

    M. Casey poussa brusquement son assiette vers le milieu de la table, et, appuyant ses coudes devant lui, dit d’une voix rude en s’adressant à son hôte :

    « Dites-moi, vous ai-je raconté l’histoire de ce fameux crachat ?

    – Non, John, dit M. Dedalus.

    – Eh bien, dit M. Casey, c’est une histoire très édifiante. Elle arriva il n’y a pas longtemps, dans ce comté de Wicklow où nous sommes présentement95. »

    Il s’interrompit, se tourna vers Dante et ajouta avec une calme indignation :

    « Et je me permets de vous dire, m’ame, – si c’est à moi que vous faites allusion, – que je ne suis pas un catholique renégat. Je suis un catholique, comme l’était mon père et son père à lui, et le père de son père, au temps où nous faisions le sacrifice de nos vies plutôt que de trahir notre foi.

    – Il est d’autant plus honteux, à présent, dit Dante, de parler comme vous le faites.

    – L’histoire, John ! dit M. Dedalus en souriant. Contez-nous l’histoire, coûte que coûte.

    – Catholique, vraiment ! répétait Dante avec ironie. Le plus endurci des protestants dans tout le pays ne parlerait pas le langage que j’ai entendu ce soir. »

    M. Dedalus commença à balancer la tête en roucoulant comme un chanteur de village.

    « Je ne suis pas un protestant, je vous le répète », dit M. Casey qui s’échauffait.

    M. Dedalus, toujours roucoulant et dodelinant de la tête, se mit à chanter avec des grognements nasillards :

    Ô vous tous, catholiques romains96

    Qui n’allâtes jamais à la messe…

    Il reprit son couteau et sa fourchette, avec bonne humeur, et se disposa à manger, disant à M. Casey :

    « Contez-nous l’histoire, John ! cela va nous aider à digérer. »

    Stephen jeta un coup d’œil affectueux sur le visage de M. Casey qui regardait fixement de l’autre côté de la table, par-dessus ses mains jointes. Il aimait à rester près de lui au coin du feu, à regarder ce visage sombre et farouche. Pourtant ses yeux sombres n’étaient jamais farouches, et sa voix lente était bonne à écouter. Alors pourquoi était-il contre les prêtres ? Alors, Dante devait avoir raison. Pourtant il avait entendu son père dire que c’était une nonne défroquée et qu’elle avait quitté son couvent des Alleghanys, lorsque son frère avait gagné de l’argent chez les sauvages avec ses colifichets de pacotille97. Peut-être était-ce ça qui la rendait sévère à l’égard de Parnell ? Elle n’aimait pas que Stephen jouât avec Eileen parce que Eileen était protestante et que Dante, dans sa jeunesse, avait connu des enfants qui jouaient avec des protestants et les protestants tournaient en dérision les litanies de la Sainte Vierge. Tour d’Ivoire, disaient-ils ; Maison d’or ! Comment une femme serait-elle une tour d’ivoire ou une maison d’or ? Qui donc avait raison ? Il se rappela le soir à l’infirmerie de Clongowes, les vagues sombres, la lumière au bout de la jetée et les lamentations de la foule lorsqu’elle eut appris la nouvelle.

    Eileen avait de longues mains blanches. Un soir, en jouant au chat, elle lui avait mis les mains sur les yeux : elles étaient longues et blanches et fines et froides et douces. C’était cela de l’ivoire : une chose froide et blanche. C’était cela, le sens de Tour d’Ivoire98.

    « L’histoire est courte et bonne, disait M. Casey. Cela se passait un jour à Arklow99, un jour de gros froid, peu de temps avant la mort du chef, – que Dieu lait en sa miséricorde. »

    Il ferma les yeux d’un air las, et fit une pause. M. Dedalus prit un os dans son assiette, en arracha un peu de chair avec ses dents, et fit :

    « Avant qu’on l’ait tué, vous voulez dire. »

    M. Casey rouvrit les yeux, soupira et reprit :

    « Cela se passait un jour à Arklow. Nous étions là pour une réunion, et après la réunion nous avons dû nous frayer un chemin jusqu’à la gare à travers la foule. Des cris d’animaux et des huées comme vous n’en avez jamais entendu, mon vieux ! Ils nous traitaient de tous les noms imaginables. Il y avait là une vieille bonne femme, saoule comme une bourrique, ma parole, qui concentra toute son attention sur moi. Elle ne faisait que danser à mes côtés dans la boue, braillant et me hurlant au nez : “ Persécuteur de prêtres ! Les fonds de Paris100 ! M. Fox101 ! Kitty O’Shea ! ”

    – Alors, qu’avez-vous fait, John ? demanda M. Dedalus.

    – Je la laissai brailler, dit M. Casey. Il faisait froid et pour me maintenir en forme j’avais – (sauf votre respect, m’ame) – une chique de Tullamore dans la bouche ; et, naturellement, j’étais dans l’impossibilité de dire un seul mot vu que ma bouche était pleine de jus de tabac.

    – Et alors, John ?

    – Et alors, je la laissai brailler tout à son aise – Kitty O’Shea et tout le reste –, jusqu’à ce qu’à la fin elle appelât cette dame d’un nom que je ne répéterai point pour ne pas souiller ce repas de fête, ni vos oreilles, m’ame, ni mes propres lèvres. »

    Il fit une pause. M. Dedalus, levant la tête de dessus l’os de dinde, demanda :

    « Alors, qu’avez-vous fait, John ?

    – Ce que j’ai fait ? dit M. Casey. Elle avait fourré sa vilaine vieille figure contre la mienne en disant cela, et ma bouche était pleine de jus de tabac. Je me penche et je lui dis : Pflt ! – comme ça. »

    Il se tourna de côté et fit semblant de cracher.

    « Je lui dis : Pflt, comme ça, droit dans l’œil. »

    Il

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