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    2. Portrait de l'artiste en jeune homme
    3. Chapitre 11
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    et M. Casey, assis dans les bergères de chaque côté de l’âtre ; Stephen, assis sur une chaise entre eux deux, les pieds sur le tabouret capitonné83. M. Dedalus se regarda dans la glace du trumeau au-dessus de la cheminée, effila les bouts de sa moustache, puis, écartant les pans de sa jaquette, tourna le dos au feu ardent ; et pourtant de temps à autre il sortait une main de dessous les pans de sa jaquette pour effiler une fois de plus un des bouts de sa moustache. M. Casey penchait la tête de côté, souriait et tapotait des doigts la glande de son cou. Stephen souriait aussi : il savait maintenant que ce n’était pas vrai que M. Casey eût une bourse d’argent dans la gorge. Il souriait en pensant combien il avait été trompé par le bruit argentin que faisait M. Casey. Et en essayant d’ouvrir la main de M. Casey pour voir si la bourse d’argent n’y était pas cachée, il avait vu que les doigts ne pouvaient pas se déplier, et M. Casey lui avait expliqué qu’il avait attrapé une crampe à ces trois doigts en préparant un cadeau d’anniversaire pour la Reine Victoria84.

    M. Casey tapotait la glande de son cou et souriait à Stephen avec des yeux ensommeillés ; et M. Dedalus lui dit :

    « Oui. Bon, voilà qui est bien. Ah, nous avons fait une bonne promenade, n’est-ce pas, John ? Oui… Je me demande s’il y a quelque espoir de dîner ce soir ? Oui-Bon, nous avons fait une bonne provision d’ozone aujourd’hui en faisant le tour du Cap85. Ma foi, oui. »

    Il se tourna vers Dante ;

    « Vous n’avez pas bougé, madame Riordan ? »

    Dante fronça les sourcils et répondit d’un ton bref :

    « Non. »

    M. Dedalus laissa retomber les pans de sa jaquette et alla vers le buffet. Il sortit du placard une grande cruche de grès contenant du whisky et remplit lentement la carafe, se penchant de temps en temps pour voir combien il en avait versé. Puis, après avoir remis la cruche dans le placard, il versa un peu de whisky dans deux verres, ajouta un peu d’eau et revint avec cela vers la cheminée.

    « Un dé de whisky, John ? dit-il : juste de quoi vous aiguiser l’appétit ! »

    M. Casey prit le verre, y goûta, et le plaça près de lui sur la cheminée. Puis il dit :

    « Eh bien, je ne peux m’empêcher de penser à notre ami Christophe qui fabrique… »

    Il eut un accès de rire et de toux, puis acheva :

    « … qui fabrique ce champagne pour ces gaillards-là ! »

    M. Dedalus rit bruyamment.

    « Christy ? dit-il : il y a plus de ruse dans une seule verrue de sa tête chauve que dans toute une bande de renards ! »

    Il pencha la tête, ferma les yeux, et, après avoir abondamment humecté ses lèvres, se mit à parler avec la voix de l’hôtelier :

    « Et il a une bouche si suave quand il vous parle, n’est-ce pas ? Il en a les babines toutes dégoulinantes, que Dieu le bénisse ! »

    M. Casey luttait toujours contre son accès de toux et de rire. Stephen riait, voyant et entendant l’hôtelier, à travers le visage et la voix de son père.

    M. Dedalus remit son monocle et, abaissant son regard sur Stephen, dit avec une tranquille affabilité :

    « De quoi ris-tu, petit drôle ? »

    Les servantes entrèrent et déposèrent les plats sur la table. Mme Dedalus vint ensuite, et les places furent désignées.

    « A table », dit-elle.

    M. Dedalus se plaça au bout de la table, et dit :

    « Asseyez-vous donc, madame Riordan ! John, asseyez-vous, mon vieux. »

    Il jeta un coup d’œil vers la place d’oncle Charles et dit :

    « Tenez, monsieur, voici un oiseau qui vous attend. »

    Lorsque tout le monde eut pris place, il posa la main sur le couvercle du plat, puis la retira et dit vivement :

    « Allons, Stephen ! »

    Stephen se leva pour dire le bénédicité :

    « Bénis-nous, Seigneur, et bénis les dons que nous allons recevoir de ta bonté, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ. Amen. »

    Tous se signèrent et M. Dedalus, avec un soupir de satisfaction, enleva du plat le lourd couvercle emperlé de gouttelettes étincelantes.

    Stephen regarda la dinde dodue, qu’il avait vue posée sur la table de cuisine, troussée et embrochée. Il savait que son père l’avait payée une guinée chez Dunn, D’Olier Street86, et que le marchand avait à plusieurs reprises tâté le bréchet de la volaille pour montrer combien elle était excellente et il se rappelait la voix de l’homme disant :

    « Prenez celle-ci, monsieur, c’est de la camelote de premier choix87 ! »

    Pourquoi M. Barrett, à Clongowes, appelait-il sa férule88 une dinde ? Mais Clongowes était loin et le tiède et lourd fumet de la dinde, du jambon, du céleri montait des assiettes et des plats et le grand feu était haut dressé et rouge dans la grille et le lierre vert et le houx rouge réjouissaient l’âme ; et à la fin du dîner, on apporterait le grand plum-pudding garni d’amandes décortiquées et de brindilles de houx, une flamme bleuâtre courant autour et un petit drapeau vert flottant au sommet.

    C’était son premier dîner de Noël ; il songea à ses petits frères et sœurs qui attendaient dans la nursery, comme il l’avait lui-même attendu si souvent, l’arrivée du pudding. À cause de son large col rabattu et de sa jaquette d’écolier, il se sentait tout drôle et vieillot et le matin où sa mère l’avait amené au salon, habillé pour la messe, son père s’était mis à pleurer. C’était parce qu’il pensait à son propre père. C’était ce qu’oncle Charles avait dit aussi.

    M. Dedalus recouvrit le plat et commença à manger d’un air affamé. Puis il dit :

    « Ce pauvre Christy ! le voilà presque bancal sous le poids de sa coquinerie.

    – Simon, dit Mme Dedalus, tu n’as pas offert de sauce à Mme Riordan. »

    M. Dedalus saisit la saucière.

    « Vraiment ? s’écria-t-il. Madame Riordan, excusez le pauvre aveugle. »

    Dante couvrit son assiette avec ses mains et dit :

    « Non, merci. »

    M. Dedalus se tourna vers oncle Charles.

    « Êtes-vous en règle, monsieur ?

    – Comme un papier à musique, Simon !

    – Et vous, John ?

    – J’ai tout ce qu’il faut. Mais vous-même ?

    – Mary ? Tiens, Stephen, voilà de quoi te faire friser les cheveux ! »

    Il versa largement de la sauce sur l’assiette de Stephen et reposa la saucière sur la table. Puis il demanda à oncle Charles si c’était tendre. Oncle Charles ne pouvait parler parce qu’il avait la bouche pleine, mais il fit signe que oui.

    « Il en a fait, une bonne réponse au chanoine, notre ami, hein ? dit M. Dedalus.

    – Je ne l’en aurais pas cru capable, fit M. Casey.

    – “ Je paierai ce qui vous est dû, mon Père, lorsque vous cesserez de transformer la maison de Dieu en un bureau de vote. ”

    – Jolie réponse à faire à son curé, fit Dante, de la part de quelqu’un qui se dit catholique !

    – Ils ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes, dit M. Dedalus avec suavité. S’ils suivaient l’avis du premier imbécile venu, ils limiteraient leur zèle à la religion.

    – C’est de la religion, dit Dante. Ils font leur devoir en avertissant le peuple.

    – Nous allons à la maison de Dieu, dit M. Casey, pour prier en toute humilité notre Créateur et non pour écouter des discours électoraux.

    – C’est de la religion, répéta Dante. Ils ont raison. Ils ont le devoir de diriger leurs ouailles.

    – Et de prêcher la politique devant l’autel, n’est-ce pas ? demanda M. Dedalus.

    – Certainement, dit Dante. C’est une question de moralité publique. Un prêtre ne serait pas un prêtre s’il ne montrait pas à ses ouailles ce qui est bien et ce qui est mal. »

    Mme Dedalus déposa son couteau et sa fourchette, disant :

    « Pour l’amour de Dieu, ne soulevons pas de discussion politique en ce jour entre tous les jours de l’année !

    – Vous avez parfaitement raison, m’ame, dit oncle Charles ; allons, Simon, cela suffit. Plus un mot, maintenant.

    – Bon, bon », dit M. Dedalus vivement.

    Il découvrit le plat d’un geste crâne, et dit :

    « Eh bien, qui veut encore de cette dinde ? »

    Personne ne répondait. Dante dit :

    « Un joli langage de la part d’un catholique !

    – Madame Riordan, je vous en supplie, dit Mme Dedalus, laissons ce sujet ! »

    Dante se tournant contre elle, dit :

    « Alors, dois-je rester là à les écouter bafouer les prêtres de mon église ?

    – Personne ne dit rien contre eux, répliqua M. Dedalus, tant qu’ils ne se mêlent pas de politique.

    – Les évêques et les prêtres d’Irlande ont parlé, dit Dante, il faut qu’on leur obéisse.

    – Qu’ils abandonnent la politique, dit M. Casey ou bien le peuple risque d’abandonner leur église.

    – Vous entendez ? fit Dante en se tournant vers Mme Dedalus.

    – Monsieur Casey ! Simon ! dit Mme Dedalus : laissez cela maintenant !

    – C’est trop fort ! dit oncle Charles.

    – Quoi ? s’écria M. Dedalus. Devions-nous le lâcher sur l’ordre des Anglais89 ?

    – Il n’était plus digne de commander, dit Dante. C’était un pécheur avéré.

    – Nous sommes tous des pécheurs, et de sombres pécheurs, trancha M. Casey.

    – “ Malheur à l’homme par qui le scandale arrive ”, dit Mme Riordan : “ Il vaudrait mieux pour lui avoir une meule attachée autour du cou et être jeté au fond de la mer plutôt que de scandaliser un seul de ces petits90. ” Voilà le langage de l’Esprit-Saint.

    – Un bien mauvais langage, à mon avis, dit M. Dedalus avec froideur.

    – Simon ! Simon

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