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    2. Portrait de l'artiste en jeune homme
    3. Chapitre 10
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    drôle aussi de ne pas pouvoir lui dire Monsieur parce qu’il était un frère et qu’il avait un air différent des autres. Est-ce qu’il n’était pas assez pieux, ou bien qu’est-ce qui l’empêchait de rattraper les autres ?

    Il y avait deux lits dans la chambre, et dans l’un des deux, il y avait un camarade ; lorsqu’ils entrèrent, celui-ci cria :

    « Hé ! c’est le petit Dedalus ! Qu’est-ce qui se passe ?

    – Le temps se passe », dit le frère Michael.

    C’était un élève de grammaire trois, pendant que Stephen se déshabillait, il demanda au frère Michael de lui apporter une tartine de pain grillé.

    « Je vous en prie ! disait-il.

    – Tu peux te tartiner71 ! dit le frère Michael. Tu auras ton billet de sortie ce matin, aussitôt que le docteur sera là.

    – Mon billet de sortie ? dit le garçon. Je ne suis pas encore bien. »

    Le frère Michael répéta :

    « Tu auras ton billet de sortie. C’est moi qui te le dis. »

    Il se baissa pour tisonner le feu72. Son dos était très long, comme le dos très long d’un cheval de tramway. Il remuait le tisonnier gravement et hochait la tête vers l’élève de grammaire trois.

    Puis le frère Michael s’en alla et quelques instants après, l’élève de grammaire trois se tourna vers le mur et s’endormit.

    C’était ça, l’infirmerie. Donc, il était malade. Avait-on écrit chez lui pour prévenir sa mère et son père ? Ce serait plus vite fait si l’un des prêtres allait les prévenir lui-même. Ou bien il écrirait une lettre que le prêtre leur porterait :

    « Chère Maman,

    « Je suis malade. Je voudrais rentrer à la maison. Viens s’il te plaît m’emmener à la maison. Je suis à l’infirmerie.

    « Ton fils qui t’aime,

    STEPHEN. »

    Comme ils étaient loin ! Il y avait un soleil froid derrière la fenêtre. Il se demandait s’il allait mourir. On pouvait mourir aussi bien par un jour de soleil73. Il pouvait mourir avant l’arrivée de sa mère. Alors il aurait une messe des morts dans la chapelle, pour lui, comme ses camarades lui avaient dit que c’était quand Little était mort. Tous les camarades seraient à la messe, vêtus de noir, tous avec des figures tristes. Wells serait là aussi, mais personne ne voudrait le regarder. Le recteur serait là, avec une chape noir et or ; il y aurait de grands cierges jaunes sur l’autel et autour du catafalque. Et on emporterait le cercueil hors de la chapelle, lentement, et on l’enterrerait dans le petit cimetière de la communauté, derrière la grande avenue de tilleuls74. Et alors Wells regretterait ce qu’il avait fait. Et la cloche sonnerait lentement le glas.

    Il entendait ce glas. Il se répétait la chanson que Brigitte lui avait apprise :

    Ding-dong, la cloche du château !

    Adieu, ma mère !

    Enterrez-moi dans le vieux cimetière,

    Près de l’aîné de mes frères.

    Que mon cercueil soit noir,

    Six anges venant derrière,

    Deux pour chanter, et deux pour prier,

    Et deux pour emporter mon âme.

    Que c’était beau et triste ! Que les paroles étaient belles, là où ça disait : Enterrez-moi dans le vieux cimetière ! Un frisson passa sur son corps. Que c’était triste et que c’était beau. Il avait envie de pleurer en silence, mais pas à cause de lui-même, à cause de ces paroles, si belles et si tristes, comme de la musique. Ding-dong ! Ding-dong ! Adieu ! Oh ! adieu !

    Le soleil froid était plus faible et le frère Michael était devant son lit avec un bol de bouillon. Il en fut heureux, parce que sa bouche était brûlante et sèche. Il les entendait jouer sur les terrains, la journée continuait au collège tout comme s’il était là-bas. Et puis le frère Michael se disposa à sortir, et l’élève de grammaire trois lui recommanda de revenir sans faute pour lui rapporter toutes les nouvelles du journal. Il dit à Stephen qu’il s’appelait Athy75 et que son père avait des tas de chevaux de course, des sauteurs épatants, et que son père donnerait un bon tuyau au frère Michael dès qu’il le voudrait, parce que le frère Michael était très gentil et lui racontait les nouvelles parues dans le journal qu’on recevait tous les jours au château. Il y avait toutes sortes de nouvelles dans le journal : des accidents, des naufrages, des sports et de la politique.

    « En ce moment, il n’y a que de la politique, dans les journaux, dit-il. Est-ce que tes parents en parlent aussi ?

    – Oui, dit Stephen.

    – Les miens aussi », dit l’autre.

    Alors il réfléchit un instant et dit :

    « Tu as un drôle de nom : Dedalus ; et moi j’ai un drôle de nom : Athy. Mon nom, c’est le nom d’une ville. Le tien, c’est comme du latin. »

    Puis il demanda :

    « Es-tu fort en devinettes ? »

    Stephen répondit :

    « Pas très fort. »

    Alors l’autre dit :

    « Peux-tu me donner la réponse de celle-ci : pourquoi est-ce que le comté de Kildare ressemble à une jambe de pantalon ? »

    Stephen réfléchit, cherchant la réponse, et puis dit :

    « Je donne ma langue au chat.

    – Parce qu’il contient une cuisse76, dit l’autre. Tu vois l’astuce ? Athy, c’est la ville du comté de Kildare, et c’est aussi une cuisse.

    – Ah ! je vois, dit Stephen.

    – C’est une vieille devinette », dit l’autre.

    Au bout d’un moment, il reprit :

    « Dis donc !

    – Quoi ? demanda Stephen.

    – Tu sais, on peut poser cette devinette d’une autre manière.

    – Oui ? dit Stephen.

    – La même devinette. Tu sais l’autre façon de la poser ?

    – Non, dit Stephen.

    – Tu ne peux pas trouver l’autre façon ? »

    Il parlait en regardant Stephen par-dessus les couvertures. Puis il se recoucha sur l’oreiller et dit :

    « Il y a une autre façon, mais je ne te dirai pas ce que c’est. »

    Pourquoi ne le disait-il pas ? Son père, qui avait des chevaux de course, devait être magistrat, comme le père de Saurin et celui de La Rosse. Il pensa à son propre père, et comment celui-ci chantait des chansons pendant que sa mère jouait et comment il lui donnait toujours un shilling lorsqu’il lui demandait six pence et il était désole pour lui qu’il ne soit pas magistrat comme les pères des autres garçons77. Alors pourquoi l’avait-on envoyé dans cet endroit avec eux ? Mais son père lui avait dit qu’il n’y serait pas un étranger, parce que son grand-oncle y avait présenté une adresse au Libérateur cinquante ans auparavant78. On pouvait reconnaître les gens de cette époque à leurs costumes anciens. Cette époque lui paraissait très solennelle ; et il se demandait si c’était le temps où les élèves de Clongowes portaient des habits bleus avec des boutons de cuivre, des gilets jaunes et des bonnets en peau de lapin79, le temps où ils buvaient de la bière comme les grandes personnes et avaient des lévriers pour chasser le lièvre.

    Il regarda la fenêtre et vit que le jour avait faibli. Il devait y avoir une lumière brumeuse et grise sur les terrains de sport. Il n’y avait pas de bruit sur les terrains de sport. Sa classe devait être en train de faire des thèmes, ou peut-être le père Arnall lisait-il une légende dans le livre.

    C’était drôle qu’on ne lui ait pas donné de médicament. Peut-être que le frère Michael en rapporterait à son retour. Il avait entendu dire qu’à l’infirmerie on vous donnait à boire des choses puantes. Mais il se sentait mieux qu’avant. Ce serait bon de se remettre petit à petit. Alors, on pouvait avoir un livre. À la bibliothèque il y avait un livre sur la Hollande80. Il y avait de merveilleux noms d’autres pays, là-dedans, des images de cités et de bateaux étranges. Cela vous rendait si heureux !

    Comme la lumière était pâle, à la fenêtre ! Mais c’était joli. Le reflet du feu montait et retombait sur le mur. C’était comme des vagues. Quelqu’un avait remis du charbon et Stephen entendit des voix. On parlait. C’était le bruit des vagues ou bien les vagues parlaient entre elles, tout en montant et retombant.

    Il vit une mer de vagues, de longues vagues sombres, montant et retombant, sombres sous la nuit sans lune. Une toute petite lumière scintillait au bout de la jetée, où arrivait le bateau ; et il discerna une multitude de gens, rassemblés au bord de l’eau pour voir le bateau qui entrait dans leur port. Un homme de haute taille se dressait sur le pont, regardant vers la terre plate et sombre : et à la lumière de la jetée, il vit son visage ; le triste visage du frère Michael.

    Il le vit lever la main vers le peuple et l’entendit clamer avec la voix de l’affliction, par-dessus les vagues :

    « Il est mort. Nous l’avons vu couché sur le catafalque. »

    Une lamentation affligée monta du peuple :

    « Parnell ! Parnell ! Il est mort81 ! »

    Tous se jetèrent à genoux, gémissant d’affliction. Et il vit Dante, en robe de velours violine, avec un manteau de velours vert tombant de ses épaules, qui marchait, fière et silencieuse82, s’éloignant de la foule agenouillée au bord des vagues.

    *

    Un grand feu, rouge et haut dressé, flambait dans la grille et sous les branches du lustre, enguirlandées de lierre, la table de Noël était mise. Ils étaient rentrés assez tard, et pourtant le dîner n’était pas encore prêt. Mais il allait être prêt en un clin d’œil, avait dit mère. On attendait que la porte s’ouvrît et que les servantes entrassent, portant les grands plats coiffés de leurs lourds couvercles de métal.

    Tous attendaient : oncle Charles, assis là-bas dans l’ombre de la fenêtre ; Dante

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