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    2. Nouvelles Mille et une Nuits
    3. Chapitre 10
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    n’y avait là rien que la lie de la société sous son aspect le plus vulgaire. Le prince commençait déjà à bâiller et à se dégoûter de son excursion, lorsque les portes battantes du bar furent poussées avec violence : un jeune homme entra, suivi de deux commissionnaires ; chacun de ceux-ci portait un grand plat fermé par un couvercle qu’ils enlevèrent, découvrant des tartes à la crème. Alors le jeune homme fit le tour de la salle en pressant les personnes présentes d’accepter ces friandises. Il y mettait une courtoisie exagérée. Parfois, ses offres étaient agréées en riant ; d’autres fois, elles étaient repoussées avec dédain ou même avec insolence. Alors cet original mangeait lui-même la tarte, non sans se livrer à des commentaires humoristiques.

    Finalement, il alla saluer jusqu’à terre le prince Florizel.

    « Monsieur, dit-il, en tenant une tarte entre le pouce et l’index, ferez-vous cet honneur à un étranger ?… Je peux répondre de la qualité de la pâte, ayant mangé à moi tout seul vingt-sept de ces tartes depuis cinq heures.

    – J’ai l’habitude, répliqua le prince, de considérer moins la nature du don que la disposition d’esprit dans laquelle il est offert.

    – Mon esprit, monsieur, répondit le jeune homme avec un nouveau salut, est un esprit de moquerie.

    – En vérité, monsieur ? Et de qui vous moquez-vous ?

    – Mon Dieu, je ne suis pas ici pour exposer ma philosophie, mais pour distribuer des gâteaux. Si je dis que je me comprends volontiers parmi les plus ridicules, vous voudrez bien peut-être vous montrer indulgent. Sinon, vous allez me contraindre à manger ma vingt-huitième tarte, et j’avoue que cet exercice commence à me fatiguer.

    – Vous me touchez, dit le prince, et j’ai toute la volonté du monde de vous être agréable ; mais à une condition : si mon ami et moi nous mangeons de vos gâteaux, pour lesquels nous ne nous sentons, ni l’un ni l’autre, aucun goût naturel, nous exigeons que vous nous rejoigniez à souper en guise de remerciement… »

    Le jeune homme sembla réfléchir.

    « J’ai encore quelques douzaines de tartes sur les bras, répondit-il ; il me faudra visiter plusieurs tavernes avant d’en avoir fini. Cela prendra un peu de temps ; si vous avez faim… »

    Le prince l’interrompit d’un geste poli.

    « Nous allons vous accompagner, monsieur ; car nous prenons déjà le plus vif intérêt à cette manière divertissante que vous avez de passer la soirée. Et, maintenant que les préliminaires de la paix sont réglés, permettez-moi de signer le traité pour nous deux. »

    Et le prince avala de bonne grâce une tarte à la crème.

    « C’est délicieux, déclara-t-il.

    – Je vois, répliqua le jeune homme, que vous êtes connaisseur. »

    Le colonel Geraldine fit, lui aussi, honneur à la pâtisserie ; et, comme chacun dans ce cabaret avait maintenant accepté ou refusé les offres du jeune homme, celui-ci dirigea ses pas vers un autre établissement de même espèce. Les commissionnaires, qui semblaient habitués à leur absurde emploi, marchaient sur ses talons ; le prince et le colonel, se donnant le bras, formaient l’arrière-garde, en riant tout bas. Dans cet ordre, la compagnie visita deux cafés, où des scènes analogues à celle qui vient d’être contée se produisirent, quelques-uns déclinant, d’autres acceptant les faveurs du pâtissier vagabond, qui toujours mangeait lui-même chaque tarte refusée.

    Au moment de quitter le troisième bar, l’homme aux tartes fit le compte de ce qui lui restait. Il n’y avait plus que neuf petits gâteaux en tout.

    « Messieurs, dit-il à ses camarades improvisés, je ne veux point retarder votre souper, car je suis sûr que vous devez avoir faim. Je vous dois une reconnaissance toute spéciale. En ce grand jour où je termine une carrière de folie par un acte plus sot que tous les autres, je désire me conduire galamment à l’égard des personnes qui m’auront secondé. Messieurs, vous n’attendrez pas davantage. Quoique ma santé soit ébranlée par les excès auxquels j’ai déjà dû me livrer ce soir, je vais procéder à une liquidation définitive. »

    Là-dessus il avala successivement d’une seule bouchée, les neuf tartes qui restaient et, se tournant vers les commissionnaires, leur remit deux souverains.

    « J’ai à vous remercier, dit-il, de votre patience vraiment extraordinaire. »

    Puis il les congédia, avec de beaux saluts. Quelques secondes encore il resta en contemplation devant la bourse dont il venait de tirer le salaire de ses aides ; après quoi, partant d’un grand éclat de rire, il la lança au milieu de la rue et déclara qu’il était prêt à souper.

    Dans certain cabaret du quartier de Soho, – un petit restaurant français dont la réputation passagère, fort exagérée, baissait déjà, – les trois compagnons se firent donner un cabinet particulier au deuxième étage, et commandèrent un souper fin arrosé de plusieurs bouteilles de champagne. En mangeant, en buvant, ils causaient de mille choses indifférentes ; le jeune homme aux tartes se montrait fort gai, mais il riait trop bruyamment ; ses mains tremblaient, sa voix prenait des inflexions subites et inattendues qui semblaient être indépendantes de sa volonté. Le dessert étant enlevé, les convives ayant allumé leurs cigares, le prince s’adressa en ces termes à son hôte inconnu :

    « Vous voudrez bien excuser ma curiosité. Ce que j’ai vu de vous me plaît singulièrement, mais m’intrigue davantage. Mon ami et moi, nous nous croyons parfaitement dignes de devenir les dépositaires d’un secret. Si, comme je le suppose, votre histoire est absurde, vous n’avez pas besoin de vous gêner avec nous, qui sommes les deux individus les plus fous de l’Angleterre. Mon nom est Godall, Théophile Godall ; mon ami est le major Alfred Hammersmith, du moins tel est le nom de son choix, le nom sous lequel il veut être connu. Nous passons notre vie à la recherche d’aventures extravagantes, et il n’y a pas de choses insensées auxquelles nous ne soyons capables d’accorder la plus cordiale sympathie.

    – Vous me plaisez aussi, Mr. Godall, répondit le jeune homme ; vous m’inspirez tout naturellement confiance, et je n’ai pas la moindre objection à soulever contre votre ami le major, qui me fait l’effet d’un grand seigneur déguisé ; dans tous les cas je suis bien sûr qu’il n’est pas militaire. »

    Le colonel sourit du compliment qui attestait la perfection de son art, et le jeune homme poursuivit avec animation :

    « J’aurais toute sorte de motifs de cacher mon histoire. Peut-être est-ce justement pour cela, que je vais vous la conter. Vous paraissez bien préparés à entendre des folies. Pourquoi vous désappointerais-je ? Mais je ne dirai pas mon nom malgré votre exemple ; je tairai, aussi mon âge, qui n’est pas essentiel au récit. Je descends de mes ancêtres par la génération ordinaire ; ils m’ont laissé l’habitation fort convenable que j’occupe encore, et une fortune qui s’élevait à trois cents livres sterling de rente. Je suppose qu’ils m’ont également légué une incorrigible étourderie à laquelle je me suis abandonné outre mesure. J’ai reçu une bonne éducation. Je sais jouer du violon assez bien pour faire ma partie dans un concert à deux sous. Je suis à peu près de la même force sur la flûte et le cor de chasse. J’ai appris le whist de façon à perdre une centaine de livres par an à ce jeu scientifique ; mes connaissances en français se sont trouvées suffisantes pour me permettre de dissiper de l’argent à Paris presque avec la même facilité qu’à Londres ; bref, je suis pétri de talents variés. J’ai eu toute sorte d’aventures, y compris un duel à propos de rien. Il y a deux mois, j’ai rencontré une jeune personne qui réalisait, au moral et au physique, mon idéal de la beauté ; je sentis mon cœur s’enflammer, je m’aperçus que j’étais enfin arrivé au moment décisif, que j’allais tomber amoureux ; mais en même temps je découvris qu’il me restait de mon capital tout au plus quatre cents livres. De bonne foi, un homme qui se respecte peut-il être amoureux avec quatre cents livres ? Vous conviendrez que non. J’ai donc fui la présence de l’enchanteresse et, ayant légèrement accéléré le cours de mes dépenses, j’arrivai à n’avoir plus, ce matin, que quatre-vingts livres… Cette somme, je la divisai en deux parties égales ; je réservai quarante livres pour un but particulier, je résolus de dépenser le reste avant la nuit. J’ai passé une journée charmante et j’ai fait beaucoup de bonnes plaisanteries, outre celle des tartes à la crème, qui m’a procuré l’avantage de votre connaissance ; car j’avais pris la détermination, comme je vous l’ai dit, de conduire ma folle carrière à une conclusion encore plus folle ; et, lorsque vous me vîtes lancer ma bourse dans la rue, les quarante livres étaient épuisées. Maintenant, vous me connaissez aussi bien que je me connais moi-même ; oui, je suis fou, mais un fou dont la folie ne manque pas de fond et qui n’est, je vous prie de le croire, ni pleurnicheur ni lâche. »

    Le ton qu’avait pris le jeune homme indiquait assez qu’il nourrissait beaucoup d’amertume et de mépris contre lui-même. Ses auditeurs n’hésitèrent pas à penser que son affaire d’amour lui tenait au cœur plus qu’il ne voulait l’admettre et qu’il avait l’intention sinistre d’en finir avec la vie.

    « Eh bien, n’est-ce pas étrange, dit Geraldine en regardant le prince Florizel, n’est-ce pas étrange que nous soyons là trois individus à peu près dans les mêmes conditions, réunis par l’effet du hasard dans un désert aussi grand que Londres ?

    – Comment ! s’écria le jeune homme, êtes-vous donc ruinés, vous aussi ? Ce souper serait-il une folie comme mes tartes à la crème ? Le

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