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    2. Momo
    3. Chapitre 9
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    impressionnant, n’est-ce pas ? Mais continuons. Quel âge avez-vous ?

    — Quarante-deux ans, bredouilla le coiffeur. Il se sentait soudain coupable comme s’il avait commis une mauvaise action.

    — Combien de temps en moyenne dormez-vous par nuit ? s’enquit le monsieur gris.

    — Environ huit heures, avoua M. Fusi.

    L’agent calcula à la vitesse de l’éclair. Le grincement du crayon sur le miroir donnait la chair de poule à M. Fusi.

    — Quarante-deux ans, huit heures par jour, cela fait déjà quatre cent quarante et un millions cinq cent quatre mille. Nous pouvons considérer cette somme comme perdue. Combien de temps sacrifiez-vous chaque jour à votre travail ?

    — Huit heures aussi, à peu de chose près, reconnut M. Fusi, tout penaud.

    — Donc cette somme figurera deux fois dans la colonne des débits, poursuivit l’agent, impitoyable. Il faut également soustraire la durée nécessaire à vos repas. Combien de temps vous faut-il ?

    — Je ne sais pas très bien, fit M. Fusi craintivement. Deux heures peut-être ?

    — Cela me paraît trop peu, rétorqua l’agent, mais admettons. Sur quarante-deux ans, cela fait cent dix millions trois cent soixante-seize mille. Continuons ! Nous savons que vous vivez seul avec votre mère. Chaque jour, vous consacrez à la vieille femme une heure entière : vous vous asseyez près d’elle et vous lui parlez alors même qu’elle est presque sourde. C’est du temps gaspillé : cinquante-cinq millions cent quatre-vingt-huit mille. Vous avez aussi une perruche totalement superflue dont vous vous occupez pendant un quart d’heure, ce qui donne treize millions sept cent quatre-vingt-dix-sept mille.

    — Mais… objecta M. Fusi d’un ton implorant.

    — Ne m’interrompez pas ! le rabroua l’agent, qui calculait de plus en plus vite. Comme votre mère est handicapée, monsieur Fusi, vous vous chargez d’une partie du ménage. Vous êtes obligé de faire les courses, de nettoyer vos chaussures et d’accomplir d’autres tâches fastidieuses. Combien de temps cela vous prend-il par jour ?

    — Une heure peut-être, mais…

    — Vous perdez encore cinquante-cinq millions cent quatre-vingt-huit mille, monsieur Fusi. Nous savons en outre que vous allez une fois par semaine au cinéma, une fois par semaine à la chorale, deux fois par semaine au café et que, les autres soirs, vous retrouvez des amis ou qu’il vous arrive de lire un livre. Bref, vous tuez le temps en faisant des choses inutiles et ce, trois heures par jour environ, ce qui fait cent soixante-cinq millions cinq cent soixante-quatre mille. Ça ne va pas, monsieur Fusi ?

    — Non, répondit l’intéressé, excusez-moi…

    — Nous avons presque fini, dit le monsieur gris. Mais nous devons encore aborder un chapitre particulier de votre vie. Vous avez en effet un petit secret…

    M. Fusi se mit à claquer des dents, tant il avait froid.

    — Vous êtes au courant ? murmura-t-il faiblement. Je croyais qu’en dehors de moi et de Mlle Daria…

    — Dans notre monde moderne, il n’y a pas de place pour les secrets, l’interrompit l’agent XYQ/384/b. Pour une fois, faites preuve d’objectivité, monsieur Fusi. Répondez à ma question : voulez-vous épouser Mlle Daria ?

    — Non, dit M. Fusi, ce ne serait pas possible…

    — En effet, approuva le monsieur gris. Mlle Daria passera sa vie en chaise roulante parce qu’elle est infirme. Pourtant, vous lui rendez chaque jour une visite d’une demi-heure pour lui apporter une fleur. Pourquoi ?

    — Ça lui fait tellement plaisir, répondit M. Fusi, au bord des larmes.

    — Mais concrètement parlant, rétorqua l’agent, elle représente pour vous du temps perdu. Et il faut y ajouter l’habitude que vous avez, avant de vous coucher, de vous asseoir à la fenêtre et de penser à la journée qui vient de s’écouler. Voyons maintenant ce qui vous reste, monsieur Fusi.

    Sur le miroir figurait le calcul suivant

    Sommeil

    441 504 000 secondes

    Travail

    441 504 000 secondes

    Repas

    110 376 000 secondes

    Mère

    55 188 000 secondes

    Perruche

    13 797 000 secondes

    Courses, etc.

    55 188 000 secondes

    Amis, chant, etc.

    165 564 000 secondes

    Secret

    27 594 000 secondes

    Fenêtre

    13 797 000 secondes

    Total

    1 324 512 000 secondes

    — Cette somme, déclara le monsieur gris en tapant plusieurs fois du crayon sur le miroir avec tant de force qu’on aurait dit des coups de revolver, cette somme représente le temps que vous avez déjà perdu. Qu’avez-vous à répondre à cela, monsieur Fusi ?

    M. Fusi n’avait rien à répondre. Il alla s’asseoir sur une chaise, dans un coin, et s’essuya le front avec son mouchoir car, malgré le froid glacial, il était en sueur.

    Le monsieur gris hocha la tête avec gravité.

    — Oui, comme vous le voyez, c’est déjà plus de la moitié de votre fortune initiale. Mais regardons maintenant ce qui vous reste sur vos quarante-deux années. Une année représente trente et un millions cinq cent trente-six mille secondes, comme vous le savez. Multiplié par quarante-deux, cela fait un milliard trois cent vingt-quatre millions cinq cent douze mille.

    Il inscrivit ce chiffre sous la somme du temps perdu :

    1 324 512 000 secondes

    -1 324 512 000 secondes

    0 000 000 000 secondes

    Il rangea son crayon, puis s’arrêta un long moment afin de laisser le spectacle de tous ces zéros faire son effet sur M. Fusi.

    Il fit son effet.

    « Voilà donc le bilan de ma vie à ce jour », pensa le coiffeur, accablé.

    Il était si impressionné par ce calcul qui tombait juste qu’il acceptait tout sans discussion. Et le calcul était effectivement juste. C’était une des astuces que les messieurs gris utilisaient en mille occasions pour tromper les gens.

    — Vous conviendrez, reprit l’agent XYQ/384/b sans s’émouvoir, que vous ne pouvez pas continuer ainsi, monsieur Fusi. Que diriez-vous de commencer à épargner ?

    M. Fusi acquiesça en silence, les lèvres bleuies de froid.

    — Si, par exemple, fit la voix cendrée de l’agent, vous aviez commencé il y a vingt ans à économiser ne serait-ce qu’une heure par jour, vous posséderiez maintenant un capital de vingt-six millions deux cent quatre-vingt mille secondes. Si vous aviez mis deux heures de côté, cela ferait naturellement le double. Or je vous le demande, que représentent deux misérables petites heures ?

    — Rien, s’écria M. Fusi, une simple bagatelle !

    — Je suis ravi que vous le compreniez, continua l’agent, imperturbable. Et si nous prenons en compte ce que vous économiseriez dans les mêmes conditions au cours des vingt prochaines années, nous arriverions à la coquette somme de cent cinq millions cent vingt mille secondes. Tout ce capital aurait été à votre entière disposition quand vous atteindriez l’âge de soixante-deux ans.

    — Fantastique ! bredouilla M. Fusi en écarquillant les yeux.

    — Ce n’est pas tout, poursuivit le monsieur gris. Il y a mieux. À la Caisse d’épargne du Temps, nous ne nous contentons pas de garder vos économies en dépôt, nous vous payons des intérêts. Ce qui signifie qu’en réalité vous seriez bien plus riche.

    — C’est-à-dire ? interrogea M. Fusi, haletant.

    — Cela dépend entièrement de vous, expliqua l’agent, de la quantité que vous épargnez et de la durée pendant laquelle vous nous confiez vos économies.

    — Vous les confier ? s’enquit M. Fusi. Comment ça ?

    — C’est très simple, fit le monsieur gris. Si pendant cinq ans, vous ne nous réclamez pas votre épargne de temps, nous y ajoutons une somme d’un montant équivalent. Votre fortune double tous les cinq ans, vous comprenez ? Au bout de dix ans, cela ferait déjà quatre fois la somme initiale, au bout de quinze ans, huit fois, et ainsi de suite. En commençant il y a vingt ans à économiser deux heures par jour, vous auriez disposé, à l’âge de soixante-deux ans, d’un montant égal à dix fois la durée de votre vie. Voyez si ce n’est pas là une offre intéressante.

    — En effet ! reconnut M. Fusi, épuisé. Ça ne fait aucun doute. Quel malheur de ne pas avoir commencé à économiser il y a longtemps ! C’est maintenant que je m’en rends compte, et j’avoue que je suis au désespoir !

    — Vous n’avez aucune raison de l’être, le reprit doucement le monsieur gris. Il n’est jamais trop tard. Si vous le voulez, vous pouvez commencer dès aujourd’hui. Vous verrez, cela en vaut la peine.

    — Bien sûr ! s’exclama M. Fusi. Que dois-je faire ?

    — Mais, mon cher, répondit l’agent en haussant les sourcils, vous savez très bien comment procéder ! Il faudra, par exemple, travailler plus vite en laissant de côté tout le superflu. Au lieu de consacrer une demi-heure à chaque client, contentez-vous d’un quart d’heure. Évitez les discussions coûteuses en temps. Réduisez l’heure que vous passez auprès de votre vieille mère à une demi-heure. Le mieux serait d’ailleurs de la placer dans une bonne maison de retraite, pas trop chère, où l’on s’occupera d’elle. Vous y gagneriez déjà une heure entière par jour. Débarrassez-vous de votre perruche ! Limitez vos visites à Mlle Daria à une fois tous les quinze jours, si vous ne pouvez pas faire autrement. Laissez tomber votre quart d’heure quotidien de rétrospective et, surtout, cessez de gaspiller votre précieux temps à chanter, lire ou rencontrer vos soi-disant amis. Du reste, je vous conseillerais d’installer dans votre boutique une bonne grande horloge pour contrôler le travail de votre apprenti.

    — Bon, dit M. Fusi, ça ne pose pas de problème. Mais le temps qui me restera, qu’est-ce que j’en fais ? Dois-je vous le livrer ? Et à quelle adresse ? Ou bien dois-je le garder ? Comment est-ce que ça se passe ?

    — Ne vous inquiétez pas pour ça, répondit le monsieur gris avec un mince sourire. Faites-nous confiance. Vous pouvez être sûr que nous ne perdrons pas une miette de votre temps. Vous vous apercevrez rapidement qu’il ne vous en reste plus.

    — Alors d’accord, fit M. Fusi, ébahi. Je m’en remets à vous.

    — Vous ne serez pas déçu, mon ami, conclut l’agent en se levant. Je souhaite donc la bienvenue à notre nouveau membre de la grande

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