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    2. Momo
    3. Chapitre 35
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    Et ce temps les quitte à l’instant même où ils entrent dans le courant temporel, tout comme l’air s’échappe d’un ballon crevé. Sauf que dans le cas du ballon, l’enveloppe reste, alors que là, il n’y a plus rien du tout.

    Momo réfléchit intensément.

    — On ne pourrait pas inverser le temps ? demanda-t-elle enfin. Rien qu’un instant. Les gens rajeuniraient un peu, ce ne serait pas grave. Mais les voleurs de temps se volatiliseraient.

    Maître Hora sourit.

    — Ce serait bien, malheureusement, ce n’est pas possible. Les deux courants s’équilibrent. Si on en supprimait un, l’autre disparaîtrait aussi. Et alors, il n’y aurait plus de temps…

    Il s’interrompit et repoussa les lunettes à omnivision sur son front.

    — À moins que… marmonna-t-il.

    Il se leva et, plongé dans ses pensées, se mit à faire les cent pas dans la petite pièce. Momo l’observait avec curiosité, même Cassiopée le suivait du regard.

    Au bout d’un moment, il se rassit et posa sur Momo un œil scrutateur.

    — Tu m’as donné une idée, déclara-t-il, mais sa réalisation ne dépend pas que de moi.

    Il se tourna vers la tortue, à ses pieds :

    — Cassiopée, très chère, quelle est la meilleure chose à faire quand on est assiégé ?

    « MANGER », répondit la tortue.

    — Oui, dit maître Hora, ça non plus, ce n’est pas une mauvaise idée.

    Au même instant, la table fut dressée. Peut-être l’était-elle déjà sans que Momo y ait prêté attention. Quoi qu’il en soit, la fillette vit de nouveau les tasses dorées et les mets d’or scintillant : le pot de chocolat fumant, le miel, le beurre et les petits pains croustillants.

    Depuis sa première visite chez maître Hora, Momo avait souvent repensé à tous ces délices avec nostalgie. Affamée, elle fit aussitôt honneur au petit déjeuner, lequel lui parut presque meilleur que la fois précédente. Maître Hora se joignit à elle de bon cœur.

    — Ils veulent que tu leur donnes la totalité du temps humain, articula enfin Momo, la bouche pleine. Mais tu ne le feras pas, hein ?

    — Non, mon enfant, répondit maître Hora. Jamais. Le temps a eu un début et il aura une fin, mais uniquement quand les hommes n’en auront plus besoin. Je ne livrerai pas le moindre instant aux messieurs gris.

    — Pourtant, ils disent qu’ils peuvent t’y forcer, insista Momo.

    — Avant de poursuivre, fit-il, l’air grave, j’aimerais que tu jettes toi-même un coup d’œil sur eux.

    Il ôta ses lunettes dorées et les tendit à Momo, qui les plaça sur son nez.

    Au début, elle ne distingua que le tourbillon de couleurs et de formes qui lui donnait le vertige. Puis, rapidement, les yeux de la fillette s’adaptèrent à l’omnivision.

    Alors elle vit l’armée des messieurs gris !

    Épaule contre épaule, ils formaient une interminable rangée. Ils étaient non seulement postés à l’entrée du passage Jamais, mais aussi disposés en un grand cercle, qui traversait le quartier blanc et dont le centre était la Maison Nulle Part. Celle-ci était totalement cernée. Cependant, Momo remarqua encore autre chose, une chose étonnante. Tout d’abord, elle crut que les verres des lunettes à omnivision étaient embués ou qu’elle-même avait du mal à s’en servir, car une brume étrange estompait les contours des messieurs gris.

    Ensuite, elle comprit que cette brume n’était pas due aux lunettes ni à ses yeux, que c’était à l’extérieur, dans les rues, qu’elle s’élevait. À certains endroits, celle-ci formait déjà une masse épaisse et impénétrable, à d’autres, elle commençait tout juste à apparaître. Les messieurs gris se tenaient immobiles. Chacun avait, comme à l’ordinaire, son chapeau melon sur la tête, son porte-documents à la main et son petit cigare gris aux lèvres. Mais les nuages de fumée émis par les cigares ne se dissipaient pas, comme ils le faisaient d’habitude. En ce lieu dépourvu du moindre souffle de vent, dans cet air vitreux, la fumée s’étirait en voiles tenaces comme des toiles d’araignée, s’élevait le long des façades d’une blancheur de neige et se resserrait en longues bannières autour des saillies. Elle s’accumulait en traînées écœurantes d’un vert bleuâtre, qui s’amoncelaient lentement en encerclant la Maison Nulle Part, comme un mur qui grandirait inexorablement.

    Momo remarqua aussi que, parfois, des messieurs gris arrivaient pour en relayer d’autres. Qu’est-ce que cela signifiait ? Quel était le plan des voleurs de temps ? Elle ôta les lunettes et interrogea maître Hora du regard.

    — Tu en as vu assez ? demanda-t-il. Dans ce cas, rends-moi les lunettes, s’il te plaît.

    Tandis qu’il les replaçait sur son nez, il poursuivit :

    — Tu m’as demandé s’ils pouvaient utiliser la force contre moi. Il n’est pas en leur pouvoir de m’atteindre personnellement, comme tu le sais. Mais ils peuvent causer aux hommes encore plus de tort qu’avant. Et c’est le moyen qu’ils ont trouvé pour me faire du chantage.

    — Encore plus de tort ? interrogea Momo, effrayée.

    Maître Hora acquiesça.

    — J’attribue à chacun le temps qui lui revient. Les messieurs gris sont impuissants contre ça. Ils ne peuvent pas non plus intercepter le temps que j’envoie. En revanche, ils ont la possibilité de l’empoisonner.

    — L’empoisonner ? répéta Momo, stupéfaite.

    — Avec la fumée de leurs cigares, précisa maître Hora. As-tu jamais vu un monsieur gris sans son cigare ? Sûrement pas, car sans lui il n’existerait pas.

    — Pourquoi ? voulut savoir Momo.

    — Tu te souviens des fleurs horaires, fit maître Hora. Je t’avais expliqué que chaque être humain possède en lui un sanctuaire du temps pour la simple raison qu’il a un cœur. Quand on ouvre aux messieurs gris l’accès à ce lieu, ils s’emparent d’un nombre croissant de fleurs horaires. Or quand celles-ci sont arrachées du cœur humain, elles ne meurent pas, car elles n’appartiennent pas vraiment au passé. Mais elles ne vivent pas non plus, car elles sont séparées de leur véritable propriétaire. Elles aspirent de toutes les fibres de leur être à retourner chez leur possesseur.

    Momo écoutait en retenant son souffle.

    — Tu dois savoir, Momo, que même le Mal cache un secret. Je ne sais pas où les messieurs gris conservent les fleurs horaires qu’ils ont dérobées. Je sais seulement qu’ils se servent de leur propre froideur pour les réfrigérer jusqu’à ce qu’elles deviennent dures comme des calices de verre. Du coup, elles ne peuvent plus repartir. Quelque part, profondément enfouis sous terre, doivent se trouver de gigantesques réservoirs qui abritent la totalité du temps gelé. Mais même là, les fleurs horaires ne meurent pas.

    Les joues de Momo s’empourprèrent d’indignation.

    — C’est dans ces caves que les messieurs gris se ravitaillent. Ils arrachent les pétales des fleurs et les laissent se dessécher. Une fois que ceux-ci sont devenus gris et durs, ils en font de petits cigares. Même alors, les pétales conservent un reste de vie. Mais les messieurs gris ne digèrent pas le temps vivant, voilà pourquoi ils allument leurs cigares : c’est dans la fumée que le temps meurt définitivement. Et c’est de ça que les messieurs gris se nourrissent.

    Momo s’était levée.

    — Ah, dit-elle, tout ce temps mort…

    — Oui, ce mur de fumée qu’ils élèvent au-dehors, autour de la Maison Nulle Part, est constitué de temps mort. Pour l’instant, le ciel est encore assez dégagé, le temps que j’envoie aux hommes est intact. Mais quand la cloche de fumée se sera refermée sur nous, il se mêlera à chaque heure dispensée un peu de temps fantomatique. Et quand ces heures parviendront aux hommes, elles les rendront malades, gravement malades.

    Momo fixa maître Hora d’un air désemparé. Doucement, elle demanda :

    — Quelle est cette maladie ?

    — Au début, on ne remarque pas grand-chose. Un jour, on n’a plus envie de faire quoi que ce soit. On ne s’intéresse plus à rien, on s’ennuie. Mais ce désintérêt ne disparaît pas, il persiste et va en augmentant. Il s’aggrave de jour en jour, de semaine en semaine. On se sent de plus en plus morose, vide, insatisfait. Et puis même ce sentiment-là finit par se dissiper. On n’éprouve plus rien. On devient indifférent et gris, étranger au monde entier. Il n’y a plus ni colère, ni enthousiasme, on n’est plus capable de ressentir de la joie ou du chagrin, on désapprend le rire et les larmes. Le froid s’est installé en nous, on n’aime plus rien ni personne. À ce stade, la maladie est incurable. Il n’existe plus de recours. On s’agite en tous sens, le visage vide, on est devenu exactement comme les messieurs gris. Oui, désormais, on est un des leurs. Cette maladie s’appelle l’ennui mortel.

    Un frisson parcourut Momo.

    — Alors si tu refuses de leur donner le temps humain, résuma-t-elle, ils s’arrangeront pour que tout le monde devienne comme eux ?

    — Oui, répondit maître Hora, c’est de cette façon qu’ils me font du chantage.

    Il se leva et se détourna.

    — Jusqu’à maintenant, j’attendais que les êtres humains se débarrassent eux-mêmes de ces calamités. Ils en ont les moyens puisque ce sont eux qui leur ont permis d’exister. Mais désormais, je ne peux plus attendre. Je dois agir. Cependant, je ne peux pas le faire seul.

    Il regarda Momo.

    — Veux-tu m’aider ?

    — Oui, chuchota la fillette.

    — Ça te fera courir des risques considérables, déclara maître Hora. Et c’est de toi, Momo, que dépendra le sort du monde : ou il s’arrêtera définitivement, ou il recommencera à vivre. Veux-tu vraiment essayer ?

    — Oui, répondit Momo d’une voix plus ferme.

    — Alors, fit maître Hora, écoute bien ce que je vais te dire, car tu ne pourras compter que sur toi-même. Tu ne recevras plus aucune aide, ni de moi, ni de personne.

    Momo hocha la tête et regarda maître Hora avec la plus extrême attention.

    — Tu dois savoir, commença-t-il, que je ne dors jamais. Si je m’endormais, le temps cesserait aussitôt d’exister. Le monde s’arrêterait. Mais s’il n’y avait plus de temps,

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