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    2. Momo
    3. Chapitre 17
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    Tu devrais te coucher maintenant.

    Et il partit, en sifflotant son air mélancolique.

    Momo resta toute seule dans le grand cercle de pierre. La nuit était sans étoiles, et le ciel, voilé de nuages. Un vent étrange se leva, qui n’était pas très fort, mais soufflait sans relâche et apportait un froid singulier. C’était en quelque sorte un vent gris cendre.

    À bonne distance de la grande ville se dressait l’énorme décharge publique : une véritable montagne de cendres, de débris, de boîtes en fer blanc, de vieux matelas, de restes de plastique, de boîtes en carton, de tout ce qu’on jetait chaque jour et qui attendait là d’être acheminé vers les gigantesques incinérateurs.

    Jusque tard dans la nuit, le vieux Beppo et ses collègues déchargèrent les camions d’ordures qui stationnaient en longue file, phares allumés. Et plus ils travaillaient, plus il y avait de camions qui rejoignaient la file.

    — Dépêchez-vous, les gars ! entendait-on sans arrêt. Allez, allez ! Autrement, on n’aura jamais fini !

    Beppo avait manié la pelle sans relâche jusqu’à ce que sa chemise lui colle au corps. Vers minuit, c’était enfin terminé.

    Comme Beppo n’était plus tout jeune, ni très robuste, il s’assit, épuisé, sur une bassine en plastique trouée qui était retournée. Il essaya de reprendre son souffle.

    — Hé, Beppo, le héla un de ses collègues, on rentre ! Tu viens ?

    — Un instant, répondit Beppo en pressant la main sur son cœur, qui lui faisait mal.

    — Tu ne te sens pas bien, mon vieux ? demanda un autre.

    — Ça va, leur assura Beppo. Rentrez. Je me repose juste un moment.

    — Alors bonne nuit ! crièrent les autres.

    Et ils partirent. Le silence s’installa. Seuls les rats se faisaient entendre ici et là dans les ordures, poussant parfois des sifflements. Beppo s’endormit, la tête sur les bras. Il ignorait combien de temps s’était écoulé, mais il fut soudain réveillé par un souffle de vent froid. Levant les yeux, il reprit brusquement ses esprits.

    La gigantesque montagne d’ordures était couverte de messieurs gris élégamment vêtus, chapeau melons sur la tête, porte-documents gris plomb à la main et petit cigare gris aux lèvres. Tous se taisaient, fixant le sommet de la décharge où était installée une sorte de table de tribunal. Trois d’entre eux y étaient assis, que seule leur situation distinguait des autres.

    Dans un premier temps, Beppo eut peur. Il craignait d’être découvert. Il n’avait pas le droit d’être là, il le sentit instinctivement.

    Puis il remarqua que les messieurs gris paraissaient captivés par la table de tribunal. Peut-être qu’ils ne le voyaient pas ou qu’ils le prenaient pour un déchet quelconque. Quoi qu’il en soit, Beppo décida de se faire tout petit.

    — Que l’agent BLW/553/c se présente devant le tribunal ! fit alors la voix de l’homme qui était assis au milieu.

    Son injonction fut transmise de proche en proche et résonna au loin comme un écho. Un chemin s’ouvrit dans la foule et un monsieur gris monta lentement sur la décharge. Il ne se différenciait des autres que par le gris presque blanc de son visage.

    Il s’arrêta devant la table des juges.

    — Vous êtes l’agent BLW/553/c ? demanda celui du milieu.

    — Oui.

    — Depuis quand travaillez-vous pour la Caisse d’épargne du Temps ?

    — Depuis ma naissance.

    — Cela va de soi. Épargnez-vous ce genre de remarques superflues ! Quand êtes-vous né ?

    — Il y a onze ans, trois mois, six jours, huit heures, trente-deux minutes et dix-huit secondes exactement.

    L’entretien se déroulait à voix basse, et fort loin de là où était Beppo, mais bizarrement le vieil homme en comprenait chaque mot.

    — Savez-vous, continua le monsieur gris du milieu, qu’il y a un nombre non négligeable d’enfants qui ont circulé dernièrement avec des panneaux et des pancartes, et qui avaient même l’abominable projet d’inviter la ville entière pour lui révéler la vérité à notre sujet ?

    — Je le sais, répondit l’agent.

    — Comment expliquez-vous, poursuivit impitoyablement le juge, que ces enfants aient eu connaissance de notre existence et de nos activités ?

    — Je ne me l’explique pas, répondit l’agent. Mais si je puis me permettre, je suggérerais au Grand Tribunal de ne pas surestimer l’importance de cette affaire. Ce n’est qu’un stupide enfantillage ! D’ailleurs, je prie la cour de bien vouloir considérer que nous avons fait en sorte d’empêcher la réunion prévue en rendant les gens indisponibles. Même si nous n’y étions pas arrivés, je suis convaincu que les enfants n’auraient raconté que des histoires à dormir debout. Je crois que nous aurions dû laisser la réunion avoir lieu afin de…

    — Accusé ! l’interrompit le juge. Avez-vous compris où vous vous trouvez ?

    L’agent s’affaissa.

    — Oui, souffla-t-il.

    — Vous n’êtes pas devant un tribunal humain, mais devant celui de vos pairs. Vous savez très bien que vous ne pouvez pas nous mentir. Alors pourquoi essayez-vous ?

    — C’est une… déformation professionnelle, bredouilla l’accusé.

    — Laissez au comité directeur le soin d’évaluer la gravité de la situation. Vous aussi, vous savez pertinemment que personne n’est plus dangereux pour nous que les enfants.

    — Je le sais, avoua l’accusé, penaud.

    — Les enfants, expliqua le juge, sont nos ennemis naturels. S’ils n’existaient pas, l’humanité serait depuis longtemps en notre pouvoir. Il est beaucoup plus difficile de les convaincre d’économiser le temps. Une de nos lois suprêmes nous impose de nous occuper d’eux en dernier. Cette loi vous est-elle connue, accusé ?

    — Parfaitement, Grand Tribunal, fit-il, le souffle court.

    — Pourtant nous avons la preuve irréfutable, martela le juge, qu’un d’entre nous, je répète, un d’entre nous a parlé avec un enfant et lui a révélé toute la vérité à notre sujet. Accusé, connaîtriez-vous par hasard l’identité de cet individu ?

    — C’est moi, répondit l’agent BLW/553/c, effondré.

    — Pourquoi avez-vous enfreint notre loi suprême ? voulut savoir le juge.

    — Parce que cet enfant exerce sur les autres une influence qui gêne considérablement notre travail, protesta l’accusé. J’ai agi en toute bonne foi dans l’intérêt de la Caisse d’épargne du Temps.

    — Votre bonne foi ne nous intéresse pas, répliqua le juge d’un ton glacial. Seul le résultat nous intéresse. Et de ce point de vue, le gain de temps est inexistant, sans compter que vous avez dévoilé à cet enfant quelques-uns de nos secrets les plus importants. Reconnaissez-vous ces faits, accusé ?

    — Je les reconnais, lâcha l’agent, la tête basse.

    — Vous avouez donc votre culpabilité ?

    — Oui, mais j’invoque comme une circonstance atténuante le fait d’avoir été ensorcelé. En m’écoutant, cet enfant m’a forcé à parler. Je ne m’explique pas ce qui est arrivé, mais je jure que les choses se sont passées ainsi.

    — Peu nous importent vos excuses. Nous n’acceptons pas les circonstances atténuantes. Notre loi est inviolable et ne souffre aucune exception. Cela dit, nous allons nous intéresser de plus près à cet enfant singulier. Comment s’appelle-t-il ?

    — Momo.

    — Fille ou garçon ?

    — Une petite fille.

    — Adresse ?

    — L’amphithéâtre en ruine.

    — Bon, conclut le juge, après avoir tout noté dans son petit calepin, soyez certain, accusé, que cet enfant ne nous causera plus de soucis. Nous y veillerons par tous les moyens. Que cela vous serve de leçon tandis que nous passons maintenant à l’exécution de la sentence.

    L’accusé se mit à trembler.

    — Qu’avez-vous décidé ? chuchota-t-il.

    Les trois juges se penchèrent les uns vers les autres, murmurèrent quelque chose et hochèrent la tête.

    Se tournant de nouveau vers l’accusé, celui du milieu proclama :

    — Le verdict concernant l’agent BLW/553/c a été rendu à l’unanimité : l’accusé est reconnu coupable de haute trahison. Il a lui-même avoué sa faute. Le châtiment prescrit par notre loi consiste à le priver immédiatement de la totalité de son temps.

    — Grâce ! Grâce ! s’écria l’accusé.

    Mais deux messieurs gris lui avaient déjà arraché son porte-documents gris plomb et son petit cigare.

    Alors il se produisit quelque chose d’étrange. À l’instant même où le condamné perdait son cigare, il se fit de plus en plus transparent. Même ses cris diminuaient d’intensité. Et, les mains devant le visage, il se dissipa littéralement dans le néant. Le vent fit encore tourbillonner quelques derniers flocons de cendre, qui s’évanouirent à leur tour.

    Les messieurs gris qui avaient assisté au procès s’éloignèrent en silence. L’obscurité les avala, seul le vent gris continuant de souffler sur la décharge déserte.

    Beppo Balayeur restait immobile, fixant l’endroit où l’accusé avait disparu. Il se sentait comme un bloc de glace qui commencerait lentement à fondre. Désormais il savait, pour les avoir vus, que les messieurs gris existaient.

    À peu près à la même heure – le clocher lointain avait sonné minuit –, la petite Momo se trouvait encore sur les gradins de l’amphithéâtre. Elle attendait. Elle n’aurait su dire quoi. Mais elle avait l’impression qu’elle devait attendre, et elle n’avait pu se résoudre à aller dormir. Soudain elle sentit quelque chose effleurer doucement son pied nu. Elle se pencha, car il faisait très sombre, et vit une grande tortue qui la regardait, tête relevée, avec un étrange sourire. Ses intelligents yeux noirs luisaient d’un éclat amical comme si elle allait se mettre à parler. Momo s’inclina davantage et chatouilla l’animal sous le menton.

    — Qui es-tu ? demanda-t-elle d’une voix douce. C’est gentil de me rendre visite, tortue. Qu’est-ce que tu me veux ?

    Momo ne sut pas si la présence des lettres lui avait jusque-là échappé ou si c’est à ce moment précis qu’elles devinrent visibles. Quoi qu’il en soit, elles apparurent soudain sur la carapace, brillant d’un faible éclat. Elles paraissaient naître des motifs formés par les plaques de corne.

    « VIENS ! » déchiffra lentement Momo.

    Étonnée, elle se rassit.

    — C’est à moi que tu parles ?

    Mais la tortue s’était déjà mise en mouvement. Au bout de quelques pas, elle s’arrêta et se retourna vers l’enfant.

    « C’est vraiment à moi qu’elle s’adresse », pensa Momo. Alors elle

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