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    2. Momo
    3. Chapitre 14
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    offre. Mais pas tout en même temps, évidemment, je te les donnerai petit à petit ! Et il y en aura bien plus encore. Tu n’as pas besoin de faire quoi que ce soit. Contente-toi de jouer comme je te l’ai expliqué. Alors, qu’en dis-tu ?

    Le monsieur gris adressa à Momo un sourire interrogateur, mais comme elle le regardait, l’air grave, sans répondre, il ajouta précipitamment :

    — Tu pourras te passer de tes amis, tu comprends ? Tu auras assez de distraction avec toutes ces jolies affaires, sans compter que tu en recevras sans cesse de nouvelles. C’est bien ce que tu veux, non ? Tu la veux, cette poupée formidable ? Tu la veux absolument, hein ?

    Momo sentait obscurément qu’un combat l’attendait, qu’il était même déjà engagé. Mais elle ignorait pour quelle raison ce combat avait lieu et contre qui. Car, plus elle écoutait le visiteur, plus il lui faisait le même effet que la poupée : elle entendait une voix, elle entendait des mots, mais n’entendait pas celui qui parlait. Elle secoua la tête.

    — Allons bon ! dit le monsieur gris en haussant les sourcils. Tu n’es toujours pas satisfaite ? Les enfants d’aujourd’hui sont vraiment exigeants ! Pourrais-tu me dire ce qui manque à cette poupée parfaite ?

    Momo baissa les yeux au sol et réfléchit.

    — Je crois, chuchota-t-elle, qu’on ne peut pas l’aimer.

    Le monsieur gris resta un long moment silencieux. Il avait le même regard vitreux que la poupée. Il finit par se ressaisir.

    — Mais ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit, déclara-t-il d’un ton glacial.

    Momo le regarda dans les yeux. L’homme l’effrayait, surtout à cause de la froideur de son regard. Pourtant, bizarrement, elle éprouvait aussi de la peine pour lui sans pouvoir dire pourquoi.

    — Mais je les aime, mes amis, protesta-t-elle.

    Le monsieur gris fit la grimace comme s’il avait mal aux dents. Il se reprit aussitôt et adressa à Momo un sourire en lame de rasoir.

    — Je crois, dit-il doucement, que nous devrions avoir une discussion sérieuse, ma petite, afin que tu comprennes ce qui est important.

    Il sortit un calepin gris de sa serviette et le feuilleta jusqu’à ce qu’il eût trouvé ce qu’il cherchait.

    — Tu t’appelles Momo, n’est-ce pas ?

    Momo acquiesça. Le monsieur gris referma son calepin, le rangea et s’assit sur le sol à côté de la fillette en poussant un léger gémissement. Puis il fuma son petit cigare gris d’un air songeur.

    — Bon, Momo, écoute-moi bien, commença-t-il enfin.

    C’était effectivement ce que Momo essayait de faire depuis un moment. Mais l’homme était beaucoup plus difficile à écouter que toutes les personnes qu’elle avait rencontrées jusqu’alors. D’ordinaire, Momo parvenait à se faufiler à l’intérieur de l’autre afin de comprendre ce qu’il voulait dire et qui il était. Mais, avec ce visiteur, c’était tout bonnement impossible. Elle avait beau essayer, elle avait le sentiment de se précipiter dans l’obscurité et le vide, comme s’il n’y avait personne. Cela ne lui était encore jamais arrivé.

    — La seule chose qui importe dans la vie, poursuivit l’homme, c’est de réussir, de devenir quelqu’un, de posséder quelque chose. Quand on va plus loin que les autres, quand on devient plus important et plus riche qu’eux, le reste vous vient naturellement : amitié, amour, considération… Tu prétends aimer tes amis. Examinons ça de plus près.

    Le monsieur gris exhala quelques ronds de fumée en forme de zéro. Momo glissa ses pieds nus sous sa jupe et se recroquevilla le plus possible dans sa grande veste.

    — La première question qui se pose, reprit le monsieur gris, est la suivante : qu’est-ce que ton existence apporte à tes amis ? Est-ce qu’elle leur est utile ? Non. Les aide-t-elle à avancer, à s’enrichir, à faire quelque chose de leur vie ? Certainement pas. Soutiens-tu leurs efforts pour économiser du temps ? Au contraire. Tu es un boulet, tu ruines leurs chances de progresser. Tu ne t’en es peut-être pas encore aperçue, Momo, mais tu nuis à tes amis par ta simple présence. Oui, sans le vouloir, tu es leur ennemie. C’est ça que tu appelles aimer ?

    Momo ne savait quoi répondre. Jamais encore elle n’avait envisagé les choses sous cet angle. L’espace d’un instant, elle se demanda même si le monsieur gris n’avait pas raison.

    — Voilà pourquoi nous voulons protéger tes amis contre toi, continua le monsieur gris. Si tu les aimes vraiment, tu nous aideras. Nous voulons qu’ils réussissent. C’est nous qui sommes leurs vrais amis. Nous ne pouvons pas rester là sans rien faire pendant que tu les éloignes de ce qui est important. Nous veillerons à ce que tu les laisses tranquilles. C’est pour ça que nous t’offrons toutes ces belles affaires.

    — Qui « nous » ? demanda Momo, les lèvres tremblantes.

    — Nous de la Caisse d’épargne du Temps, répondit le monsieur gris. Je suis l’agent BLW/553/c. En ce qui me concerne, je ne te veux que du bien, mais la Caisse d’épargne du Temps ne plaisante pas.

    À cet instant, Momo se souvint que Beppo et Gigi avaient parlé d’économies de temps et d’épidémie. Elle eut l’horrible pressentiment que ce monsieur gris avait quelque chose à voir avec cela. Si seulement ses deux amis avaient été là ! Elle ne s’était jamais sentie aussi seule. Mais elle décida de ne pas se laisser impressionner. Rassemblant son courage, elle se précipita dans l’obscurité et le vide derrière lesquels le monsieur gris se cachait. Celui-ci avait observé Momo du coin de l’œil. Son changement d’expression ne lui avait pas échappé. Il sourit ironiquement tout en allumant un nouveau cigare au mégot du précédent.

    — Ne te donne pas cette peine, dit-il, tu ne fais pas le poids en face de nous.

    Momo ne céda pas.

    — N’as-tu personne qui t’aime ? chuchota-t-elle.

    Le monsieur gris se recroquevilla et, soudain, il s’affaissa légèrement. Il répondit d’une voix cendrée :

    — Je dois dire que, jusqu’à présent, je n’avais encore jamais rencontré quelqu’un comme toi. Pourtant, je connais beaucoup de monde. S’il y avait davantage de gens de ton espèce, nous ne tarderions pas à fermer notre Caisse d’épargne du Temps et à nous évanouir dans le néant car, alors, de quoi vivrions-nous ?

    L’agent s’interrompit. Il fixa Momo, tout en ayant l’air de lutter contre quelque chose d’incompréhensible et d’inextricable. Son visage se fit encore un peu plus gris. Lorsqu’il se remit à parler, il parut le faire contre sa volonté, comme si les mots sortaient tout seuls sans qu’il puisse l’empêcher. Ses traits se déformaient tant il était épouvanté de ce qui lui arrivait. Alors Momo entendit enfin sa véritable voix.

    — Nous devons rester ignorés, perçut-elle comme à distance, personne ne doit connaître notre existence et nos activités… Nous veillons à ce que nul ne se souvienne de nous… Nous ne pouvons accomplir notre tâche qu’en demeurant ignorés… Une tâche fastidieuse : soutirer aux hommes l’intégralité de leur vie, heure par heure, minute par minute, seconde par seconde… Le temps qu’ils économisent est perdu pour eux… Nous le leur arrachons… nous l’entreposons… nous en avons besoin… nous en avons soif… Ah, vous ne savez pas ce que c’est, votre temps ! Nous, nous le savons, et nous l’aspirons jusque dans la moelle de vos os… Nous en voulons plus… toujours plus… car nous aussi, nous devenons plus… toujours plus… toujours plus…

    Le monsieur gris avait prononcé ces derniers mots comme dans un râle. Il mit alors ses deux mains devant sa bouche. Les yeux lui sortaient de la tête et il fixait Momo d’un air hébété. Au bout d’un moment, il sembla s’éveiller d’une sorte d’étourdissement.

    — Qu’est-ce… qu’est-ce que c’était que ça ? bredouilla-t-il. Tu m’as espionné ! Je suis malade ! Tu m’as rendu malade !

    Et sur un ton presque implorant :

    — Je n’ai raconté que des bêtises, chère enfant. Oublie ça. Tu dois m’oublier comme le font tous les autres ! Tu le dois ! Tu le dois !

    Il attrapa Momo et la secoua. Elle remua les lèvres, mais fut incapable de dire quoi que ce soit.

    Le monsieur gris se releva d’un bond, jeta autour de lui un regard traqué, saisit son porte-documents gris plomb et courut vers sa voiture. Alors se produisit quelque chose d’extrêmement étrange : comme dans une explosion à l’envers, toutes les poupées et les affaires éparses volèrent jusque dans le coffre, qui se referma en claquant. La voiture démarra sur les chapeaux de roue. Momo resta assise encore longtemps ; elle essayait de comprendre ce qui s’était passé. Au fur et à mesure que le terrible froid quittait ses membres, tout se clarifiait dans son esprit. Elle n’oublia rien. Car elle avait entendu la vraie voix d’un monsieur gris. Devant elle, dans l’herbe sèche, s’élevait une petite colonne de fumée : le mégot écrasé du cigare gris se consumait lentement.

    Chapitre 8

    Beaucoup de rêves

    et quelques réflexions

    Gigi et Beppo arrivèrent en fin d’après-midi. Ils trouvèrent Momo assise à l’ombre du mur, encore un peu pâle et effarée. Ils prirent place près d’elle et s’inquiétèrent de ce qui lui était arrivé.

    Momo eut du mal à le leur expliquer. Pour finir, elle rapporta mot pour mot toute sa discussion avec le monsieur gris.

    Pendant son récit, le vieux Beppo l’observait avec attention et gravité. Les rides de son front se creusaient. Quand Momo eut terminé, il garda le silence.

    Gigi en revanche avait écouté avec une excitation croissante. Ses yeux se mirent à briller comme souvent, lorsqu’il était pris par sa propre histoire.

    — Notre heure de gloire a sonné, Momo ! proclama-t-il en lui posant la main sur l’épaule. Tu as découvert ce que tout le monde ignorait. Nous ne sauverons pas seulement nos vieux amis, nous allons sauver la ville entière ! Nous trois :

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