revenus
en plus elle avait écrit la mauvaise adresse sur sa carte
peut-être qu’elle s’était aperçue que son Wogger
mais les gens étaient toujours en train de partir
je me souviens de ce jour-là
les vagues et les bateaux leurs mats qui ballottaient l’odeur du port
les uniformes des officiers en permission me donnaient le mal de mer
lui il a rien dit tout sérieux
je portais mes bottes celles avec tous les boutons qui me montaient presque aux genoux
ma jupe soulevée par le vent
elle m’a embrassée six ou sept fois j’ai pleuré
oui je crois que j’ai pleuré ou que j’étais sur le point de pleurer
en tout cas mes lèvres tremblotaient quand je leur ai dit Au revoir
pour le voyage elle s’était acheté un magnifique foulard d’un bleu spécial qu’elle portait sur le côté comme ça c’était vraiment très joli
après leur départ la vie est devenue affreusement ennuyante
je passais mes journées à m’imaginer en train de m’enfuir tellement ça me rendait folle
je voulais m’enfuir n’importe où
on n’est jamais satisfaits avec ce qu’on a
les jours s’étiraient finissaient pas de finir
sans courrier pas une seule lettre de personne
sauf les deux trois que je me suis envoyées moi-même pleines de pages blanches
je me morfondais presque autant que maintenant
quand j’ai rien à faire
souvent je me surprends à regarder par la fenêtre au cas où passerait un beau jeune homme
comme l’étudiant en médecine de la rue Holles en face de chez nous celui dont l’infirmière était amoureuse
je me souviens une fois j’ai enfilé mes gants et mon chapeau à la fenêtre pour lui montrer que je sortais
il a rien compris de toute façon ils peuvent être tellement épais
ils la mettent où leur grande intelligence leur matière grise
toute dans leur queue selon moi
et pas un seul visiteur le jour ni une seule lettre jamais
sauf le mot de Boylan et la carte de Milly ce matin qui envoie une lettre à son père bien entendu
moi qui m’a écrit la dernière fois oh madame Dwenn
mais veux-tu bien me dire ce qui lui a pris de m’écrire du Canada après toutes ces années-là pour me demander la recette du pisto madrileño
s’il s’est plu avec moi tantôt j’espère qu’il va m’en écrire une plus longue la prochaine fois
Ô Dieu merci que je me suis trouvé quelqu’un pour me donner ce dont j’avais tellement envie
quand même j’aimerais qu’on m’écrive une vraie lettre d’amour
la sienne franchement valait pas grand-chose
je lui ai dit qu’il pouvait m’écrire tout ce qui lui passait par la tête tout tout tout et à toi pour toujours Hugh Boylan
dans les chansons les femmes font que soupirer jour et nuit qu’elles meurent d’amour convaincues que c’est ça aimer
s’il l’écrivait j’imagine qu’il y aurait un peu de vérité là-dedans
bah vrai ou faux ça te remplit ta journée ta vie tu y penses tout le temps à chaque instant
sauf que c’est bien beau pour eux les hommes parce que si tu es une femme aussitôt que tu vieillis un peu tu finis au fond de la poubelle
Ma première lettre d’amour a été celle de Mulvey
j’étais au lit le matin quand madame Rubio l’a apportée avec le café
mais elle a pas bougé quand je lui ai demandé de me donner ce que je lui montrais du doigt parce que je me souvenais plus du mot pour épingle à cheveux
pour m’aider à l’ouvrir
ah horquila vieille malcommode
orgueilleuse aussi même si elle était tellement laide qu’elle faisait peur
elle avait au moins quatre-vingts peut-être même cent
sa face plissée une masse de rides à force de toujours prier
si elle était aussi sévère c’était surtout parce qu’elle n’en revenait pas de la Flotte atlantique la moitié de tous les navires au monde qui se trouvait dans le port
ni de l’Union Jack partout malgré tous ses carabineros
tout ça parce que quatre marins anglais sur la brosse leur ont piqué leur rocher
mais c’était aussi parce que j’allais pas assez souvent à la messe à Santa Maria selon elle
il l’avait signée un admirateur j’ai failli tomber dans les pommes
j’avais eu envie de l’aborder quand j’ai vu son reflet dans la vitrine du magasin en train de me suivre dans la calle Real
surtout après le clin d’œil qu’il m’a fait comme ça en passant
mais j’avais jamais imaginé qu’il m’écrirait pour un rendez-vous
je me suis promenée toute la journée en la gardant sous mon corsage
il a été le premier homme à m’embrasser sous le Mur des Maures
my sweetheart when a boy
j’avais aucune idée ce qu’était un baiser avant d’avoir senti sa langue dans ma bouche
sa bouche si chaude douce jeune
je l’ai frotté un peu en me servant de mon genou pour voir
c’est comme ça qu’on apprend
je l’ai tellement excité qu’il a écrasé les fleurs qu’il m’avait achetées
il savait pas compter les pesetas et les perra gordas avant que je le lui montre
il était né à Cappoquin sur les rives de la Blackwater c’est ce qu’il m’a raconté en tout cas
mais ç’a été trop bref
puis le jour avant son départ
en mai oui en mai parce que c’est en mai que le jeune roi d’Espagne est né
j’ai toujours été comme ça au printemps j’ai toujours envie d’un nouvel amant
il me fixait je portais ma blouse blanche déboutonnée
pour l’encourager autant que je pouvais sans que ça paraisse trop
mes seins commençaient à peine à s’arrondir
je lui ai dit que j’étais fatiguée
on a été s’étendre sur la falaise qui donne sur la baie de la pinède
un endroit isolé sauvage
selon moi Gibraltar doit être le rocher le plus élevé au monde
les navires au loin qui montent descendent
ça devait être le traversier pour Malte qui s’éloignait oui la mer le ciel
on pouvait faire ce qu’on voulait rester couchés là à jamais
il les caressait par-dessus ma blouse les hommes aiment les toucher comme ça
c’est leur rondeur j’imagine
j’étais penchée au-dessus de lui avec mon chapeau blanc en paille de riz
ma blouse ouverte pour son dernier jour
lui il portait une chemise mince je pouvais voir sa poitrine rose
il voulait toucher le mien avec le sien vite juste se toucher pour un instant
mais j’ai pas voulu il était déçu
j’avais peur tu sais jamais la consommation là je me retrouve avec un petit sur les bras
embarazada
Ines la vieille servante m’a avertie que ça prenait qu’une seule goutte qu’une seule
ensuite j’ai essayé avec la banane
mais j’ai eu peur qu’elle se brise et qu’un bout se perde en moi
il paraît qu’on a déjà sorti quelque chose d’une femme une fois un truc qui avait été là pendant des années tout couvert de sel de chaux
ils veulent tellement retourner là d’où ils viennent ça les rend fous
comment on a fini ça encore oui ô oui
je l’ai fait jouir dans mon mouchoir en faisant semblant que ça m’excitait pas
même si je me suis écarté les cuisses
mais je le laissais pas me toucher sous mon jupon
je l’ai torturé le pauvre j’ai commencé en le chatouillant du bout des doigts
ah que j’ai aimé ça taquiner le chien celui de l’hôtel rrrsssstt awokwokawok
ses yeux fermés un oiseau qui vole au-dessous de nous
timide malgré tout
ça m’excitait de le voir comme ça de l’entendre gémir
je l’ai vu rougir quand je me suis placée au-dessus de lui
quand je l’ai déboutonné et que j’ai sorti son truc quand j’ai baissé la petite peau
Molly ma belle Molly
c’était quoi son nom Jack Joe Harry Mulvey c’est ça oui
un lieutenant si je me souviens bien plutôt châtain
Mon Dieu c’est comme si c’était hier
et si on était mariés je l’aurais laissé faire oui je le lui ai juré oui
je le jure
en tout cas je le laisserais me prendre maintenant certain
peut-être qu’il est mort ou tué ou un capitaine un amiral
peut-être qu’il a épousé une fille des rives de la Blackwater et qu’il se ressemble plus du tout
ils finissent tous par se ranger les femmes ont tellement plus de caractère que les hommes
puis elle elle a pas la moindre idée de ce que je lui ai fait à son cher mari
avant qu’il ait même rêvé d’elle
et en plein jour au vu et au su de tous pourrait-on même dire
ensuite j’ai été un peu déchaînée
pendant des semaines j’ai conservé le mouchoir sous mon oreiller pour retrouver son odeur
à Gibraltar il n’y avait pas moyen de trouver un parfum décent
le seul qu’on trouvait Peau d’Espagne valait rien et aussitôt qu’il s’évaporait ça puait le diable
j’avais voulu surtout lui donner un cadeau pour qu’il se souvienne de moi
lui il m’a offert une grosse bague censée me porter chance une bague de Claddagh
celle que j’ai refilée à Gardner qui partait pour l’Afrique du Sud où les Boers l’ont tué avec leur maudite guerre et leur maudite fièvre
Frseeeeeeeeeeeeeeeeeeeefrong
le même train
la même complainte
once in the dear deaead days beyondre call
ferme les yeux inspire avance tes lèvres comme un baiser visage triste
ouvre les yeux piano
ere oer the world the mists began
j’haïs ça ce istbeg
comes loves sweet sooooooooooong
je te leur enverrai ça à pleins poumons
une fois que je me trouverai de nouveau sous les feux de la rampe
à pleins poumons et en pleine gueule à la Kathleen Kearney et sa cohorte de petites pies
Mademoiselle ci Mademoiselle ça Mademoiselle on s’en fout merci
sa bande d’étourneaux qui déambulent partout en parlant de politique
un sujet qu’elles connaissent tellement bien mes fesses en savent plus qu’elles
n’importe quoi pour se rendre intéressantes des beautés irlandaises pure laine
fille de soldat c’est ça oui ô que oui et vous de cireurs de bottes tiens
elles tomberaient toutes raides mortes d’un coup sec si jamais on les invitait à se promener sur l’Alameda au bras d’un officier un soir de concert comme je l’ai fait
mes yeux s’allumaient ma poitrine se
elles ont pas de passion savent pas ce que c’est les pauvres petits choux
à quinze ans j’en savais davantage à propos des hommes puis de la vie qu’elles en sauront à cinquante
elles savent pas chanter une chanson