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    2. L'Histoire sans fin
    3. Chapitre 2
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    flanqué dans une poubelle et ils ont rabattu le couvercle. J’ai hurlé pendant deux heures avant que quelqu’un m’entende.

    — Hum, grogna M. Koreander, et maintenant tu ne t’y risques plus. »

    Bastien secoua la tête.

    «Eh bien, conclut M. Koreander, tu es un froussard par-dessus le marché.»

    Bastien baissa la tête.

    «Tu es probablement un bel ambitieux, non? Le meilleur de la classe, avec rien que des dix sur dix, le chouchou de tous les professeurs, pas vrai?

    — Non, répondit Bastien, les yeux toujours baissés, l’année dernière j’ai redoublé.

    — Dieu du ciel! s’exclama M. Koreander, alors tu es un raté sur toute la ligne! »

    Bastien ne disait rien. Il restait planté là, les bras ballants, le manteau dégouttant.

    «Et qu’est-ce qu’ils crient donc quand ils se moquent de toi? voulut encore savoir M. Koreander.

    — Oh ! Tout ce qu’on peut imaginer.

    — Par exemple?

    — Alexandre, Alexandre! Est assis sur le pot de chambre! Il se casse en deux le pot. Alexandre dit tout haut : C’est parce que je suis trop gros. ”

    — Pas très malin, remarqua M. Koreander, et quoi d’autre? »

    Bastien hésita avant d’énumérer :

    « Maboul, avorton, fanfaron, faux jeton…

    — Pourquoi ” maboul “?

    — Je parle parfois tout seul.

    — Et qu’est-ce que tu te racontes, par exemple?

    — Je m’invente des histoires, j’imagine des noms et des mots qui n’existent pas.

    — Et tu te racontes tout cela à toi-même? Pourquoi ?

    — Eh bien, c’est qu’il n’y a personne d’autre que ce genre de choses intéresse. »

    M. Koreander se tut un moment, pensif.

    «Et qu’est-ce que tes parents en pensent? »

    Bastien ne répondit pas tout de suite. Ce n’est qu’au bout d’un moment qu’il murmura :

    «Papa ne dit rien. Il ne dit jamais rien. Tout lui est bien égal.

    — Et ta mère?

    — Elle… elle n’est plus là.

    — Tes parents sont séparés?

    — Non, répondit Bastien, elle est morte. »

    A cet instant, le téléphone sonna. M. Koreander se leva avec quelque difficulté de son fauteuil et traîna la savate jusqu’à un petit cabinet qui était à l’arrière de sa boutique. Il décrocha et Bastien l’entendit confusément qui disait son nom. Puis la porte du cabinet se referma et il ne perçut plus qu’un murmure étouffé.

    Bastien était planté là, il ne savait pas bien ce qui lui était arrivé, ni pourquoi il avait tant parlé, fait toutes ces confidences. Il détestait qu’on le questionne ainsi. Et, subitement, l’idée lui vint qu’il allait arriver très en retard à l’école, mais oui, c’était sûr, il fallait absolument qu’il se dépêche, qu’il coure – pourtant il restait cloué sur, place, il n’arrivait pas à se décider. Quelque chose le retenait, il ne savait pas quoi.

    Du cabinet continuait à lui parvenir un bruit de voix étouffé. C’était une longue conversation téléphonique.

    Bastien prit conscience du fait qu’il n’avait pas cessé un seul instant de fixer le livre que M. Koreander avait eu entre les mains et qui était maintenant posé sur le fauteuil. Il ne pouvait tout simplement pas en détourner son regard. C’était comme si de ce livre émanait une sorte de force magnétique qui l’attirait irrésistiblement.

    Il s’approcha du fauteuil, étendit lentement la main, toucha le livre – et au même instant il sentit au fond de lui comme un déclic, comme si un piège venait de se refermer. Bastien eut le sentiment obscur que par ce contact il avait déclenché un processus irréversible, qui désormais suivrait son cours.

    Il souleva le livre et l’examina sous tous les angles : il était relié en soie couleur de cuivre et étincelait quand on le manipulait. En le feuilletant rapidement, Bastien vit qu’il n’y avait pas d’illustrations, mais des lettrines très grandes et splendides. En regardant à nouveau la reliure, plus attentivement, il y découvrit deux serpents, un clair et un foncé, qui se mordaient la queue l’un l’autre, décrivant ainsi un ovale. A l’intérieur de cet ovale figurait le titre, en lettres curieusement entrelacées :

    L’HISTOIRE SANS FIN

    C’est une chose bien mystérieuse que les passions humaines et il en va de même en cette matière pour les enfants et pour les adultes. Ceux qui sont atteints ne peuvent pas s’expliquer, et ceux qui n’ont rien vécu de semblable ne peuvent pas les comprendre. Il y a des hommes qui risquent leur vie pour venir à bout d’un pic de montagne. Personne, pas même eux, ne pourrait vraiment expliquer pourquoi. Il y en a qui se ruinent pour conquérir le cœur d’une certaine personne, qui ne veut rien entendre. D’autres courent à leur perte parce qu’ils sont incapables de résister aux plaisirs de la table – ou à ceux de la bouteille. D’autres encore renoncent à tout ce qu’ils possèdent dans l’espoir de gagner à un jeu de hasard ou sacrifient tout à une idée fixe qui ne se concrétisera jamais. Certains croient ne pouvoir être heureux qu’ailleurs que là où ils sont et passent leur vie à courir le monde. Il y a des gens, enfin, qui n’ont de cesse de devenir puissants. Bref, il y a autant de passions différentes que d’individus.

    La passion de Bastien Balthasar Bux, c’était les livres. Qui n’a jamais passé tout un après-midi sur un livre, les oreilles en feu et les cheveux en bataille, à lire et lire encore, oublieux du monde alentour, insensible à la faim et au froid –

    Qui n’a jamais lu en cachette, sous sa couverture, à la lueur d’une lampe de poche, parce qu’un père ou une mère, ou quelque personne bien intentionnée avait éteint la lumière, dans l’idée louable que le moment était maintenant venu de dormir puisque demain il faudrait se lever très tôt –

    Qui n’a jamais versé, ouvertement ou en secret, des larmes amères en voyant se terminer une merveilleuse histoire et en sachant qu’il allait falloir prendre congé des êtres avec lesquels on avait partagé tant d’aventures, que l’on aimait et admirait, pour qui l’on avait tremblé et espéré, et sans la compagnie desquels la vie allait paraître vide et dénuée de sens –

    Celui qui n’a pas fait lui-même l’expérience de tout cela ne comprendra visiblement pas le geste de Bastien.

    Il regardait fixement le titre du livre et il se sentait alternativement bouillant et glacé. C’était bien là ce dont il avait tant de fois rêvé, ce qu’il souhaitait trouver depuis le jour où la passion des livres s’était emparée de lui : une histoire qui ne finit jamais! Le livre des livres!

    Il lui fallait ce livre, à n’importe quel prix!

    A n’importe quel prix? Facile à dire! Même s’il avait pu proposer plus que les trois marks et quinze pfennigs d’argent de poche qu’il avait sur lui – ce peu aimable M. Koreander lui avait déjà nettement fait comprendre qu’il n’avait pas l’intention de lui vendre le moindre livre. Quant à lui en faire cadeau, il ne fallait même pas y penser. C’était sans espoir.

    Et pourtant, Bastien savait qu’il ne pouvait pas s’en aller sans le livre. Il voyait maintenant très clairement qu’il était venu ici uniquement à cause de ce livre, qui l’avait en quelque sorte appelé, de quelque mystérieuse façon, parce qu’il voulait être à lui, parce qu’il lui appartenait en réalité depuis toujours.

    Bastien tendit l’oreille vers le cabinet d’où lui parvenait toujours le même murmure de voix.

    Avant même de s’être rendu compte de ce qu’il faisait, il avait à la hâte dissimulé le livre sous son manteau et le pressait contre lui. Sans faire le moindre bruit, il recula jusqu’à la porte de la boutique, les yeux anxieusement braqués sur l’autre porte, celle du cabinet. Prudemment, il appuya sur la poignée. Il voulait éviter de déclencher le tintement des clochettes de laiton, aussi se contenta-t-il d’entrouvrir la porte vitrée, juste assez pour qu’elle lui livre passage. Une fois dehors, il prit soin de la refermer tout doucement.

    Alors seulement il se mit à courir.

    Dans son cartable, les cahiers, les livres et le plumier sautillaient et cliquetaient au rythme de ses pas. Il ressentit un point de côté, mais continua à courir. La pluie ruisselait sur son visage, lui dégoulinait dans la nuque à l’intérieur de son col. Le froid et l’humidité pénétraient à travers son manteau mais il ne s, avait chaud, et pas seulement parce rait.

    Sa conscience, qui tout à l’heure dans la tique n’avait pas bronché, se réveilla d’un coup. Tous les arguments qui avaient été si convaincants lui parurent soudain contestables et se mirent à fondre comme des bonshommes de neige sous le souffle enflammé d’un dragon.

    Il avait dérobé le livre. C’était un voleur.

    Son délit était même pire qu’un vol ordinaire. Ce livre avait une valeur absolument unique et irremplaçable : certainement le plus précieux trésor de M. Koreander. Dérober son instrument à un violoniste ou à un roi sa couronne, cela représentait autre chose que de vider un tiroir-caisse.

    Pourtant, tout en continuant à courir, il serrait le livre sous son manteau. Il ne voulait pas le perdre, quoi qu’il risquât de lui en coûter. C’était la seule chose qu’il possédait encore sur cette terre.

    Car il ne pouvait évidemment plus rentrer à la maison.

    Il essayait de se représenter son père assis dans la grande pièce aménagée en laboratoire et travaillant. Autour de lui, des douzaines de moulages en plâtre de mâchoires humaines, car il était mécanicien dentiste. Bastien ne s’était encore jamais demandé si son père aimait vraiment faire ce travail. C’était la première fois que la question lui venait à l’esprit, et désormais il ne pourrait plus jamais la lui poser.

    S’il rentrait maintenant à la maison, son père sortirait du laboratoire, en blouse blanche, avec peut-être une mâchoire de plâtre dans la main, et lui demanderait :

    « Déjà de retour?

    – Oui, répondrait Bastien.

    – Pas d’école aujourd’hui? »

    Il voyait devant lui le visage calme et triste de son

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    Classique, Fantaisie, Fiction, Jeunesse
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