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    2. Les Gais Lurons
    3. Chapitre 8
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    danger pour votre fille, ma cousine. Quant à vos coupables terreurs, monsieur, le trépassé dort bien où vous l’avez mis. J’ai vu sa tombe ce matin ; il ne s’éveillera pas avant la trompette du Jugement.

    Mon oncle me regarda, clignotant, jusqu’à ce que j’eusse fini, puis il baissa les yeux vers le sol, en faisant craquer ses doigts d’un air niais ; mais il était visible qu il avait perdu l’usage de la parole.

    — Allons, dis-je. Il nous faut réfléchir pour les autres. Vous allez venir avec moi sur la colline, examiner ce navire.

    Il m’obéit sans un mot ni un regard, et suivit lentement mes enjambées impatientes. Tout ressort avait abandonné son corps et il escaladait pesamment les rochers, au lieu de sauter, comme il faisait à l’ordinaire, de l’un à l’autre. J’eus beau crier, il me fut impossible de l’amener à se hâter davantage. Une seule fois, il me répondit d’un ton plaintif, comme s’il souffrait physiquement : « Oui, oui, mon ami, j’arrive. » Longtemps avant que nous ne fussions en haut, j’avais cessé d’éprouver pour lui autre chose que de la pitié. Si son crime avait été énorme, le châtiment était proportionné.

    Enfin, nous émergeâmes au-dessus de l’horizon de la butte et pûmes voir à la ronde. Tout était noir et tempétueux, le dernier rai de soleil avait disparu ; du vent s’était levé, faible encore, mais soufflant par rafales et sans direction fixe ; la pluie, par ailleurs, avait cessé. Bien que peu de temps se fût écoulé, la mer avait beaucoup grossi depuis que je l’avais vue de là-haut en dernier lieu ; déjà elle déferlait par-dessus les récifs les plus éloignés, et déjà elle mugissait très haut dans les cavernes marines d’Aros. Je cherchai, d’abord vainement, la goélette.

    — La voilà, dis-je enfin.

    Mais sa nouvelle position et la route qu’elle suivait maintenant m’intriguèrent.

    — Ils n’ont pourtant pas l’intention de gagner le large ! m’écriai-je.

    — C’est bien ce qu’ils essayent, dit mon oncle, avec une sorte de joie.

    Juste alors, la goélette vira et entreprit une nouvelle bordée, ce qui mettait la question hors de doute. Ces étrangers, voyant la bourrasque proche, avaient pensé d’abord à se dégager des terres. Avec le vent qui menaçait, dans ces eaux parsemées de récifs, et luttant contre un courant de marée aussi violent, leur route les menait à une mort assurée.

    — Grand Dieu ! dis-je, ils sont perdus !

    — Mais oui, répondit mon oncle, infailliblement perdus. Leur unique chance serait d’atteindre Kyle Dona. La passe qu’ils tentent à présent, ils ne la franchiraient pas, même si c’était le grand diable qui les pilotait. Hé, mon garçon ! poursuivit-il en me touchant le bras, – c’est une fameuse nuit pour un naufrage ! Deux en un an ! Hé ! ce sont les Gais Lurons qui vont s’en donner !

    Je le regardai, et ce fut alors que je commençai à comprendre qu’il n’était plus dans son bon sens. Il m’examinait de bas en haut, comme s’il quêtait mon approbation, avec, dans le regard, une joie timide. Tout ce qui venait de se passer entre nous était oublié déjà, en attente d’un nouveau désastre.

    — S’il n’était pas trop tard, m’écriai-je avec indignation, je prendrais le lougre pour aller les avertir du danger.

    — Non, non, protesta-t-il, vous ne devez pas intervenir ; vous ne devez pas vous en mêler. C’est Sa volonté (et il ôta son bonnet). Mais, mon garçon, une fameuse nuit pour ça !

    Une sorte de peur s’insinua en moi et, lui rappelant que je n’avais pas encore dîné, je lui proposai de retourner à la maison. Mais non : rien ne l’eût arraché de son poste de guet.

    — Je veux tout voir, Charlie mon garçon, expliqua-t-il ; et puis, comme la goélette virait de bord pour la seconde fois : – Hé, mais ils manœuvrent gentiment ! Le Christ-Anna n’était rien en comparaison.

    À cette heure, les gens de la goélette avaient dû commencer à comprendre quelque chose, mais pas la vingtième partie, des périls qui assiégeaient leur navire condamné. À chaque bouffée capricieuse de vent, ils voyaient sans doute avec quelle vélocité le courant les rejetait en arrière. Ils raccourcirent leurs bordées, en voyant leur peu d’effet. À chaque instant, les lames, toujours plus hautes, tonnaient et rejaillissaient sur un nouvel écueil invisible ; et de temps à autre une lame déferlait en cataracte retentissante sur l’avant de la goélette, et le noir du récif apparaissait, avec les varechs tournoyants, dans le creux de la vague. En vérité, ils devaient s’attacher à leur manœuvre ; et Dieu sait qu’il n’y avait personne d’oisif à bord. C’étaient les péripéties de ce drame aussi affreux pour tout homme doué de sensibilité que mon malencontreux oncle examinait et couvait des yeux, en connaisseur. M’éloignant de lui pour descendre de la butte, je le laissai couché à plat ventre sur le sommet, les bras étalés, et cramponné à la bruyère. Il semblait rajeuni de corps et d’âme.

    Quand je rentrai à la maison, déjà péniblement affecté, je fus encore plus saisi de tristesse à la vue de Mary. Elle avait relevé ses manches sur ses bras robustes et pétrissait tranquillement du pain. Je pris un quignon dans le buffet et m’assis pour le manger en silence.

    — Vous êtes fatigué, fils ? demanda-t-elle, après un temps.

    — Je suis moins fatigué, Mary, lui répondis-je en me levant, que je ne suis las de l’attente, et peut-être aussi las d’Aros. Vous me connaissez suffisamment pour me juger comme il faut, Mary, quoi que je dise. Eh bien, Mary, vous pouvez être sûre d’une chose, c’est que vous seriez mieux partout ailleurs qu’ici.

    — Je suis sûre d’une chose, répliqua-t-elle, c’est que je serai là où se trouve mon devoir.

    — Vous oubliez que vous avez un devoir envers vous-même.

    — Vraiment ? reprit-elle, en peinant sur la pâte ; est-ce dans la Bible que vous avez trouvé cela ?

    — Mary, dis-je gravement, vous choisissez mal votre heure pour vous railler de moi. Dieu sait que je n’ai pas le cœur à la plaisanterie. Si nous pouvions emmener votre père avec nous, ce serait le mieux ; mais avec ou sans lui, je veux vous voir loin d’ici, ma chère fille ; pour vous, pour moi, pour votre père également, – loin, très loin d’ici. J’étais venu en de tout autres idées ; j’étais venu ici comme on retourne chez soi ; mais à présent, tout est changé, et je n’ai plus d’autre désir ni d’espoir que de fuir ; – car c’est le mot : – fuir, comme un oiseau fuit le piège de l’oiseleur, loin de cette île maudite.

    Elle avait suspendu son travail.

    — Vous imaginez-vous, dit-elle, vous imaginez-vous donc que je n’ai pas d’yeux, pas d’oreilles ? Croyez-vous que je n’ai pas souhaité de tout cœur voir ces belles choses (comme il dit, Dieu lui pardonne !) rejetées à la mer ? Croyez-vous que j’ai pu vivre avec lui, un jour après l’autre, sans voir ce que vous avez vu en une heure ou deux ? Non, il y a, je le sens, quelque chose qui cloche. Quoi ? je ne le sais ni ne veux le savoir. Jamais une mauvaise situation ne s’est améliorée par le fait de s’en mêler, que je sache. Mais, fils, ne venez pas me demander de quitter mon père. Tant que j’aurai un souffle, je resterai avec lui. D’ailleurs, il n’y sera plus longtemps ; je puis vous le dire, Charlie, – il n’y sera plus longtemps. Il porte la marque fatale sur le front ; et cela vaut mieux ; cela vaut peut-être mieux.

    Je demeurai silencieux une minute, ne sachant que dire, et lorsque je relevai enfin la tête pour parler, elle me devança.

    — Charlie, dit-elle, ce qui est bien pour moi n’est pas nécessairement tel pour vous. Le péché plane sur cette maison, et la menace ; vous êtes un étranger ; mettez sur votre dos ce qui vous appartient, et passez votre chemin, vers des lieux plus favorables et des gens plus heureux, et si l’envie vous prend jamais de revenir, fût-ce dans vingt ans d’ici, vous me trouverez toujours à vous attendre.

    — Mary Ellen, dis-je, je vous ai demandé d’être ma femme et vous m’avez répondu oui. La cause est donc entendue. Partout où vous irez, j’irai ; j’en réponds devant Dieu.

    Comme je disais ces mots, le vent eut un soudain accès de fureur, puis sembla se calmer et frissonner autour de la maison d’Aros. C’était la première rafale, ou le prologue de la tempête ; et, comme nous regardions, inquiets, autour de nous, nous vîmes qu’un assombrissement, pareil à la venue du soir, enveloppait la maison.

    — Dieu ait pitié de tous les malheureux qui sont en mer, dit-elle. Nous ne verrons plus mon père jusqu’à demain matin.

    Nous nous assîmes au coin du feu à écouter venir les coups de vent et elle me conta de quelle façon ce changement s’était produit chez mon oncle. Tout l’hiver précédent, il avait été sombre, d’humeur instable. Chaque fois que la mer brisait haut sur le Roost ou, comme disait Mary, chaque fois que les Gais Lurons dansaient, il restait dehors pendant des heures, sur la pointe s’il faisait nuit, ou sur le sommet d’Aros, le jour, à contempler le tumulte de la mer et à inspecter l’horizon, en quête d’une voile.

    Après le 10 février, quand le naufrage porteur de richesses eut été jeté à la côte dans Sandag-Bay, il s’était montré d’abord d’une gaieté peu naturelle, puis son excitation, sans décroître d’intensité, s’assombrit par degrés. Il négligeait sa besogne et laissait Rorie à ne rien faire.

    Tous deux conversaient ensemble des heures d’affilée derrière

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