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    2. Les Gais Lurons
    3. Chapitre 7
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    n’était plus un lieu sûr pour un nageur solitaire. Or, juste au dernier moment, survint une brusque poussée du courant qui rabattit les varechs comme une vague. Je perdis prise d’une main, fus jeté sur le flanc, me débattis, et mes doigts, cherchant d’instinct un nouveau support, se refermèrent sur quelque chose de dur et de froid. Je crois bien que je compris tout de suite ce que c’était. Du moins je lâchai aussitôt le varech, m’envoyai d’un coup de talon à la surface, et grimpai à la seconde sur les rochers amis, tenant à la main un os de jambe humaine.

    L’homme est une créature matérielle, de pensée lente, et qui perçoit malaisément les rapports. La tombe, le naufrage du brick et la boucle de soulier rouillée, étaient à coup sûr des indices nets. Un enfant aurait compris leur sinistre histoire, et cependant ce ne fut qu’après avoir touché ce fragment réel d’humanité que la pleine horreur du charnier océanique s’éclaira dans mon esprit.

    Je déposai l’os à côté de la boucle, ramassai mes habits, et m’encourus comme j’étais, au long du récif, vers le rivage et les hommes. Jamais je ne serais assez loin de cet endroit ; il n’était pas de fortune assez considérable pour m’y faire retourner. Les os des trépassés pouvaient désormais rouler sur du varech ou de l’or monnayé : je ne les dérangerais pas.

    Mais sitôt que je foulai de nouveau la terre familière, et que j’eus protégé ma nudité contre l’ardeur du soleil, je m’agenouillai contre les restes du brick, et de tout mon cœur me mis à prier longuement et passionnément pour toutes les pauvres âmes perdues en mer. Une prière fervente n’est jamais dite en vain ; la requête peut se voir refusée, mais le requérant est toujours exaucé, je pense, par l’envoi d’une grâce. L’horreur, en tout cas, fut ôtée de mon esprit ; et je regardai d’une âme apaisée cette vaste et magnifique création de Dieu, l’océan ; et, quand je me dirigeai vers la maison, gravissant les pentes abruptes d’Aros, il ne me restait de mon effroi qu’une résolution bien arrêtée de ne plus rien avoir à faire avec les dépouilles des navires naufragés ou les richesses des trépassés.

    J’étais déjà assez haut sur la butte, lorsque je m’arrêtai pour souffler et regarder derrière moi. Le spectacle qui frappa mes yeux était doublement singulier.

    D’abord, la tempête que j’avais prévue s’avançait avec une vélocité quasi tropicale. Toute la surface de la mer avait perdu son éclat antérieur et pris la sombre et sinistre matité du plomb ; au loin déjà, les vagues blanches, les « filles du capitaine », avaient commencé de fuir devant une brise encore insensible sur Aros ; et déjà, sur la périphérie de Sandag-Bay, se succédaient des lames clapotantes que je pouvais entendre d’où j’étais. La transformation du ciel était encore plus remarquable. De l’horizon sud-ouest s’élevait une sorte d’énorme et massif continent de nuages menaçants ; çà et là, par des déchirures de son tissu, le soleil irradiait un faisceau de rayons divergents ; et çà et là, de tous ses bords, de larges coulées d’encre s’allongeaient dans le ciel demeuré pur. La menace était formelle et imminente. Je regardais encore, que le soleil disparut. À tout moment, la tempête pouvait fondre sur Aros, dans toute sa violence.

    La soudaineté de ce changement de temps avait si bien attaché mes regards sur le ciel qu’il se passa quelques instants avant qu’ils s’abaissassent sur la baie, géographiée sous mes pieds, et presque aussitôt dénuée de soleil. La butte sur laquelle je venais de monter dominait un petit amphithéâtre d’éminences plus basses, inclinées vers la mer et, au-delà, la courbe jaune de la plage et l’étendue entière de Sandag-Bay.

    C’était un paysage que j’avais contemplé souvent, mais où jamais je n’avais vu un être humain. Je venais à peine de lui tourner le dos, le laissant vide, et on peut imaginer mon étonnement de découvrir un canot et plusieurs hommes en ces lieux abandonnés. Le canot était mouillé le long des rochers. Une paire de matelots, tête nue, manches de chemise relevées, et dont l’un était armé d’une gaffe, maintenaient avec difficulté l’embarcation contre un courant plus intense à chaque minute. Un peu plus loin sur le récif, deux hommes vêtus de noir, que je jugeai être d’un rang supérieur, penchaient à la fois leurs têtes sur une opération que je ne compris pas tout d’abord, mais dont je découvris la nature une seconde plus tard : ils prenaient des relèvements au compas ; et je vis l’un d’eux dérouler un papier sur lequel il posa l’index comme s’il identifiait un point sur la carte.

    Cependant, un troisième rôdait deçà et delà, fourrageant parmi les rochers, et regardant par-dessus le bord, dans l’eau. J’étais encore à examiner avec stupéfaction ce spectacle, dont l’inattendu rendait mon esprit incapable de tout commentaire, lorsque ce troisième personnage soudain s’arrêta et appela ses compagnons, d’un cri si fort qu’il parvint à mes oreilles jusqu’au haut de la butte. Les autres coururent à lui, laissant même tomber le compas dans leur précipitation, et je vis le fémur et la boucle de soulier passer de main en main, provoquant les gestes les plus insolites de surprise et d’intérêt. Juste alors, j’entendis les occupants du canot pousser des appels, et les vis désigner à l’ouest ce continent de nuages qui développait toujours plus vite sa noirceur à travers le ciel. Les autres parurent se consulter, mais le danger était trop pressant pour être bravé, et ils se jetèrent dans le canot, emportant avec eux mes reliques, et firent force de rames pour sortir de la baie.

    Sans m’occuper d’eux davantage, je fis volte-face et m’encourus vers la maison. Quels que fussent ces gens, il fallait informer aussitôt mon oncle de leur présence. Il n’était pas encore trop tard, à cette époque, pour qu’il s’agît d’une descente de Jacobites ; et peut-être le prince Charles, que je savais détesté de mon oncle, était-il l’un des trois chefs que j’avais vus sur le récif. Néanmoins, tout en courant, sautant de roc en roc, et retournant l’affaire dans mon esprit, ma raison acceptait de moins en moins cette hypothèse. Le compas, la carte, l’intérêt provoqué par la boucle, et la conduite de celui des étrangers qui avait regardé si fréquemment au-dessous de lui dans l’eau, – tous ces détails tendaient vers une autre explication de leur présence sur cette île écartée et déserte de la mer occidentale. L’historien de Madrid, les recherches instituées par le Dr Robertson, l’étranger barbu aux bagues, ma recherche infructueuse, ce matin même, dans les profondeurs de la baie, se présentèrent successivement à ma mémoire, et j’acquis la certitude que ces étrangers devaient être des Espagnols en quête des trésors jadis engloutis avec le vaisseau de l’Armada.

    Mais les gens qui vivent sur ces îles perdues, Aros, par exemple, doivent pourvoir eux-mêmes à leur sûreté ; il n’y a dans le voisinage personne pour les protéger ni même leur porter secours ; et la présence en un tel lieu d’un équipage d’aventuriers inconnus, – pauvres, cupides, et fort probablement sans scrupules, – m’emplit d’appréhensions pour l’argent de mon oncle, voire pour la sécurité de sa fille. J’étais encore à me demander comment nous pourrions nous débarrasser d’eux, lorsque j’arrivai, hors d’haleine, au plus haut d’Aros.

    La face du monde était obscurcie ; à l’extrême est seulement, sur un sommet de la terre ferme, un dernier rai de soleil s’attardait comme une pierre précieuse ; la pluie s’était mise à tomber, peu dense, mais à grosses gouttes ; la mer devenait plus forte à chaque minute et déjà une zone blanche encerclait Aros et les côtes voisines de Grisapol. Le canot ramait toujours vers le large, mais je découvris alors ce qui m’avait été caché jusque-là : une grande et belle goélette, lourdement gréée, en panne à l’extrémité sud d’Aros. Puisque je ne l’avais pas vue de la matinée lorsque j’avais examiné si attentivement les signes du temps sur ces eaux désertes où l’on aperçoit rarement une voile, il était clair qu’elle avait dû passer la nuit derrière l’île inhabitée d’Eilean Gour, et ceci prouvait décidément qu’elle était montée par des gens étrangers au pays, car ce mouillage, assez sûr à première vue, ne vaut guère mieux qu’une chausse-trape pour navires. Vu l’ignorance de ces marins perdus sur une côte non familière, la venue de la tempête leur apportait sans doute la mort sur ses ailes.

    CHAPITRE IV

    La tempête

    Je trouvai l’oncle derrière le pignon, et surveillant l’atmosphère, sa pipe aux doigts. Je lui criai :

    — Mon oncle, il y avait des gens à terre dans Sandag-Bay !

    Je n’en pus dire davantage, et j’oubliai non seulement ce que j’allais dire, mais ma fatigue, si étrange fut l’effet produit sur l’oncle Gordon par ces simples mots. Il laissa tomber sa pipe et s’accota contre le mur de la maison, la mâchoire tombante, les yeux écarquillés, et sa longue figure blanche comme du papier. Nous avons dû nous regarder en silence pendant un quart de minute, avant qu’il me fît cette réponse extraordinaire :

    — Avaient-ils gardé leur perruque ?

    Je sus, comme si je l’avais vu, que l’homme enterré dans Sandag avait porté un bonnet à poil et qu’il était arrivé à terre vivant. Pour la première fois, je perdis toute indulgence envers l’homme qui était mon bienfaiteur et le père de la jeune fille que j’avais l’espoir d’appeler ma femme.

    — C’étaient des hommes vivants, dis-je, peut-être des Jacobites, ou bien des Français, ou des pirates, ou des aventuriers venus ici pour rechercher le navire espagnol au trésor ; mais quels qu’ils puissent être, ils sont un

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