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    2. Les Gais Lurons
    3. Chapitre 6
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    pauvre carcasse.

    Le nom du navire était presque effacé, et je ne pus lire nettement s’il s’appelait Christiania comme la ville de Norvège, ou Christiana, comme la femme de Christian, dans ce vieux livre : Le Voyage du pèlerin. D’après sa construction, c’était un navire étranger, mais je demeurai incertain de sa nationalité. Il avait été peint en vert, mais la couleur était à demi effacée et l’enduit pelait par places. Les débris du grand mât s’allongeaient à côté, mi-enterrés dans le sable. Le spectacle, en somme, était lugubre et je ne pus voir sans émotion les bouts des cordages qui pendaient encore alentour, jadis manœuvres aux chants rythmés de l’équipage ; ou l’écoutille par où ils avaient si souvent passé en allant à leurs affaires ; ou la figure de proue, ce pauvre ange sans nez, qui avait piqué à travers tant de lames déferlantes.

    Je ne sais si ce fut à cause du navire ou de la tombe, mais des scrupules mélancoliques m’envahirent, tandis que je restais appuyé d’une main contre les bordages disloqués. Mon imagination se représentait avec vivacité le désemparement des hommes, voire des navires inanimés, jetés sur des rives étrangères. Tirer profit d’aussi pitoyables infortunes me paraissait un acte inhumain autant que sordide ; et je commençai à envisager mon entreprise comme étant de nature sacrilège. Mais la pensée de Mary me rendit du cœur. Mon oncle ne consentirait jamais à un mariage inconsidéré, pas plus qu’elle, j’en étais persuadé, ne m’épouserait sans son assentiment. C’était donc à moi d’agir, et de la mériter pour ma femme ; et je songeai avec un rire, depuis quels âges ce grand vaisseau, l’Espiritu Santo avait laissé sa dépouille dans Sandag-Bay, et quelle naïveté ce serait de tenir compte de droits périmés depuis si longtemps et de malheurs depuis si longtemps oubliés dans le cours des siècles.

    J’avais ma théorie concernant la place où il fallait chercher ses restes. La direction du courant et les fonds désignaient également le côté est de la baie, sous la chaîne de récifs. S’il s’était bien perdu dans Sandag-Bay et : si, après des siècles, quelques débris du bâtiment avaient tenu bon, c’était là que je les trouverais. La profondeur de l’eau, comme je l’ai dit, s’accroît très vite et, même à proximité des récifs, elle atteint plusieurs brasses. Tout en marchant le long de ces récifs, je découvrais dans toute sa superficie le fond de sable de la baie ; le soleil illuminait ses profondeurs d’une clarté verte et paisible ; la baie semblait être un énorme cristal transparent, tels ceux que l’on voit dans la vitrine des lapidaires ; on n’y pouvait reconnaître de l’eau qu’à un certain tremblotement interne, un papillotement de rais de soleil et de filets d’ombres entrelacés et, de temps à autre, un léger clapotis et un murmure expirant sur la courbe de la grève. Les ombres des rochers s’étendaient à quelque distance de leur base, en sorte que mon ombre propre qui les surmontait, mouvante, arrêtée ou penchée, atteignait parfois jusqu’au milieu de la baie. C’était surtout dans cette zone d’ombres que je cherchais l’Espiritu Santo ; car c’était là que le courant sous-marin était le plus fort, dans un sens comme dans l’autre.

    Si fraîche que semblât l’eau, par ce jour brûlant, on l’eût crue plus fraîche encore en cet endroit où elle attirait mystérieusement le regard. Mais j’avais beau m’écarquiller les yeux, je ne voyais rien que des poissons, ou une touffe d’algues, et çà et là un bloc de rocher, tombé d’en haut, et gisant isolé sur le fond de sable.

    Deux fois, je parcourus d’un bout à l’autre les récifs sans pouvoir, sur tout le trajet, découvrir l’épave, ni d’autre place où elle pût se trouver, en dehors d’une seule. Celle-ci était une large plate-forme, sous cinq brasses d’eau, assez élevée au-dessus du fond de sable, et paraissant d’en haut n’être qu’une simple excroissance des rochers sur lesquels je circulais. Une masse de grands varechs, touffus comme un bois, m’empêchaient de juger de sa nature, mais par la forme et la dimension, elle ressemblait assez à la coque d’un navire. Du moins, c’était là ma meilleure chance. Si l’Espiritu Santo n’était pas sous ce fouillis de varechs, il n’était nulle part dans Sandag-Bay ; et je me préparai à tenter l’expérience et à ne retourner en Aros que riche, ou guéri à tout jamais de mes rêves de richesse.

    Je me dépouillai de mes vêtements et restai sur l’extrême bord, les bras croisés, indécis. La baie, à cette heure, était d’un calme parfait ; nul autre bruit que celui d’un pensionnat de marsouins invisibles, quelque part derrière la pointe. Cependant, une crainte vague me retenait sur le seuil de l’aventure. De pénibles souvenirs, telles bribes des superstitions marines de mon oncle, la pensée des morts, celle de la tombe, des vieux navires en débris, me traversaient l’imagination. Mais le soleil dardant sur mes épaules m’échauffait jusqu’au cœur et, me penchant en avant, je plongeai dans la mer.

    Ce ne fut pas sans peine que j’empoignai une lanière du varech qui poussait si dru sur la plate-forme ; mais une fois ancré de la sorte, j’assurai ma prise en saisissant toute une brassée de ces tiges épaisses et visqueuses et, m’arc-boutant des pieds contre la paroi, je regardai à la ronde. De toutes parts, le sable clair s’étendait immaculé ; vers la base des rochers, l’action des marées l’avait balayé à l’instar d’une allée de jardin ; et devant moi, aussi loin que portait ma vue, rien n’apparaissait, sur le fond ensoleillé de la baie, que ce même sable ridé. Mais sur la plate-forme à laquelle j’étais alors cramponné, les plantes marines poussaient aussi dru qu’un buisson de bruyères, et la paroi dont elle semblait une excroissance était, jusqu’à la surface de l’eau, tapissée de lianes brunes.

    Parmi cette confusion de formes qui fluctuaient dans le courant, les objets étaient difficiles à distinguer. Mais j’ignorais encore si mes pieds reposaient sur un rocher naturel, ou sur le pont d’un navire de la riche Armada, lorsque la touffe de varech me resta tout entière dans la main. En un instant je fus remonté à la surface, et les rives de la baie, ainsi que l’eau étincelante, flottèrent devant mes yeux dans un éblouissement rouge. Je regrimpai sur les rochers et jetai à mes pieds la touffe de varech. En même temps, quelque chose rendit un son métallique, comme une pièce de monnaie qui tombe. Je me baissai et découvris, encroûtée de rouille, mais indéniable, une boucle de soulier en acier. La vue de cette pauvre relique d’humanité me pénétra, non d’espérance ni de crainte, mais d’une mélancolie amère. Je la ramassai, et l’image de son propriétaire m’apparut comme une présence réelle. Sa figure tannée par les intempéries, ses mains de matelot, sa voix enrouée par les mélopées du cabestan, son pied qui avait jadis porté cette même boucle et si longtemps arpenté les ponts instables, – tout ce qui faisait de lui un homme, une créature semblable à moi, avec des poils, du sang, des yeux qui voient, m’obsédait, en ce lieu solitaire et ensoleillé, non à la manière d’un fantôme, mais comme un ami que j’aurais bassement offensé.

    Le grand navire au trésor était-il en effet là-dessous, tel qu’il était parti d’Espagne, avec ses canons, ses chaînes et ses richesses, – ses ponts transformés en parterres de varechs, sa cabine en vivier à poissons ; muet, à part le gargouillement des eaux, immobile, à part les ondulations du varech sur ses bastingages, – cette vieille et populeuse forteresse flottante, devenue un récif dans Sandag-Bay ? Ou bien, comme je le croyais plus vraisemblable, ce débris provenait-il de la perte du brick étranger, cette boucle de soulier n’avait-elle été achetée que depuis peu et portée par un de mes contemporains dans l’histoire du monde, qui apprenait les mêmes nouvelles du jour, qui pensait les mêmes idées, qui priait, peut-être, dans le même temple que moi ? Quoiqu’il en fût, j’étais envahi de mornes réflexions ; j’avais encore dans les oreilles la phrase de mon oncle : « Les morts sont là-dessous » ; et bien que déterminé à plonger encore une fois, ce fut avec une vive répugnance que je m’avançai jusqu’au bord des rochers.

    Un grand changement était survenu dans l’aspect de la baie. Son intérieur n’était plus clair et visible comme celui d’une maison à toit de verre que le soleil sous-marin baignait de paisible clarté verte. Une brise, je pense, avait ridé la surface, et une sorte de trouble et de noirceur emplissait son sein, où des éclairs lumineux et des nuages d’ombre s’agitaient, confusément mêlés. Même l’obscure plate-forme au-dessous de moi vibrait et vacillait. Cette fois, la chose semblait plus sérieuse, de s’aventurer en ce lieu d’embûches ; et ce fut avec un grand frisson que je sautai à nouveau dans la mer.

    À nouveau, je me cramponnai, et tâtonnai parmi le varech ondulant. Tout ce que rencontraient mes mains était froid, mou et visqueux. Le fourré grouillait de crabes et de homards qui se bousculaient dans leur fuite oblique, et je dus maîtriser mon dégoût de leur répugnant voisinage. Tout autour de moi je ne tâtais que le grain et les fissures de la pierre dure et vive ; ni planches ni fer, pas la moindre trace d’épave ; l’Espiritu Santo n’était pas là. Je me souviens de m’être senti presque soulagé, malgré mon désappointement, et j’allais bientôt lâcher prise, lorsqu’il arriva quelque chose qui m’envoya à la surface, prêt à défaillir.

    Je m’étais déjà attardé dans mon exploration, le courant fraîchissait avec le renversement de la marée et Sandag-Bay

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