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    2. Les Gais Lurons
    3. Chapitre 13
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    chaos des rochers et les crevasses de l’île. Mais toujours nulle apparence humaine.

    Soudain, le soleil envahit Aros et les ombres et les couleurs se révélèrent. Moins d’une seconde plus tard, au-dessous de moi, vers l’ouest, des moutons se mirent à fuir, pris de panique. Un cri s’éleva. Je vis mon oncle qui courait. Je vis le Noir bondir à sa poursuite ; et avant que j’eusse le loisir de comprendre, Rorie parut à son tour, criant des ordres en gaélique, comme à un chien qui ramène un troupeau.

    Je pris mes jambes à mon cou, mais peut-être aurais-je mieux fait de rester où j’étais, car je ne réussis qu’à couper au dément sa seule ligne de retraite. À partir de cet instant, il n’eut plus devant lui que la tombe, l’épave et les flots de Sandag-Bay. Mais Dieu sait que je fis pour le mieux.

    Mon oncle Gordon vit dans quelle direction, affreuse pour lui, la chasse le poussait. Il fit une feinte d’abord à droite, puis à gauche ; mais, en dépit de la fièvre qui battait dans ses veines, le nègre le devança. De quelque côté qu’il se tournât, il se voyait coupé et ramené sur le théâtre de son forfait. Tout à coup, il se mit à pousser des hurlements que répétèrent les échos ; et Rorie et moi criâmes au nègre d’arrêter. Mais tout fut vain, car il en était écrit différemment. Le nègre courait toujours, mon oncle fuyait devant lui en hurlant. Ils évitèrent la tombe et longèrent les débris du naufrage ; en un clin d’œil ils eurent dépassé les sables ; et cependant mon oncle, sans s’arrêter, s’engagea dans l’écume ; et le Noir, prêt à l’atteindre, le suivit de toute sa vitesse. Rorie et moi fîmes halte, car l’événement ne dépendait plus des hommes, et c’était la justice de Dieu qui venait de passer devant nous. Jamais nulle fin ne fut plus prompte. Sur cette plage à la déclivité abrupte, ils eurent tous deux perdu pied en une enjambée ; ni l’un ni l’autre ne savait nager ; le Noir réapparut un instant et poussa un cri guttural ; mais le courant rapide les emportait vers le large ; et si jamais ils revinrent encore à la surface, ce que Dieu seul pourrait dire, ce ne fut guère que dix minutes plus tard, à l’extrémité d’Aros-Roost, là où les oiseaux de mer pèchent en tournoyant.

    La première île de Stevenson

    On sait depuis Anatole Le Braz que les trépassés en mer ne trouvent jamais le repos éternel. Condamnés à l’effroi des abysses, au balancement perpétuel des grandes houles, ces damnés errent parmi les monstres des profondeurs et leur chagrin inconsolable ne laisse pas d’inquiéter les vivants. Cependant, les spectres du vaste cimetière marin ne viennent qu’au second rang dans la hiérarchie de l’horreur stevensonienne. Qu’ils glissent comme des ombres sous le lougre du passeur, veillent de leurs orbites creuses sur leurs richesses englouties, hantent la conscience d’un vieillard criminel, ils ne troublent en somme que les anxieux, les fous, les coupables. Les véritables agents de l’épouvante sont d’une essence bien différente. Il y a, d’un côté, la nature humaine, duelle et ambiguë, avec ses vertueuses aspirations à l’amour, ses aptitudes à la cupidité, au meurtre, au remords, à la démence. De l’autre, la nature tout court, dans sa représentation la plus violente et la plus majestueuse, au point de rencontre du minéral et du liquide, là où le fluide heurte le dur une lettre de Stevenson adressée à W. E. Henley, directeur de la revue London, écrite lors de la rédaction des Gais Lurons, en juillet 1881, nous apprend que l’îlot d’Aros, « c’est Earraid où j’ai vécu il y a longtemps, le Ross de Grisapol, le Ross de Mull, Ben Kyaw et Ben More ». Ces paysages extrêmes où se jouent le drame intime et l’affrontement moral de la nouvelle existent bel et bien. Stevenson, le supposé « écrivain de la mer », que cette étiquette, comme toutes les autres – « écrivain pour enfants », « écrivain des tropiques » – agace profondément, ne les a découverts qu’assez tard dans sa courte vie, à un moment où, jeune homme, il possédait déjà l’expérience et le discernement nécessaires à la perception de leur dimension métaphysique.

    C’est à douze ans, lors de vacances familiales à North Berwick, sur le Firth of Forth, que le Petit Robert Louis rencontre la mer, la vraie, sauvage et stimulante. Jusqu’alors, il n’en a vu que la version policée, les eaux domestiques du port d’Édimbourg, point de départ et d’arrivée des aventures fantasmées. Pour l’enfant chétif, de santé vacillante, qui a si longtemps gardé la chambre, rêvé et cauchemardé sous la courtepointe dans la compagnie exclusive de ses livres, des histoires terrifiantes de sa gouvernante et de son imagination fébrile, qui ne connaît de la nature que la campagne environnant le presbytère du grand-père Balfour, à Colinton, où il séjourne fréquemment, c’est l’occasion d’une formidable métamorphose. Les visions de pirates, de contrebandiers, de naufrageurs, de galions sombres qui préexistent en lui, il les réinvestit dans ces décors nouveaux et constate que ce premier travail de l’imaginaire, ce rapprochement entre le monde cérébral et l’univers physique, lui assure un ascendant insoupçonné sur des compagnons de jeu plus aptes, plus robustes que lui. Face à la mer immense, il mesure le pouvoir de l’imagination, l’emprise du conteur, invente sans relâche des mystères, des poursuites, des chasses au trésor qui fascinent et transportent ses camarades, transforme par la simple force des images et des mots les dunes en châteaux forts, les plages en ossuaires vikings, les parties de pêche en extravagantes robinsonnades.

    La découverte d’Earraid vient plus tard. Robert Louis a vingt ans quand il accompagne son père, ingénieur des Northern Lights, dans une tournée préparatoire à la construction du phare de Dhu Heartach, sur les côtes déchiquetées de l’Ouest écossais. La brutalité somptueuse des décors, le « linceul noir de la mer », « les voix changeantes du Roost », « les mugissements intermittents des Gais Lurons », ces récifs qui chantent et dansent leurs airs funèbres dans la tempête, s’impriment définitivement dans sa conscience. Cette fois, ce n’est plus un enfant qui se heurte à la nature, mais un jeune homme qui a déjà identifié sa part sombre, qui s’est perdu avec volupté dans les bas-fonds de sa ville. Le Mal le fascine, le frappe comme une composante indissociable de la psyché humaine. De Markheim au Maître de Ballantrae, jusqu’à l’universel Dr Jekyll et Mr Hyde, cette indissociabilité deviendra l’un des thèmes directeurs de son travail. « Une œuvre qui insiste sur la laideur du crime sans au moins suggérer quelque charme dans la tentation commet un péché contre la simplicité de l’existence », écrira-t-il plus tard, attaquant de front la conception de la littérature des naturalistes.

    L’interaction entre ces forces supposées antagonistes fonctionne d’une façon très subtile dans ce texte, que Stevenson décrit dans une lettre à son ami Sidney Col-vin comme « une sonate fantastique à propos de la mer et des naufrages ». L’innocence réveille le mal latent et met en branle les rouages de la catastrophe. Charles Darnaway vient sur Aros avec l’idée de retrouver l’épave de l’Espiritu Santo {(l’Esprit saint, qui s’est abîmé, il faut le noter, aux marches d’Aros Jay, la Maison de Dieu). C’est l’amour et non la cupidité qui guide sa quête. L’usage qu’il réserve au trésor, s’il le découvre, est d’autoriser son mariage avec Mary Ellen afin de la soustraire à la solitude de ce rocher sinistre. Affrontant les flots et sa propre terreur pour localiser le navire englouti, il arrache à la mer une boucle de soulier et un fémur humain qui retiendront l’attention des véritables aventuriers qui rôdent autour de l’épave et les inciteront à s’attarder dans les dangereux parages de l’île. Charles est donc indirectement responsable du naufrage de leur goélette, qui jettera sur le rivage l’homme noir qui, à son tour, provoquera la crise finale de l’oncle meurtrier et précipitera sa fin. Le Bien, loin d’apaiser la tragédie, a donc hâté son affreux dénouement. Poursuivant son idéal d’équité, le juste a attiré la mort, à l’égal du criminel. Et le décor du drame, dont nul ne peut dire s’il est l’œuvre de Dieu, du diable, ou d’une collaboration étroite entre les deux, sécrète, symbolise, relaie et amplifie tout à la fois les sentiments qui s’y déploient. Le Mal y guette comme il sommeille en nous, toujours prêt à bondir et à réclamer son dû. Et il est aussi beau, aussi impressionnant, aussi désirable que la vertu lorsqu’il se déchaîne sous l’aspect d’un ouragan ou du rire impie d’un dément qui jouit, selon des modalités que Stevenson nous rend intelligibles, de voir les frêles esquifs humains se fracasser contre la roche indifférente et immuable. « Il y a, pour autant que je sache, trois manières, et trois manières seulement d’écrire une histoire, expliquait-il à Graham Balfour, son futur biographe. Vous pouvez choisir une intrigue et y adapter des personnages. Vous pouvez choisir un personnage et imaginer des événements et des situations pour le développer, le faire évoluer. Ou bien […] vous prenez une certaine atmosphère et choisissez Faction et les personnages en fonction d’elle, pour la rendre sensible. Je vais vous donner un exemple – Les Gais Lurons. Là, je suis parti avec l’impression laissée sur moi par une de ces îles de la côte ouest de l’Écosse et j’ai développé l’action pour l’exprimer le plus fortement possible. »

    Dans le mois qui suivit l’achèvement de cette nouvelle, que beaucoup considèrent comme l’un de ses chefs-d’œuvre, l’imagination de Stevenson s’emparait d’une autre île. Il

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