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    2. Les Gais Lurons
    3. Chapitre 12
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    de mon oncle. Je n’eus pas à aller loin, car je l’aperçus assis à la même place sur le sommet le plus élevé, et dans la même attitude où je l’avais vu précédemment. De ce point, je l’ai déjà dit, la plus grande partie d’Aros et du Ross avoisinant se trouvait étalée sous les yeux comme une carte géographique ; et il était clair qu’il surveillait attentivement toutes les directions, car ma tête avait à peine dépassé la première pente, qu’il bondit sur ses pieds et se tourna comme pour m’affronter. Je le hélai, autant que je le pus, du même ton et dans les mêmes termes que j’avais employés souvent lorsque j’allais l’appeler pour dîner. Il ne me répondit pas, même par un geste.

    Je m’avançai encore un peu et tentai à nouveau de parlementer, avec un résultat identique. Mais lorsque je m’avançai vers lui pour la seconde fois, sa peur démente le reprit et, toujours dans un silence de mort mais avec une incroyable vélocité, il se mit à fuir devant moi le long de l’arête rocheuse de la colline. Une heure plus tôt, il était mortellement las, et moi comparativement agile. Mais à présent, il avait récupéré ses forces, grâce à l’excitation de sa folie, et j’eusse vainement songé à le poursuivre. Il est même probable que j’aurais, en l’essayant, avivé ses craintes et empiré ainsi notre malheureuse situation. Il ne me restait plus qu’à regagner la maison et à faire mon triste rapport à Mary.

    Elle l’écouta comme le précédent, d’un air soucieux, puis, me disant de me coucher et de prendre le repos dont j’avais grand besoin, elle-même partit en quête de son infortuné père. À mon âge, alors, il eut fallu des événements bien singuliers pour m’ôter le manger ou le dormir. Je dormis longtemps et profondément ; et il était beaucoup plus de midi lorsque je m’éveillai et descendis à la cuisine. Mary, Rorie et le naufragé noir étaient assis devant l’âtre sans rien dire ; et je vis que Mary avait pleuré. Ses larmes, je l’appris bientôt, n’étaient que trop justifiées. Elle d’abord, et puis Rorie, étaient allés à la recherche de mon oncle : chacun d’eux l’avait successivement trouvé debout au sommet de la butte ; et devant chacun d’eux successivement, il s’était enfui.

    Rorie avait tenté de le poursuivre, mais en vain : la folie prêtait à ses bonds une vigueur nouvelle ; il sautait de roc en roc par-dessus les plus larges crevasses ; il filait comme le vent au long des crêtes ; il se repliait et embrouillait sa piste comme un lièvre devant les chiens. Rorie finalement y renonça ; et la dernière fois qu’il vit mon oncle, celui-ci siégeait comme devant sur la cime d’Aros. Même au plus chaud de la poursuite, même lorsque le serviteur aux pieds légers fut arrivé, un instant, presque à portée de le saisir, le pauvre lunatique n’avait pas poussé un cri. Il fuyait en silence, comme une bête fauve ; et ce silence avait terrifié le chasseur.

    La situation avait quelque chose de décourageant. Comment nous emparer du fou, comment le nourrir jusque-là, et que faire de lui une fois que nous le tiendrions, telles étaient les trois difficultés que nous avions à résoudre.

    — Le Noir, dis-je, est cause de cet accès de folie. C’est peut-être même sa présence dans la maison qui empêche mon oncle d’y revenir. Nous avons bien agi envers cet étranger : nous l’avons nourri et réchauffé sous notre toit ; maintenant je propose que Rorie le passe avec le lougre de l’autre côté de la baie et l’emmène sur le Ross jusqu’à Grisapol.

    Cette proposition reçut l’assentiment de Mary ; et ordonnant au nègre de nous suivre, nous descendîmes tous les trois vers la jetée. À coup sûr, la volonté du ciel se déclarait contre Gordon Darnaway : un événement s’était produit, sans exemple sur Aros ; au cours de la tempête, le lougre avait rompu ses amarres et, après s’être fracassé contre les madriers de la jetée, il gisait maintenant sous quatre pieds d’eau, avec un bordage défoncé. Trois jours de travail au moins seraient nécessaires pour le remettre en état. Mais je ne me tins pas pour battu. J’emmenai mes compagnons jusqu’à l’endroit où le goulet était le moins large, le traversai à la nage et appelai le nègre pour qu’il me suivît. Il me fit signe, avec autant de netteté et de calme que précédemment, qu’il ignorait cet art ; et il y avait dans ses gestes une telle évidence de vérité qu’il ne nous serait jamais venu à l’idée de mettre en doute sa bonne foi. Il nous fallut donc abandonner cet espoir et regagner la maison d’Aros, avec le nègre qui marchait au milieu de nous, sans le moindre embarras.

    Nous dûmes nous borner, ce jour-là, à faire une nouvelle tentative pour communiquer avec le malheureux fou. De nouveau il était à son poste ; de nouveau il prit la fuite en silence. Mais de la nourriture et un grand manteau furent enfin déposés à sa portée ; la pluie, d’ailleurs, avait cessé et la nuit promettait d’être douce. Nous pouvions attendre, semblait-il, jusqu’au matin ; il nous fallait surtout du repos, afin de nous tenir prêts à toute éventualité ; et, comme personne n’avait envie de causer, nous nous séparâmes de bonne heure.

    Je restai longtemps éveillé, à dresser un plan de campagne pour le lendemain. Je comptais poster le Noir du côté de Sandag, d’où il rabattrait mon oncle vers la maison. Rorie à l’est, moi à l’ouest, nous compléterions, tant bien que mal, le cordon d’investissement. Il me semblait, en revoyant la configuration de l’île, qu’il serait à la rigueur possible de le forcer jusque sur le terrain bas qui longe Aros-Bay ; et une fois là, même avec la force de sa folie, il n’était guère à craindre qu’il parvînt à nous échapper. C’était sur sa terreur du Noir que je comptais ; car, j’en étais certain, aussi vite qu’il courût, ce ne serait pas dans la direction de cet homme qu’il s’imaginait revenu d’entre les morts, et ainsi nous étions au moins assurés d’un point du compas.

    Je m’endormis enfin, mais ce fut pour être éveillé peu après par un cauchemar de naufrages, d’hommes noirs et d’aventures sous-marines ; et je me sentis si fiévreux et agité que je me levai, descendis l’escalier et sortis de la maison. Au-dehors, il faisait un merveilleux clair d’étoiles, avec çà et là quelques lambeaux de nuages, derniers attardés de la tempête. La marée était presque pleine et les Gais Lurons rugissaient dans la nuit paisible et sans vent. Jamais, même au plus fort de la tempête, leur bruit ne m’avait paru plus farouche. Or, lorsque les vents se retiraient chez eux, lorsque la haute mer se rendormait dans son estival bercement et lorsque les étoiles répandaient leur, douce clarté sur la terre et la mer, la voix de ces brisants de marée clamait encore la dévastation. Ils semblaient réellement appartenir au mal universel, au côté tragique de la nature. Mais leurs vociférations insensées n’étaient pas les seuls bruits qui rompaient le silence de la nuit. Car j’entendais, parfois aiguë et vibrante, parfois presque éteinte, la note d’une voix humaine qui accompagnait la clameur du Roost. Je reconnus la voix de mon oncle et une crainte terrible m’envahit, des jugements de Dieu et des péchés du monde. Je rentrai dans les ténèbres de la maison comme dans un lieu d’asile, et restai longtemps sur mon lit, à ruminer ces mystères.

    Il était tard quand je me réveillai, je me hâtai de me vêtir et de descendre à la cuisine. Il n’y avait personne ; Rorie et le Noir s’étaient éclipsés depuis longtemps ; et mon cœur cessa de battre à cette découverte. J’avais toute confiance dans la lionne volonté de Rorie, mais aucune dans son discernement. S’il était parti de la sorte sans rien dire, ce devait être afin de rendre service à mon oncle. Mais quel service pouvait-il espérer lui rendre, même seul, et encore moins accompagné de l’homme en qui mon oncle voyait ses terreurs incarnées ? Peut-être arriverais-je trop tard pour empêcher quelque malheur fatal ; mais en tout cas, je ne devais point tarder davantage. Préoccupé de cette pensée, je sortis de la maison ; et bien que j’aie souvent couru sur les rudes côtes d’Aros, jamais je ne courus comme en cette néfaste matinée. Je ne crois pas avoir mis vingt minutes à accomplir toute la montée.

    Mon oncle n’était plus à son poste. La corbeille avait été ouverte brutalement, et les vivres jonchaient le gazon ; mais nous découvrîmes ensuite qu’il n’en avait pas mangé une bouchée. On ne voyait dans tout le paysage aucune autre trace d’existence humaine. Le jour emplissait déjà le ciel lumineux, le soleil éclairait d’une teinte rose la cime de Ben Kyaw ; mais partout au-dessous de moi les âpres hauteurs d’Aros et le champ de la mer s’étendaient dans le clair-obscur du crépuscule matinal.

    — Rorie ! criai-je ; et je répétai : Rorie !

    Ma voix se perdit dans le silence ; mais je ne reçus pas de réponse. Si les chasseurs avaient entrepris en effet de capturer mon oncle, ce n’était pas, à coup sûr, dans la légèreté de leurs pieds, mais dans la dextérité de leurs manœuvres qu’ils avaient mis leur confiance. Je continuai de courir à toutes jambes, regardant de droite et de gauche, et ne m’arrêtai que sur la hauteur qui domine Sandag. Je vis l’épave, la zone de sable nu, les vagues battant nonchalamment, la longue chaîne d’écueils, et de chaque côté le

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