▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!
  • Home
  • Tous les livres
    • Livres populaires
    • Livres tendance
  • BLOG
Recherche avancée
Sign in Sign up
  • Home
  • Tous les livres
    • Livres populaires
    • Livres tendance
  • BLOG
    Sign in Sign up
    1. Home
    2. Les Gais Lurons
    3. Chapitre 10
    Prev
    Next

    goulée, mais réussis à en répandre davantage. C’était de l’alcool pur et je faillis m’étrangler en l’avalant. Mon oncle, sans remarquer le déficit, rejeta de nouveau sa tête en arrière et absorba le restant jusqu’à la dernière goutte. Puis, avec un éclat de rire, il lança la bouteille au beau milieu des Gais Lurons qui semblèrent bondir et hurler de joie en la recevant.

    — Hé ! les gars ! s’écria-t-il, voilà les étrennes. Vous aurez mieux que ça, tantôt ou demain !

    Tout à coup, sortant de la nuit noire qui s’étendait devant nous, et à moins de deux cents yards, nous entendîmes, durant une accalmie, la note claire d’une voix humaine. Aussitôt, le vent s’abattit en hurlant, de la pointe, et le Roost mugit, s’agita et dansa avec une furie nouvelle. Mais nous avions perçu le cri et nous comprenions avec horreur qu’il venait du navire condamné, tout proche de sa perte, et que c’était la voix du capitaine lançant ses derniers ordres. Tous trois à plat ventre sur le bord, nous attendîmes, chaque sens en éveil, l’inévitable catastrophe. Mais de longues minutes, qui nous parurent des siècles, s’écoulèrent avant que la goélette se montrât soudain, pendant une brève seconde, se détachant sur une masse d’écume phosphorescente. Je vois encore sa grande voile, sous tous ses ris, battre lâchement, tandis que le bout-dehors balayait lourdement le pont ; je vois encore la silhouette noire de sa coque et me figure distinguer une forme humaine cramponnée à la barre.

    Mais cette apparition du navire fut plus fugace que l’éclair ; la même vague qui nous le découvrait l’engloutit pour toujours : les cris confus de voix nombreuses à l’article de la mort s’élevèrent, absorbés dans le rugissement des Gais Lurons. Ce fut la fin de la tragédie. Le puissant navire avec tous ses agrès, la lampe brûlant peut-être encore dans la cabine, les existences de tous ces hommes, sûrement précieuses pour d’autres, chères en tout cas pour eux-mêmes, comme le ciel, tout s’était enfoncé en un instant sous les flots. Tout cela avait disparu comme un songe. Et le vent continuait à courir et à hurler, et les eaux insensées du Roost bondissaient et se culbutaient comme devant.

    Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes là tous trois, muets et immobiles, mais cela dura longtemps. À la fin, l’un après l’autre, et quasi machinalement, nous reculâmes à plat ventre jusque derrière l’abri. Je restais couché contre le parapet, dans une absolue détresse, à peine maître de ma raison, et j’entendais cependant mon oncle se plaindre d’une voix mélancolique et toute changée. Tantôt il répétait à plusieurs reprises, tel un idiot : « Comme ils ont lutté… comme ils ont lutté… pauvres gars, pauvres gars ! » et tantôt il vagissait que « tous ces agrès ne valaient pas tripette », car le navire avait coulé au milieu des Gais Lurons au lieu de faire côte sur le rivage ; et tout le temps, le nom du Christ-Anna revenait dans ses divagations, prononcé avec un frisson de terreur.

    La tempête cependant perdit très vite de sa force. En une demi-heure, le vent avait passé à la simple brise, et le changement fut accompagné ou causé par une pluie lourde, battante et glacée. Je dus alors m’endormir, et lorsque je revins à moi, trempé, raidi et non reposé, le jour était déjà levé, un jour gris, humide, désolant ; la brise soufflait par bouffées légères et capricieuses, le reflux était complet, le Roost à son plus bas, et il ne restait plus sur tout le pourtour d’Aros qu’un fort ressac pour témoigner des fureurs de la nuit.

    CHAPITRE V

    L’homme sorti de la mer

    Rorie se mit en chemin vers la maison, afin d’aller se réchauffer et se sustenter. Mais mon oncle s’était mis dans la tête de passer en revue les côtes d’Aros et je sentis que c’était mon devoir de l’accompagner. Il était à cette heure docile et calme, mais tremblant et faible d’esprit et de corps ; et ce fut la curiosité d’un enfant qu’il apporta à son exploration. Il s’avançait en mer, escaladant les rochers ; sur les grèves, il suivait les vagues dans leur retraite. Le moindre bout de planche ou de cordage était à ses yeux un trésor dont il lui fallait s’assurer la possession au risque de sa vie. J’étais dans des transes continuelles, de le voir ainsi faible et trébuchant, s’exposer à un coup de ressac ou aux pièges des rochers herbus. Toujours prêt à le soutenir, je l’attrapais d’une main par les basques et l’aidais à ramener ces pitoyables trouvailles hors de la portée des flots : une bonne qui accompagne un enfant de sept ans n’eût pas agi d’autre façon.

    Cependant, tout affaibli qu’il fût par la réaction de sa folie du soir précédent, les passions qui couvaient en lui étaient celles d’un homme vigoureux. Sa crainte de la mer, bien que dominée pour l’heure, n’avait pas diminué ; si la mer eût été un lac de flammes dévoratrices, il n’aurait pas évité son contact avec plus d’épouvante ; et une fois où le pied lui manqua et où il s’enfonça jusqu’à mi-jambe dans une flaque d’eau, il poussa un cri comme s’il avait vu la mort. Après cet incident, il resta un moment assis à haleter comme un chien ; mais son avidité pour les dépouilles du naufrage triompha encore une fois de ses craintes ; de nouveau il chancela parmi les caillots d’écume ; de nouveau il se traîna sur les rocs parmi les jets bouillonnants ; de nouveau il s’attacha de toute son âme à recueillir des débris d’épaves, bons tout au plus à allumer le feu. Malgré le plaisir que lui causaient ses trouvailles, il ne cessait de pester contre sa mauvaise fortune.

    — Aros, dit-il, n’est pas un bon endroit pour les naufrages, – pas un bon endroit. Depuis tant d’années que j’y habite, voilà seulement le second !

    — Mon oncle, dis-je comme nous étions alors sur une bande de sable nu où il n’y avait rien pour détourner son attention, je vous ai vu cette nuit dans un état où je ne pensais vous voir jamais : vous étiez ivre.

    — Non, non, dit-il, cela n’allait pas si mal. J’avais bu, c’est vrai. Et, à dire la vérité de Dieu, c’est une chose à quoi je ne puis rien. Il n’est personne plus sobre que moi, d’ordinaire ; mais lorsque j’entends siffler le vent dans mes voiles, je suis persuadé que je deviens fou.

    — Vous avez de la religion, lui répondis-je ; et c’est un péché que de s’enivrer.

    — Oui, répliqua-t-il, et si ce n’était un péché, je crois que je ne le ferais pas. Voyez-vous, mon garçon, c’est par défi. Il y a sûrement beaucoup de vieux péchés du monde dans cette mer ; elle n’est d’ailleurs pas chrétienne ; et lorsqu’elle devient grosse et que le vent se lève – à mon idée, elle se ligue avec lui pour me convier au péché – et les Gais Lurons, ces vaillants fous qui beuglent et rient, et les pauvres âmes des morts qui ne cessent de se démener toute la nuit sur leurs épaves de navires, – eh bien, on dirait que tout cela m’appelle. Je suis un démon, alors, je le sais. Mais je ne m’occupe pas des pauvres matelots ; je suis pris par la mer, je suis aussi peu responsable que l’un de ses Gais Lurons.

    Je crus pouvoir l’atteindre au défaut de la cuirasse. Je me tournai vers la mer : les vagues couraient allègrement l’une derrière l’autre, leurs crinières rebroussées, elles remontaient la plage en se chevauchant, se dressant, se recourbant et s’écrasant l’une après l’autre sur le sable. Là-bas, l’air salin, les goélands effarouchés, l’armée large épandue des chevaux de mer hennissant et s’élançant ensemble à l’assaut d’Aros ; – et ici devant nous, cette limite tracée sur les sables plats que, malgré toute leur multitude et leur rage, ils ne peuvent dépasser.

    — Tu iras jusque-là, dis-je, et pas plus loin. Puis je récitai avec toute la gravité dont je fus capable ces vers que j’avais déjà maintes fois appliqués au chœur des brisants :

    Mais le Seigneur qui est là-haut

    Est plus puissant de beaucoup

    Que n’est le bruit des grandes eau,

    Que ne sont les vagues de la mer.

    — Ah ! dit mon oncle, à la fin finale le Seigneur triomphera, je ne doute point. Mais ici sur la terre, jusqu’aux gens les plus abjects osent le braver en face. Ce n’est pas bien ; je ne dis pas que ce soit bien ; mais c’est l’orgueil des yeux et c’est la joie de la vie, et c’est le meilleur des plaisirs.

    Je me tus, car nous franchissions alors une langue de terre qui s’allongeait entre nous et Sandag ; et j’attendis, pour faire un dernier appel à la raison de cet homme, de me trouver sur le lieu de son crime. Lui non plus ne poursuivit pas le sujet, mais il marchait à mon côté d’un pas plus ferme. Cet appel que je venais de faire à son âme agissait sur lui comme un excitant et je vis qu’il avait oublié sa recherche de misérables épaves pour se plonger dans des pensées sombres mais stimulantes. En quatre ou cinq minutes, nous fûmes au haut de la bruyère et commençâmes à descendre vers Sandag. L’épave avait été fort maltraitée par la mer : l’avant avait tourné et s’enfonçait un peu plus ; et l’arrière avait du être poussé un peu plus haut, car les deux portions du navire gisaient sur la grève entièrement séparées. Quand nous arrivâmes à la tombe, je

    Prev
    Next

    YOU MAY ALSO LIKE

    La Fleche noire – Robert Louis Stevenson
    La Flèche noire
    August 17, 2020
    Fables – Robert Louis Stevenson
    Fables
    August 17, 2020
    Le mort vivant – Robert Louis Stevenson
    Le mort vivant
    August 17, 2020
    Nouvelles Mille et une Nuits – Robert Louis Stevenson
    Nouvelles Mille et une Nuits
    August 17, 2020
    Tags:
    Classique, Fiction
    • Privacy Policy
    • ABOUT US
    • Contact Us
    • Copyright
    • DMCA Notice

    © 2020 Copyright par l'auteur des livres. Tous les droits sont réservés.

    Sign in

    Lost your password?

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!

    Sign Up

    Register For This Site.

    Log in | Lost your password?

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!

    Lost your password?

    Please enter your username or email address. You will receive a link to create a new password via email.

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!